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La politique d'immigration au coeur des polémiques sur l'incendie de Vincennes

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Passe d'armes entre des parlementaires UMP et de l'opposition, mise en cause du soutien des associations aux sans-papiers, auto-justification du gouvernement... L'incendie qui a détruit, le 22 juin, les deux bâtiments du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes (Val-de-Marne) a mis au jour toutes les difficultés et les crispations accumulées autour des conditions de rétention des étrangers frappés par une procédure d'éloignement du territoire.

Le plus grand centre de rétention

Après le décès, le 21 juin, d'un étranger retenu dans les locaux, plusieurs départs de feu se sont déclarés au CRA de Vincennes, entraînant la destruction du plus grand lieu de rétention administrative de France (280 places). Deux « retenus » ont été placés en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet de Paris et, sur les 249 placés dans le CRA, l'un manquait toujours à l'appel le 25 juin. Selon un recensement effectué par la Cimade, 31 des personnes transférées dans cinq autres lieux de rétention répartis dans toute la France ont été libérées pour des motifs divers (fin de rétention, décision du tribunal administratif...). Compte tenu du traumatisme causé par les événements et de leur transfert dans des conditions qui les ont privés « de la possibilité réelle d'exercer leurs droits », dont celui de prévenir leurs proches, la Cimade a d'ailleurs appelé les pouvoirs publics à libérer l'ensemble des « retenus » du centre. Ce qui, argumente-t-elle, constituerait un « geste d'apaisement ».

L'événement a, en effet, relancé sur la scène médiatique la polémique sur le sort des étrangers en situation irrégulière. Depuis des mois, les associations, et notamment la Cimade dans plusieurs rapports (1), n'ont eu de cesse d'alerter les pouvoirs publics sur les conditions de rétention administrative. Plusieurs mouvements de révolte avaient déjà eu lieu au CRA de Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) puis dans celui de Vincennes, particulièrement touché par des incidents quotidiens : automutilations, tentatives de suicide, grèves de la faim, bagarres, affrontement avec la police. La Commis-sion nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente avait même remis à la ministre de l'Intérieur et au ministre de l'Immigration, le 5 juin, un rapport fondé sur une visite de contrôle du CRA de Vincennes, dans lequel elle tirait la sonnette d'alarme. Elle s'inquiétait du rassemblement de deux CRA sur un même site, avec pour effet d'atteindre une capacité deux fois supérieure à celle autorisée : « Le reproche majeur qu'on peut lui adresser est de réaliser en un même lieu géographique la concentration permanente de 260 à 270 retenus administratifs, dont certains séjournent pour la durée maximale prévue par la loi. » Les détériorations volontaires des locaux ou des installations, relevait-elle, « sont une manifestation supplémentaire d'un climat de tension et de violences qui règne de façon permanente dans tous les CRA, et spécialement à Vincennes, où un rien suffit à mettre le feu aux poudres ».

Contre la politique du chiffre

Les associations mettent clairement en cause la politique du gouvernement en matière d'immigration et, souligne le Réseau éducation sans frontières (RESF), « ses objectifs chiffrés, à l'unité près, imposés à toute la chaîne administrative et policière ». Les quotas d'expulsion « ont des effets désastreux, il est plus que temps de rompre avec cette méthode détestable », renchérit la Cimade, qui réclame la suppression de ces quotas et le respect de « l'engagement pris [en 2004] de limiter la capacité des centres de rétention » à 100 places. Alors que le ministère de l'Immigration n'a pas communiqué sur cette affaire, François Fillon a affiché sa ferme intention de ne rien changer à la politique actuelle. « Ce qui conduit à des situations explosives, c'est l'importance de l'immigration », a-t-il déclaré en réponse au député Etienne Pinte (UMP, Yvelines). Isolé sur le sujet au sein la majorité, ce dernier avait estimé que l'événement de Vincennes était prévisible du fait de la politique gouvernementale. Ajoutant à la colère du monde associatif, le député Frédéric Lefebvre (UMP, Hauts-de-Seine) a quant à lui directement mis en cause les actions de RESF à proximité du CRA et demandé des poursuites judiciaires « si la responsabilité des membres de collectifs comme RESF était avérée ».

C'est dans ce climat très tendu que le contrôleur général des lieux de privation de liberté va devoir se mettre à l'oeuvre (voir ce numéro, page 16). Jean-Marie Delarue a annoncé la visite prochaine de ses services dans les centres de rétention, « y compris Vincennes après réouverture ».

Notes

(1) Voir, sur son rapport 2007 sur les centres et locaux de rétention administrative, ASH n° 2556 du 2-05-08, p. 39.

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