De la « détermination », selon Fernand Tournan, président de l'APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés). Un « véritable volontarisme pour faire bouger les mentalités », selon la FNATH (l'association des accidentés de la vie). Après l'ouverture de la conférence nationale sur le handicap, le 10 juin, par Nicolas Sarkozy (voir ce numéro, page 5), plusieurs associations soulignent « le signal symbolique important » apporté par le président de la République. Même Jean-Marie Barbier, président de l'APF (Association des paralysés de France), assure que « l'on ne peut que se satisfaire » d'entendre le chef de l'Etat dire « que les enfants et les adultes handicapés ont leur place au milieu de tout le monde ». Mais son association débusque également la « condescendance » d'un discours qui affirme en substance que « côtoyer une personne en situation de handicap est une chance car les personnes handicapées sont généreuses, consciencieuses et joyeuses ». Non, dément l'APF : les personnes en situation de handicap sont comme les autres, « avec défauts et qualités, ni sous-hommes, ni surhommes ! ».
L'annonce des 50 000 créations de places en cinq ans satisfait l'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis). Elle correspond à ses demandes et aux besoins recensés par la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), estime-t-elle. « Le chiffre annoncé, même s'il reste insuffisant par rapport aux 117 000 places manquantes identifiées par notre fédération, est encourageant et devrait permettre de résoudre les situations les plus difficiles », juge de son côté la Fegapei (Fédération nationale des associations de parents et amis employeurs et gestionnaires d'établissements et services pour personnes handicapées mentales). Encore faut-il que « ce programme se traduise concrètement » dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, ajoute l'Unapei, qui attend une « mobilisation similaire » des conseils généraux pour les foyers et services d'accompagnement. Quant à la Fegapei, elle regrette le silence du président de la République sur les financements nouveaux que pourrait apporter le cinquième risque et l'absence d'une loi de programme qui permettrait de s'assurer que les moyens seront au rendez-vous. L'APF insiste, pour sa part, sur le volet qualitatif des attentes en matière d'établissements et de services. Les structures existantes et futures doivent apporter une réponse adaptée et individualisée aux besoins de chaque personne accueillie, en prenant réellement en compte son projet de vie. Ce qui suppose notamment que soit recherché « le juste coût et non le moindre coût ».
Reste un point majeur de déception, celui des ressources. « Le président de la République n'a, à l'évidence, ni entendu ni compris les 35 000 personnes venues manifester à Paris le 29 mars dernier », regrette le collectif « Ni pauvre, ni soumis », qui dénonce à cet égard un « rendez-vous manqué ». « Parler seulement d'AAH [allocation aux adultes handicapés], c'est exclure d'un discours déjà bien pauvre toutes les personnes bénéficiaires de pensions d'invalidité et de rentes d'accidents du travail », poursuit-il. « Répondre «employabilité» à des personnes qui ne peuvent pas ou plus travailler, c'est au mieux s'en remettre au miracle [...], au pire faire montre d'un déni inquiétant. Car pour des centaines de milliers de personnes, [...] la recette magique de l'emploi ne fonctionne pas et les formules incantatoires ne sont le signe avant-coureur que d'un inadmissible immobilisme. » Dénonçant l'interdiction faite à certaines associations de malades membres du collectif, comme Act Up Paris et Aides, d'accéder à la conférence, « Ni pauvre, ni soumis » « annonce qu'il ne lâchera rien et continuera à se battre pour une société où la solidarité vaut pour tous ».
Les (courts) débats consacrés aux ressources lors de la conférence nationale ont d'ailleurs montré la différence radicale de logique qui prévaut sur ce point. A Jean-Marie Barbier - qui insiste sur la création d'un « revenu d'existence » qu'il assimile à un salaire, assujetti aux cotisations sociales et à l'impôt... et qui ne devrait pas varier en fonction des revenus du conjoint -, Valérie Létard a répondu que toutes les allocations différentielles sont modulées en fonction des ressources du ménage. Un droit attaché à la personne d'un côté, une aide sociale de l'autre.
La ministre a indiqué à cette occasion que les études réalisées par la DREES sur l'hypothèse d'un revenu d'existence à hauteur d'un SMIC brut montraient que 60 % des titulaires de l'AAH y gagneraient, surtout des personnes seules, mais que 40 % y perdraient, surtout des couples avec enfants, à cause de la disparition d'avantages connexes ou de la prise en compte des revenus du conjoint justement. « Ce chiffrage est un premier résultat de notre action, le seul à ce jour », commente Jean-Marie Barbier, qui se dit prêt à discuter de tous les aspects de la question. Y compris de la disparition de la demi-part supplémentaire accordée pour le calcul de l'impôt sur le revenu à titre de compensation des surcoûts du handicap... quand la prestation de compensation assurera la prise en charge complète de ceux-ci.
Au chapitre de l'emploi, la FNATH revient plus en détail sur « la seule logique présentée, [qui] est celle d'une mise ou d'une remise au travail. [...] Lier aussi directement la question des ressources à la question de l'emploi installe un climat de suspicion » envers ceux qui ne travaillent pas, comme si c'était leur choix ! L'Unapei aussi s'inquiète du sort de nombreuses personnes handicapées mentales qui auraient certaines capacités à travailler mais qui, dans les faits, ont « les plus grandes difficultés à accéder à l'emploi ». La FNATH s'interroge également sur le sort des personnes qui seraient reconnues capables de travailler mais qui refuseraient des propositions ne correspondant pas à leur projet de vie, élaboré au sein de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Seront-elles exclues de l'AAH et renvoyées au RMI, « à la charge des départements et non plus du budget de l'Etat ? », demande-t-elle. La fédération juge aussi que le pacte pour l'emploi comporte certaines « pistes intéressantes », mais encore « trop floues », tandis que de nombreuses annonces ne font « que répéter les termes de la loi ».
Les associations insistent encore pour que le décret sur l'accessibilité des lieux de travail, toujours en préparation, soit réécrit avec des exigences au moins égales à celles qui prévalent pour les lieux recevant du public. « On est quand même appelé à passer plus de temps au travail qu'à faire des démarches administratives », argumente Jean-Marie Barbier. Pour l'anecdote - révélatrice -, on notera que la conférence était organisée dans la salle Henri-Langlois de la Cinémathèque de Paris, trop petite pour la circonstance mais la seule de la capitale « entièrement accessible » à toutes les formes de handicap...
Si certains points, regrette la Fegapei, n'ont été que peu ou pas abordés au cours de la conférence, comme la question des enfants en dessous de six ans, « alors que beaucoup se joue dans cette période », ou celle de la prévention, de l'innovation ou de la recherche, sur d'autres, les associations et le public présents ont pu montrer leur insistance. Parmi ces sujets sensibles, citons la formation et la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire et le « scandale » que constitue l'exonération de l'Education nationale, au prétexte qu'elle accueille des élèves handicapés, de ses obligations d'emploi de travailleurs handicapés. « L'exemplarité de l'école, c'est quand on y verra des élèves handicapés, mais aussi des profs handicapés ! »