La dépense brute d'action sociale des départements s'est élevée à 27,85 milliards d'euros en 2007, selon les estimations de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale décentralisée) pour la France métropolitaine (1). Elle est en augmentation de 4,3 % en un an. La dépense réelle, déduction faite des recettes diverses (récupérations...), mais y compris les dotations et compensations de l'Etat et de la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), représente 26,1 milliards d'euros, en hausse de 4,5 % sur un an (2). Enfin, la charge nette restant aux conseils généraux atteint, elle, 19,4 milliards et enregistre une progression de 5,1 % par rapport à 2006.
Cette croissance qui se situe donc, selon les calculs, entre 4 et 5 % est nettement plus faible que l'explosion enregistrée les années précédentes - la charge correspondant aux 26,1 milliards de 2007 était de 11,4 milliards en 2000, soit une hausse de 229 % en sept ans ! Elle reste cependant nettement supérieure à l'inflation de 3 %. Au total, l'action sociale est toujours au premier rang dans le budget des départements, avec 46 % des dépenses totales hors service de la dette, et 60 % des dépenses de fonctionnement.
La croissance ralentie des dépenses d'action sociale recouvre des évolutions disparates selon les chapitres. La charge nette liée au RMI (revenu minimum d'insertion), qui avait fait un bond de 35,9 % en 2006, est restée presque étale en 2007 (+ 0,8 %). Le soutien aux personnes âgées augmente encore de 6,6 %, mais freine par rapport aux 11,3 % enregistrés en 2006. L'aide apportée aux personnes handicapées croît quant à elle plus vite qu'en 2006 (7,9 % contre 2,2 %). Enfin, les dépenses d'aide sociale à l'enfance sont en hausse de 5,1 % contre 5,8 % en 2006.
Ces constats s'expliquent en grande partie par des évolutions du contexte économique et social qui échappent à la maîtrise des départements. Il en va ainsi pour l'aide aux personnes âgées qui, après « l'emballement » constaté pendant la période de montée en charge de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie), suit désormais à peu près la courbe démographique. De même, la quasi-stabilisation des dépenses de RMI s'explique avant tout par la baisse du chômage, qui se reflète, toujours avec un léger décalage, dans le nombre des allocataires. Avec près de 100 000 bénéficiaires de moins en 2007, la dépense brute d'allocation s'établit à 5,24 milliards, contre 5,30 en 2006. Michel Dinet, président de l'ODAS, souligne cependant que les dépenses d'insertion sont, elles, en nette augmentation, avec 920 millions contre 730 en 2006. « Depuis qu'ils sont le pilote unique de l'insertion, les départements n'ont pas baissé la garde, au contraire », note avec satisfaction le président (PS) du conseil général de Meurthe-et-Moselle, et cela d'autant moins qu'il s'agit maintenant d'accompagner les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Pour les départements, ce répit tout relatif des dépenses sociales s'inscrit dans le contexte particulier d'une année qui a vu les autres charges de fonctionnement augmenter de 8 %, avec la prise en charge des routes nationales et des techniciens et ouvriers de service de l'Education nationale. Un contexte, aussi, où les inquiétudes sur les recettes vont croissant, qu'il s'agisse de l'évolution des droits de mutation, de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), de la taxe professionnelle désormais plafonnée, ou encore des dotations et compensations de l'Etat pour les transferts de compétences. Ces dernières représentent près d'un quart des dépenses de fonctionnement des départements, auxquelles s'ajoutent les 4 % de dotation de la CNSA. Or le gouvernement envisage d'indexer les concours de l'Etat sur la seule inflation...
Par ailleurs, l'ODAS prévoit une nouvelle hausse des dépenses d'action sociale dès 2009. La réforme des tutelles entre en application l'an prochain. « La réforme de la protection de l'enfance n'est pas encore appliquée, indique Jean-Louis Sanchez, délégué général. Mais le changement d'organisation et de pratiques qu'elle implique devrait se traduire par une augmentation progressive des coûts. » De même, la PCH (prestation de compensation du handicap) devrait, un jour ou l'autre, monter sérieusement en charge, même si beaucoup de personnes handicapées préfèrent encore garder l'ancienne allocation. Par ailleurs, la démographie va continuer d'alimenter une demande croissante d'APA (si la réglementation ne change pas...). Enfin, les départements s'inquiètent du terme de trois ans fixé pour l'existence du FMDI (Fonds de modernisation départemental pour l'insertion), qui a contribué, de 2006 à 2008, à compenser pour partie le surcoût du RMI - aucune suite n'est prévue à ce jour pour 2009 - tandis que la généralisation du RSA (revenu de solidarité active) leur fait craindre une répétition du même phénomène : une compensation à l'instant T qui ne couvre pas l'aggravation ultérieure des charges mises au compte des départements. Six motifs qui font dire à l'ODAS que le calme relatif constaté pour les dépenses d'action sociale en 2007 précède sans doute une nouvelle tempête.
L'observatoire suggère donc que soit réalisé un bilan circonstancié de l'acte II de la décentralisation. « On a beaucoup décentralisé la gestion de prestations nationales comme le RMI, l'APA ou la PCH, alors que d'autres organismes comme les caisses de sécurité sociale auraient pu tout aussi bien gérer les allocations, juge Jean-Louis Sanchez. En revanche, on a été frileux sur d'autres compétences, comme le service social scolaire resté dans le giron de l'Education nationale, alors qu'un rapprochement intéressant aurait pu être réalisé avec l'aide sociale à l'enfance et la PMI. » Quant à Michel Dinet, il réaffirme que « l'on ne tiendra pas indéfiniment avec un système de prestations voté au plan national - qui définit les bénéficiaires des allocations et leur montant - mais dont le financement repose pour partie sur la fiscalité locale ». D'autant que les départements qui héritent de la charge la plus lourde sont souvent ceux qui sont déjà le plus en difficulté. A ses yeux, « cette demande d'affecter une recette nationale au financement de droits universels n'est pas contradictoire avec la volonté de confier le service de proximité de l'insertion ou de l'aide à l'autonomie aux départements, qui ont la bonne distance pour l'assurer. »
Dans la querelle persistante sur la compensation des transferts de compétences, on notera au passage la différence de chiffrage du surcoût du RMI pour les conseils généraux entre l'ODAS, qui l'évalue à 1,05 milliard d'euros pour la période 2004-2007, et l'ADF (Assemblée des départements de France), qui parle d'un reliquat de deux milliards. Contrairement au premier, l'ADF ne prend pas en compte les 500 millions d'euros prévus au FMDI au titre de 2007, mais qui ne sont versés qu'au premier semestre 2008 (et inscrits au compte administratif de cet exercice). En revanche, la même ADF intègre dans ses calculs les allocations versées aux employeurs au titre des contrats aidés, estimées à 530 millions sur quatre ans, ce qui ne paraît pas illégitime. « La vérité se situe donc plutôt autour de 1,5 milliard », estime un bon connaisseur du dossier.
(1) Ces chiffres correspondent à des projections réalisées par l'ODAS à partir des données fournies par un échantillon représentatif de 36 départements. Ils ont le mérite d'une sortie rapide, contrairement aux chiffres officiels consolidés après coup. L'ODAS a bénéficié cette année d'une collaboration de Dexia, qui apporte des éléments de contexte.
(2) La lettre de l'ODAS - Juin 2008 - Disponible sur