La première conférence nationale du handicap, rendez-vous fixé tous les trois ans par la loi « handicap » du 11 février 2005, s'est tenue le 10 juin. Réunissant les membres du gouvernement concernés par la politique du handicap mais aussi des parlementaires, des présidents de conseil général, des présidents et des membres d'associations, des personnes handicapées et leurs familles..., elle a permis d'aborder les avancées, les difficultés d'application de la loi et les propositions d'aménagement qui ont émergé dans les sept groupes d'appui technique du comité de suivi de la réforme de la politique du handicap créé en octobre 2007 (1). Le président de la République a détaillé les prochaines mesures qui seront prises au profit des personnes handicapées en les articulant autour de trois priorités : l'éducation, l'emploi et l'accessibilité. Un plan de créations de places en établissement, doté de 1,5 milliard d'euros, vise par ailleurs à améliorer la prise en charge des personnes les plus lourdement handicapées (sur les réactions, voir ce numéro, page 41).
Qualifiant de « scandale » la situation actuelle de plus de 15 000 enfants et 12 000 adultes inscrits sur des listes d'attente, Nicolas Sarkozy a annoncé la création de plus de 50 000 places nouvelles en cinq ans, dont 30 000 devront être effectivement en service d'ici à 2012 (2). 4 100 places seront dédiées aux autistes, 3 700 aux polyhandicapés, 350 aux traumatisés crâniens et 8 750 aux handicapés psychiques (dont 1 550 en instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques et 2 000 en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé). Seront également créées 12 250 places en services d'éducation spéciale et de soins à domicile (dont 5 000 par transformation de places existantes en instituts médico-éducatifs), 10 000 en établissements et services d'aide par le travail, 3 200 en instituts médico-éducatifs et en instituts médico-professionnels ainsi que 13 000 pour accompagner l'avancée en âge des adultes les plus lourdement handicapés. S'y ajoutera la création de 75 centres d'action médico-sociale précoce et de 30 centres médico-psycho-pédagogiques. Au total, 12 250 places seront réalisées pour les enfants et 39 200 pour les adultes.
Nicolas Sarkozy a présenté un pacte national pour l'emploi des personnes handicapées comportant entre autres mesures la signature de plans régionaux d'accès des travailleurs handicapés à la formation professionnelle avant la fin de l'année, la suppression de la règle des six mois de présence dans l'entreprise sur les 12 derniers mois pour décompter une personne handicapée au titre de l'obligation d'emploi ainsi que la suppression de la limite d'âge pour l'accès à l'apprentissage. Le ministre du Travail et de la Solidarité, Xavier Bertrand, a précisé que les employeurs s'engageront à développer des accords d'entreprise, de branche ou de groupe, comportant un plan pluriannuel d'embauche et de maintien dans l'emploi, ainsi qu'à publier les résultats de ces accords. En contrepartie, l'Etat mettra en place un réseau de compétences, notamment en systématisant les conventions de coopération entre les maisons départementales des personnes handicapées et le service public de l'emploi.
Le respect de l'obligation d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés d'ici à 2012 permettra l'ouverture de 250 000 emplois dans le privé et de 50 000 dans le public, a promis Nicolas Sarkozy. Soulignant que certaines entreprises n'embauchent pas de travailleurs handicapés parce qu'elles ne trouvent pas de candidat ayant une formation adaptée (3), il a annoncé une « réforme totale de la formation professionnelle ». Appelées à être exemplaires, les administrations afficheraient d'ores et déjà une hausse des recrutements de personnes handicapées de 25 % entre 2007 et 2008 (4).
Rappelant son engagement de revaloriser de 25 % l'allocation aux adultes handicapés (AAH) d'ici à 2012 (5), le chef de l'Etat a indiqué que « cette hausse méritée doit être l'occasion de réformer l'AAH », qui est aujourd'hui « attribuée parfois de manière arbitraire » et qui est « inadaptée aux besoins des personnes qui ne peuvent pas travailler aussi bien qu'aux besoins de ceux qui le peuvent ». Souhaitant que l'AAH devienne « un tremplin pour les personnes handicapées qui peuvent travailler », il a indiqué que « désormais toute demande de perception de [cette] allocation [devra être] l'occasion pour la personne concernée de bénéficier d'un examen non plus seulement de ses incapacités, mais aussi de ses capacités et donc de son employabilité ». Elle bénéficiera donc d'un bilan professionnel, a expliqué Xavier Bertrand. « Parallèlement un contrat d'insertion et d'accompagnement dans l'emploi [lui] sera proposé. » Il sera coordonné par un référent unique issu des Cap emploi ou du service public de l'emploi et pourra prévoir des actions de formation, la mobilisation d'aides à l'insertion ou des stages.
