En février dernier, France terre d'asile alertait la secrétaire d'Etat à la solidarité sur les conditions d'exercice de deux de ses intervenantes sociales mises en cause par la justice en raison de leurs activités professionnelles dans le cadre de l'aide aux mineurs étrangers isolés (1). Souhaitant éclaircir les règles en la matière, Valérie Létard a saisi la commission « Ethique et déontologie » du Conseil supérieur du travail social (CSTS) de la question de la protection des travailleurs sociaux, et nomment de la garantie juridique de leurs interventions. Lors de sa troisième assemblée plénière, le 3 juin, le CSTS a rendu un avis sur cette question.
Dans le cadre de leurs missions, les travailleurs sociaux se trouvent de plus en plus souvent confrontés à la « multiplication d'incidents comme des opérations de recherche de sans-papiers dans des structures du secteur social, des centres d'hébergement, d'accueil et de soins », constate l'instance, soulignant que « de telles pratiques se multiplient avec notamment l'intervention de la police dans ces locaux, des demandes provenant de magistrats, par exemple en matière de communication de fichiers et de dossiers nominatifs ». Ces pratiques « témoignent d'une forme de méconnaissance de la finalité du travail social et portent atteinte à l'exercice de ce dernier ». Dans ce contexte, le CSTS rappelle que les assistants de service social sont soumis au secret professionnel de par leur profession et les autres travailleurs et intervenants sociaux au secret dit « missionnel », conformément aux articles L. 411-3 du code de l'action sociale et des familles et 226-13 du code pénal. Aussi, précise-t-il, « s'ils ont toujours à répondre aux convocations de la police, en revanche les travailleurs sociaux doivent garder le silence sur les faits privés dont ils ont eu connaissance dans le cadre de l'exercice de leur profession », un secret qui ne peut être levé qu'en cas de péril pour la personne (article 226-14 du code pénal). S'agissant des étrangers en situation irrégulière par exemple, la mission des travailleurs sociaux réside dans l'apport d'une aide au regard de leur situation. Une précision fondée sur la loi du 26 novembre 2003 sur la maîtrise de l'immigration, qui dispose qu'« une personne qui agit afin de répondre à un danger grave et imminent menaçant la vie ou l'intégrité physique de l'étranger ne peut être condamnée pour aide au séjour irrégulier ». En l'espèce, « l'accès à un logement ou à un hébergement permet d'éviter ou du moins de réduire de façon conséquente les risques d'atteinte à l'intégrité physique de la personne sans domicile, quelle que soit sa situation administrative » et « cette simple connaissance ne constitue pas un délit d'intention », insiste le CSTS.
De même, les engagements internationaux ratifiés par la France et le Préambule de la Constitution garantissent l'accès à l'école des enfants mineurs, sans condition de régularité de séjour de leurs parents. Dans ce cadre, le CSTS précise que « leur scolarisation ne doit pas être entravée par la crainte d'une interpellation des parents » et que les « informations nominatives recueillies dans le cadre de l'institution scolaire ne doivent pas être utilisées dans la recherche des familles en situation irrégulière sous peine de provoquer des arrêts de scolarité et des séparations familiales », contraires à la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989.
Face à ces constats, le CSTS reconnaît qu'il y a « un besoin urgent de clarification entre les diverses réglementations : droit de séjour, droit pénal et civil, droit de tout être humain d'être respecté et de bénéficier d'une protection de son intégrité physique et morale ». C'est pourquoi il dit soutenir et approuver la démarche engagée par Valérie Létard en vue d'une réflexion sur la sécurisation juridique des interventions du travail social et plaide pour un « début rapide des travaux ». Il demande en outre à être représenté au sein du groupe de réflexion interministériel (Affaires sociales, Justice et Intérieur) qui doit être mis en place en vue de l'élaboration d'une circulaire devant permettre de sécuriser l'intervention des travailleurs sociaux. Un texte qui devra, selon lui, notamment clarifier « la relation d'aide inhérente à l'intervention sociale, le secret professionnel et les conditions du délit d'aide au séjour irrégulier ».