Les ministres européens de l'Intérieur et de l'Immigration, réunis le 5 juin à Luxembourg, sont parvenus à un accord sur un projet de directive visant à établir des normes européennes pour les conditions de détention et d'expulsion des personnes en séjour illégal en Europe. Dénoncé comme la « directive de la honte » par de nombreuses associations de défense des droits des étrangers (voir aussi ce numéro, page 44), le texte doit maintenant, pour être adopté définitivement, recevoir l'aval du Parlement européen, en vertu de la procédure de codécision, appliquée pour la première fois au domaine de l'immigration. Les eurodéputés se prononceront le 18 juin, à Strasbourg.
Le texte - plus connu sous le nom de directive « retour » - stipule que les éloignements de clandestins doivent se faire de préférence de manière volontaire et accorde à cet effet un délai de départ « allant de sept à 30 jours », étant entendu que les Etats membres pourraient prévoir dans leur législation nationale que ce délai ne soit accordé qu'à la suite d'une demande de l'étranger concerné. Rien n'interdirait, par ailleurs, aux immigrés illégaux de « partir plus tôt ». Possibilité est aussi donnée aux Etats de prolonger ce délai, « en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux ». Durant cette période, les Etats membres devront veiller, « dans la mesure du possible », à ce que l'unité familiale soit maintenue ou encore à ce que les soins médicaux d'urgence soient assurés à l'égard de l'intéressé.
Au-delà, le projet de directive prévoit que certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme l'obligation de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer dans un lieu déterminé, peuvent être imposées. En outre, les Etats membres pourront s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou accorder un délai inférieur à sept jours « s'il existe un risque de fuite ou s'il a été conclu qu'une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour la sécurité publique, l'ordre public ou la sécurité nationale ».
L'éloignement forcé des clandestins interviendrait dans un second temps, à défaut de départ volontaire. Le projet de directive fixe en la matière un certain nombre de règles, prévoyant notamment la possibilité, pour les Etats membres, de reporter l'éloignement « pendant une durée appropriée, en fonction des circonstances particulières de chaque cas ». Exemple : en raison de l'absence d'identification de l'intéressé.
Dans le cas particulier de mineurs non accompagnés, le texte indique que l'assistance d'organismes compétents autres que les autorités chargées d'exécuter le retour forcé doit être accordée avant toute décision de retour, en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. De plus, avant d'éloigner du territoire un mineur non accompagné, les autorités de l'Etat membre concerné devront s'assurer qu'il sera remis à un membre de sa famille, à un tuteur désigné ou à des structures d'accueil adéquates dans l'Etat de retour.
Toujours en vertu du projet de directive, si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée, les clandestins en passe d'être expulsés pourront être bannis du territoire européen durant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, voire plus si l'intéressé constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.
Un chapitre du texte est par ailleurs consacré aux « garanties procédurales » accordées aux clandestins. Il prévoit, entre autres, que les décisions de retour et - le cas échéant - les décisions d'interdiction d'entrée doivent être rendues par écrit, indiquer les motifs de fait et de droit et comporter des informations relatives aux voies de recours disponibles. Le projet de directive permet aussi à l'immigré clandestin visé par une décision de retour de l'attaquer devant une autorité ou une instance compétente « composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d'indépendance ». Il devra disposer à cet effet de la possibilité d'obtenir un conseil juridique, la représentation en justice et, en cas de besoin, une assistance linguistique. Si le ressortissant concerné « n'a pas suffisamment de ressources pour disposer de l'aide juridique nécessaire, il obtient gratuitement cette aide, conformément à la législation nationale pertinente en matière d'assistance judiciaire », indique le texte.
Les étrangers contraints au départ peuvent être placés en rétention « s'il y a un risque de fuite » ou si l'intéressé « évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement », indique le projet de directive. « Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que la procédure d'éloignement est en cours. » C'est un des points les plus controversés du texte : les ministres, qui se sont accordés pour que la durée de rétention ne puisse, en principe, dépasser six mois, ont néanmoins ajouté la possibilité qu'elle puisse être étendue à 18 mois en cas d'absence de coopération de la part de l'intéressé ou de retard dans la transmission des documents nécessaires (1).
A noter également : le projet de directive encadre la rétention des mineurs et des familles. Il dispose notamment que les enfants non accompagnés et les familles avec mineurs ne doivent être placés en rétention « qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ».
(1) Actuellement, des pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas prévoient une durée illimitée de détention. La France a, pour sa part, fixé une durée de 32 jours.