Nicolas Sarkozy a par ailleurs appelé à une refonte du guide-barème déterminant les critères d'attribution de l'AAH pour plus d'homogénéité sur l'ensemble du territoire (6). Pour lui, il devra y avoir deux régimes d'AAH, un pour les personnes handicapées qui peuvent travailler et un pour celles qui en sont « incapables sans mettre en danger leur santé », seules ces dernières ayant alors accès au complément de ressources. En outre, « le montant de l'AAH [sera] désormais ajusté chaque trimestre au vu des revenus des trois mois précédents ». Jugeant enfin le mécanisme de cumul entre l'allocation et les revenus du travail « pas satisfaisant », il a indiqué que cette question « devra être réglé[e] dans la prochaine loi de finances ». Xavier Bertrand a, quant à lui, confirmé la suppression de la condition d'inactivité de un an pour les personnes ayant un taux d'incapacité entre 50 et 80 % et précisé que « la période de cumul intégral entre allocation et salaire serait fixe, pour que les bénéficiaires de l'AAH puissent anticiper l'évolution de leurs revenus ». Les abattements sur les revenus d'activité qui diffèrent aujourd'hui selon le taux d'invalidité seront par ailleurs unifiés en un seul abattement. Précisons enfin que, pour Valérie Létard, la création d'un revenu d'existence égal au SMIC et la non-prise en compte des revenus du conjoint de la personne handicapée ne semblent pas à l'ordre du jour.
Aujourd'hui, plus de 160 000 enfants handicapés sont inscrits dans l'école de leur quartier (soit 20 % de plus sur trois ans) et 10 000 de plus le seront à la prochaine rentrée scolaire, a indiqué le ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos. Pour y parvenir, Nicolas Sarkozy a annoncé que l'accès à l'école pour les enfants qui peuvent être scolarisés en milieu ordinaire sera simplifié, notamment dans le cadre d'une collaboration étroite avec l'éducation adaptée. Pour les auxiliaires de vie scolaire (AVS), il est prévu de reconnaître une filière « métier », de développer leur formation et de leur offrir des débouchés professionnels durables. La formation des enseignants sera également améliorée et une conférence européenne sur la scolariation des enfants handicapés sera organisée les 29 et 30 octobre prochains. Autre rendez-vous : une réunion au début de l'année 2009.
Jugeant par ailleurs le chantier de l'accessibilité « titanesque », Nicolas Sarkozy a évoqué l'expérimentation prochaine des « zones d'accessibilité concertées » avec les acteurs locaux. La question de l'accessibilité sera également au programme du sommet européen de l'égalité des chances organisé par la France les 29 et 30 septembre prochains. Contrairement à son affirmation, tous les décrets d'application de la loi « handicap » ne sont pas encore parus (7). Celui sur l'accessibilité des locaux professionnels est examiné par la commission européenne et sera publié dès qu'elle aura rendu son avis, a ainsi indiqué Xavier Bertrand. Le ministre a par ailleurs souligné que 6 millions d'euros sont actuellement à disposition dans un fonds spécifique pour l'accessibilité et ne sont pas encore utilisés.
Les groupes d'appui technique du comité de suivi se réuniront à nouveau pour préparer le rapport que le gouvernement remettra au Parlement « dans les meilleurs délais ». Intégrant leurs propositions d'amélioration de la politique du handicap et enrichi des débats organisés lors de la conférence, il sera présenté en septembre devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
(1) Pour mémoire, ces groupes ont travaillé sur le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, l'accessibilité, la scolarisation, la compensation, l'accueil en établissements et services, les ressources et l'emploi, la prise en charge des personnes polyhandicapées ou souffrant de handicaps rares.
(2) Fin 2007, il existait près de 171 000 places en établissements et services pour personnes handicapées, auxquelles s'ajoutaient environ 113 000 places en établissements et services d'aide par le travail.
(3) En effet, « 83 % des personnes handicapées ont une qualification égale ou inférieure au BEP », a rappelé le chef de l'Etat.
(4) Selon un communiqué du ministre et du secrétaire d'Etat à la Fonction publique, les ministères avaient recruté 960 personnes handicapées en 2007 et se sont engagés à réaliser 1 644 embauches supplémentaires en 2008.
(5) Les bénéficiaires verront leur allocation augmenter de 24,50 € dès 2008. En 2012, elle sera égale à 776 € , soit presque 150 € de plus qu'aujourd'hui.
(6) A noter que le guide-barème a été récemment modifié, notamment pour préciser ses principes généraux d'utilisation - Voir ASH n° 2531 du 16-11-07, p. 5.
(7) Le délégué interministériel aux personnes handicapées, Patrick Gohet, a corrigé cette information, indiquant qu'il reste encore entre 10 et 12 décrets et arrêtés à publier.