Le système d'information statistique actuel est « très fourni », mais il « ne permet pas une lecture apaisée et suffisamment fine des évolutions de la société ». En particulier, « des informations ne sont pas exploitées ou sont mal hiérarchisées, et la communication est trop focalisée sur un indicateur unique, les résultats mensuels, ce qui risque d'altérer la conduite des politiques de l'emploi si elles s'attachent plus à leur effet sur l'indicateur qu'à la situation réelle des personnes ». Dans un rapport rendu public le 11 juin (1), le Conseil national de l'information statistique (CNIS) avance 30 propositions pour remédier à ce constat, avec l'objectif de « construire une représentation plus riche de la réalité », sachant qu'« il n'y a pas d'indicateur parfait » ni même « exact » (sur les réactions suscitées par ces recommandations, voir ce numéro, page 45).
En matière de chômage, l'indicateur trimestriel de référence, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) calculé à partir de l'« enquête Emploi » de l'INSEE, devrait être complété chaque année par un taux de chômage par qualification, et par un taux de chômage des personnes handicapées, estime en particulier le CNIS. Le « sous-emploi » (personnes à temps partiel souhaitant travailler plus), désormais mesuré chaque trimestre, devrait être désagrégé par sexe et âge tous les trimestres, et par qualification à un rythme annuel. Tandis que le « halo » autour du chômage (personnes inactives souhaitant travailler), lui aussi enregistré chaque trimestre, devrait être détaillé par sexe et âge tous les ans, et selon que les personnes se déclarent découragées ou empêchées.
L'analyse de l'emploi devrait aussi être approfondie. D'une part, en décomposant chaque trimestre le taux d'emploi en taux d'emploi à temps plein et taux d'emploi à temps partiel, par sexe et par âge. D'autre part, en fournissant tous les ans la répartition de l'emploi par type de contrat de travail, par qualification, et selon certains aspects des conditions de travail, ainsi que des indicateurs sur l'ancienneté dans l'entreprise (moyenne et répartition). Le CNIS propose par ailleurs de produire, au moins chaque année, un indicateur sur le nombre de personnes en emploi qui veulent en changer (qui mesurerait donc « l'emploi insatisfaisant »), ainsi qu'une répartition de celles-ci selon le type de contrat, avec une décomposition par sexe et âge, et selon le motif de ce souhait. Au-delà, il importe de « s'efforcer de mieux cerner la notion floue, bien que d'usage courant, de précarité de l'emploi ». Cela implique de mobiliser régulièrement des indicateurs de transition d'une situation à l'autre au cours d'une année, et des indicateurs de parcours sur plusieurs années, afin de retracer la diversité des trajectoires et des situations individuelles, précise le Conseil.
Plus généralement, le rapport juge important de « regarder le chômage en termes d'ancienneté », et de compléter cette analyse en prenant en compte le chômage récurrent (interrompu par des séquences d'emploi).
Le Conseil préconise en outre d'ajouter de nouveaux indicateurs globaux à ceux qui existent déjà. Ainsi, un taux d'emploi en équivalent temps plein et un taux de chômage élargi (incluant la fraction « chômée » du sous-emploi), également en équivalent temps plein, compléteraient utilement le taux d'emploi et le taux de chômage au sens du BIT.
Pour le CNIS, il serait également souhaitable de mener des travaux sur les besoins de recrutement et en particulier les offres d'emploi, et d'éclaircir les motifs pour lesquels des emplois restent non pourvus.
Il convient également de poursuivre l'amélioration de l'« enquête Emploi » en continu (accroissement de l'échantillon) et de l'étendre aux départements d'outre-mer où elle n'est pas encore trimestrielle.
Quelles suites seront données à ces recommandations ? Le rapport du CNIS fait l'objet « d'un assez large consensus » et a des « chances raisonnables » d'être appliqué « dans des délais plus ou moins longs » selon la technicité des préconisations, a indiqué Jean-Baptiste de Foucauld, qui a présidé le groupe de travail à l'origine de ce document. Il estime par ailleurs utile qu'elles « soient examinées aussi au niveau européen », ce qui permettrait d'améliorer les comparaisons internationales.
(1) Emploi, chômage, précarité. Mieux mesurer pour mieux débattre et mieux agir - Disponible sur