La proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile a définitivement été adoptée par le Parlement le 5 juin, abaissant notamment le délai de prescription de droit commun de 30 à cinq ans. Une telle loi était nécessaire car les règles en la matière se sont « diversifiées et complexifiées », expliquent les parlementaires, les rendant « inadaptées à l'évolution de la société et à l'environnement juridique actuel ». En outre, précise l'exposé des motifs du texte, « son coût, induit par l'obligation de conserver les preuves dans des conditions très encadrées, est également dénoncé ». Au-delà, la loi permet désormais d'aménager, par voie conventionnelle, le délai de prescription.
La nouvelle loi abaisse de 30 à cinq ans le délai de prescription de droit commun, y compris en matière commerciale. Sont ainsi concernées les actions personnelles ou mobilières, le délai se décomptant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Mais aussi, à compter de la révélation d'une discrimination, aux actions en justice en cas de discrimination à l'encontre d'un fonctionnaire, d'un salarié ou d'un candidat à un emploi, à un stage ou à une formation. En revanche, un délai de prescription de deux ans est appliqué aux actions des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs.
Les parlementaires ont toutefois souhaité conserver des délais plus longs, notamment pour les actions en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagées par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, qui se prescrivent toujours par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé. En cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, le délai de prescription est maintenu à 20 ans. Restent soumises à la prescription trentenaire les actions en nullité de mariage à compter de leur célébration.
A noter : la loi stipule également que l'exécution des décisions de justice de l'ordre judiciaire et administratif lorsqu'elles sont exécutoires, des actes et des jugements étrangers, et des extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ne peut être poursuivie que pendant dix ans, à moins que les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. Entre autres, elle ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi que désormais entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Ni contre les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers et charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, « les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodes plus courts », précise la loi.
Par ailleurs, la prescription peut désormais être suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties choisissent de recourir à la médiation ou à la conciliation judiciaires ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. Dans cette hypothèse, le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.
Rappelons aussi que seule une prescription acquise est susceptible de renonciation, celle-ci pouvant être expresse ou tacite (1). Et celui qui ne peut exercer par lui-même ses droits ne peut y renoncer seul.
Autre apport de la loi : elle permet désormais d'abréger ou d'allonger par accord des parties la durée de la prescription, celle-ci ne pouvant être réduite à moins de un an ni étendue à plus de dix ans (2). Les parties peuvent aussi, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.
Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré au jour de l'entrée en vigueur de la loi (3). Quant à celles qui la réduisent, elles s'appliquent aux prescriptions à compter de cette même date et ce, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Enfin, lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la loi, l'action est poursuivie et jugée - y compris lorsqu'elle se trouve en appel ou en cassation - conformément aux anciennes dispositions.
(1) La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.
(2) Par souci de protection de la partie faible dans les contrats d'adhésion, la loi prohibe de tels aménagements dans le cadre des contrats d'assurance et des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.
(3) Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.