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Les propositions du président de la Cour de cassation pour réduire les risques de récidive des condamnés dangereux

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La loi du 25 février dernier relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale prévoyait, entre autres, d'appliquer la mesure de rétention de sûreté aux criminels sexuels les plus dangereux condamnés avant le 27 février, date d'entrée en vigueur de la loi (1). Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré cette possibilité « eu égard à la nature privative de liberté [du dispositif], à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction ». Le président de la République avait alors demandé au premier président de la Cour de cassation de faire « toutes propositions utiles d'adaptation de notre droit pour que [ces condamnés] puissent se voir appliquer un dispositif tendant à l'amoindrissement » des risques de récidive. Mission achevée pour Vincent Lamanda, qui lui a remis le 4 juin son rapport dans lequel il formule 23 propositions à cet effet (2). D'ores et déjà, Nicolas Sarkozy a assuré que celles-ci feraient « rapidement l'objet d'un projet de loi » et que la justice disposerait des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.

Compléter le dispositif de surveillance de sûreté

Vincent Lamanda soumet tout d'abord au gouvernement des propositions d'ordre normatif, législatif et réglementaire visant à compléter le dispositif de surveillance de sûreté, tel que prévu par la loi du 25 février dernier. Pour mémoire, celui-ci consiste, lorsque la rétention de sûreté n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin mais que le condamné présente toujours un risque de récidive, dans le placement sous surveillance de sûreté pendant une durée de un an renouvelable (3). Ainsi, il conviendrait selon lui de « préciser que, en cas de révocation d'une libération conditionnelle, il serait possible de mettre en oeuvre, au terme de la détention de l'intéressé, une mesure de surveillance de sûreté ». Toutefois, cette dernière ne pourrait être reconductible indéfiniment, précise le rapport, « mais limitée dans les conditions de durée de la prolongation d'une mesure de libération conditionnelle, et assortie des seules obligations initialement prévues ». Il faudrait encore « prévoir, en cas de violation des obligations de la surveillance de sûreté, la possibilité de soumettre l'intéressé à de nouvelles obligations de contrôle, la rétention de sûreté demeurant l'ultime recours ». En outre, si le centre national d'observation de Fresnes (Val-de-Marne) est chargé d'évaluer la personnalité des détenus en vue de leur affectation dans un établissement pénitentiaire approprié, il ne l'est pas pour se prononcer sur l'état de dangerosité à l'issue de la peine. C'est pourquoi, le rapport préconise de « créer un centre d'observation dédié spécifiquement à l'évaluation de la dangerosité criminologique » des détenus relevant de la mesure de rétention de sûreté.

Par ailleurs, le haut magistrat suggère d'« ajouter la prévention de la récidive à la définition des principales missions de l'administration pénitentiaire » et, plus particulièrement, à celles des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Une disposition qui devrait figurer dans le futur projet de loi pénitentiaire, présenté en conseil des ministres « dans les semaines qui viennent », a assuré la chancellerie. Afin que les SPIP remplissent au mieux leurs missions, le rapport préconise d'augmenter leurs effectifs et de « spécialiser une partie d'entre eux dans les suivis renforcés, avec le soutien d'équipes pluridisciplinaires départementales ou interdépartementales ». La garde des Sceaux a d'ores et déjà annoncé un « renforcement des effectifs des conseillers d'insertion et de probation dans le cadre du prochain budget ». Pour faciliter leur action, Vincent Lamanda suggère aussi de « créer un référentiel des normes de suivi des condamnés afin de permettre aux juges de l'application des peines de donner un mandat précis aux SPIP ». Enfin, rappelle-t-il, la rétention de sûreté ne peut être décidée que si le condamné a été mis en mesure de bénéficier, durant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge et de soins adaptés à son état. Il est donc opportun, selon lui, de « mettre en place, sans délai, une prise en charge médico-sociale, psychologique et éducative des condamnés dangereux, si possible dès le début de leur détention ». Une telle mesure s'impose non plus seulement pour des raisons médicales mais aussi juridiques : en effet, « priver l'intéressé de soins en prison lui permettrait, en fin de peine, de contester le bien fondé d'une rétention de sûreté », explique le haut magistrat.

Renforcer les soins en détention

Vincent Lamanda souhaite aussi que les soins prodigués aux détenus soient renforcés, tout « en les personnalisant et en augmentant le nombre de psychiatres qui interviennent en prison ». Sur ce dernier point, la chancellerie a indiqué que ses services et ceux du ministère de la Santé allaient faire des propositions en ce sens. Pour y parvenir, le rapport recommande aussi d'« augmenter les effectifs de médecins coordonnateurs et les moyens dont sont dotés les services médico-psychologiques des établissements pénitentiaires » (4). Mais, plus généralement, d'« apporter une attention particulière à la médecine pénitentiaire, en complétant en ce domaine la formation des médecins, en particulier les psychiatres, et en revalorisant les conditions matérielles de leur intervention ». Toutefois, « les soins exclusivement thérapeutiques [étant] d'une portée relativement limitée », il suggère d'« y associer l'intervention de psychologues et d'éducateurs ».

Améliorer le suivi des détenus libérés

Enfin, le rapport s'attache à l'amélioration des conditions de prise en charge des criminels dangereux à l'issue de leur peine. Il préconise notamment de « concevoir un bracelet électronique mobile plus léger et moins stigmatisant » et, « dans le cas où la surveillance électronique mobile n'est pas applicable, [de] prévoir la possibilité d'ordonner une surveillance au moyen d'un téléphone mobile (5) spécialement paramétré, permettant la géolocalisation du condamné astreint à la mesure de contrôle ». Cette dernière mesure pourrait permettre de remédier aux difficultés posées par la surveillance électronique mobile du fait de la nécessité de recueillir le consentement du condamné, de s'assurer de l'absence de toute contre-indication médicale et de vérifier la faisabilité technique.

Notes

(1) Voir notamment ASH n° 2545 du 15-02-08, p. 17 et n° 2547 du 29-02-08, p. 5.

(2) Amoindrir les risques de récidive criminelle des condamnés dangereux - Vincent Lamanda - Juin 2008 - Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

(3) Cette décision est susceptible de recours devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, puis devant la Cour de cassation.

(4) Rappelons que les médecins coordonnateurs ont récemment vu les conditions de leur intervention revalorisées dans le cadre du suivi des condamnés soumis à une injonction de soins - Voir ASH n° 2543 du 1-02-08, p. 18.

(5) « De tels téléphones sont déjà sur le marché, d'une fiabilité satisfaisante, avec un taux d'erreur inférieur à 1/10 000 », signale Vincent Lamanda, soulignant aussi son « moindre coût » (400 € ).

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