Dans une délibération du 28 avril, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) demande à la secrétaire d'Etat à la famille de préciser quels sont les motifs prohibés de refus d'agrément en vue d'adoption (1). Objectif : en finir avec les décisions discriminatoires des conseils généraux à l'égard des personnes homosexuelles célibataires.
Dans cette affaire, une psychologue dans une association spécialisée dans le handicap a formulé une demande d'agrément en vue d'adoption en tant que personne célibataire, comme l'y autorise l'article 343-1 du code civil. Tout en effectuant cette démarche d'adoption à titre individuel, elle a informé les services sociaux du fait qu'elle était pacsée avec une compagne. Le 15 novembre 2005, le conseil général lui a refusé l'agrément. Estimant que cette décision était fondée sur son orientation sexuelle, elle a tout d'abord saisi le tribunal administratif, lequel a rejeté sa requête le 13 juin 2006. Elle a ensuite saisi la HALDE.
Dans un courrier de réponse aux demandes de la Haute Autorité, le président du conseil général a indiqué que le manque d'implication de la compagne de la candidate à l'adoption dans le projet d'adoption est l'unique motif ayant fondé sa décision de refus d'agrément. Cependant, l'instruction du dossier révèle que sa décision était également justifiée par un deuxième élément : le fait que la candidate à l'adoption disposait d'une « cellule familiale atypique, proposant des modèles identificatoires non traditionnels, exposée à des réactions négatives de l'entourage ». En effet, souligne la HALDE, « la pratique consistant à pointer l'absence d'engagement, d'implication et de présence du partenaire de l'adoptant est courante dans une procédure d'agrément [...] allant parfois jusqu'à faire obstacle à une adoption à titre individuel ». Mais elle « n'en est pas moins contraire aux dispositions du code civil », prévient-elle. A noter que, même si le président du conseil général n'évoque pas directement l'orientation sexuelle dans sa décision, la Haute Autorité estime que son refus d'agrément est « résolument » fondé sur ce critère dans la mesure où il a intégralement repris le procès-verbal de la commission chargée d'examiner les demandes d'agrément, laquelle a « incontestablement » fondé son avis en considération de l'orientation sexuelle.
Reconnaissant qu'il est « légitime d'apprécier les qualités du concubin de l'adoptant, susceptible de s'occuper de l'enfant, conformément à l'intérêt de ce dernier, et ce, même dans le cadre d'une démarche individuelle d'adoption », la HALDE précise qu'« il ne saurait être reproché à cette personne, qui n'a pas le droit d'adopter (seuls les couples mariés le peuvent), son manque d'implication dans la démarche ». « Cela reviendrait en effet à dénier tout droit à la demande d'agrément pour les célibataires », analyse-t-elle en se référant à l'arrêt rendu le 22 janvier 2008 par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Se prononçant sur une affaire similaire, la CEDH a opéré un revirement de sa jurisprudence et a, pour la première fois, condamné la France pour discrimination à l'égard des homosexuels célibataires souhaitant adopter un enfant (2).
« Lorsque l'orientation sexuelle est en jeu, il faut des raisons particulièrement graves et convaincantes pour justifier une différence de traitement », rappelle la Haute Autorité. Or, selon elle, « la motivation du conseil général concernant la «structure familiale atypique» [...] ne saurait constituer une «raison particulièrement grave et convaincante» pour justifier un tel refus ». Il y a par conséquent violation de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que de son article 14 qui prohibe les discriminations. La HALDE invite donc non seulement le président du conseil général à reconsidérer la situation de la candidate mais surtout elle recommande à la secrétaire d'Etat à la famille d'initier la modification de l'article L. 225-4 du code de l'action sociale et des familles en vue de préciser les motifs prohibés de refus d'agrément. Pour mémoire, cet article se contente actuellement d'indiquer que « tout refus ou retrait d'agrément doit être motivé ».
(1) Délibération n° 2008-79 du 28 avril 2008, disponible sur