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Conférence nationale du handicap : du concret, et vite !

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A la veille de cette rencontre institutionnelle créée par la loi du 11 février 2005, les attentes des associations et de ceux qu'elles représentent sont nombreuses. Et l'impatience est grande de voir se concrétiser des améliorations dans la vie des personnes handicapées, souligne Arnaud de Broca, secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie (1).

« La première conférence nationale du handicap se tiendra le 10 juin. Elle sera présidée par Nicolas Sarkozy, qui entend marquer par sa présence une volonté politique forte dans ce domaine. Faut-il craindre que cette conférence se limite à des effets d'annonce, sans traduction concrète rapide ? Ou faut-il, finalement, en attendre quelque chose ?

Ce sera la première conférence nationale du handicap, mais pas la dernière puisque ce nouveau rendez-vous institutionnel doit réunir tous les trois ans l'ensemble des acteurs qui interviennent au quotidien pour accueillir et accompagner les personnes handicapées. Elle doit permettre d'échanger sur la politique du handicap et sur la réalité concrète de la vie quotidienne. Un rapport en découlant sera soumis par le gouvernement au Parlement après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Il devra porter «notamment sur les actions de prévention des déficiences, de mise en accessibilité, d'insertion, de maintien et de promotion dans l'emploi, sur le respect du principe de non-discrimination et sur l'évolution de leurs conditions de vie». La loi prévoit - et cela n'avait pas été aussi facile que cela à obtenir à l'époque ! - que ce rapport peut faire l'objet d'un débat au Parlement : il n'y a donc aucune obligation, mais la FNATH se mobilisera pour que les députés et sénateurs s'en emparent, exercent leur «droit d'inventaire» et retrouvent sur cette question la même implication qu'ils avaient eue, pour la plupart d'entre eux, au moment du long débat parlementaire sur la loi pour l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées.

Cette conférence constitue le «sommet de l'iceberg» : en effet, cela fait maintenant de longs mois que l'ensemble des acteurs se retrouvent au sein de groupes de travail, à la fois groupes de suivi et groupes de préparation de la conférence nationale.

A l'arrivée du nouveau gouvernement, les groupes de travail se sont multipliés, permettant de faire le point sur les difficultés. Les associations, remplissant leur rôle de représentants des personnes handicapées, y ont bien entendu participé, ne cachant pas toutefois leur impatience. Les groupes de travail, voilà plusieurs années qu'ils s'enchaînent au gré des gouvernements (quatre secrétaires d'Etat se sont succédé depuis 2004) sur des thématiques identiques et connues. Mais c'est bien évidemment la loi du genre, et on ne peut pas reprocher à un nouveau ministre ou secrétaire d'Etat de se donner le temps de la concertation pour prendre des décisions.

Au-delà des discours

Les groupes préparatoires à la conférence se sont réunis à un rythme défiant toute concurrence, dans des conditions matérielles parfois compliquées. Toutefois, les débats ont été plutôt intéressants et constructifs. Des propositions concrètes ont pu être émises. Mais quels en seront les résultats ? Sans nul doute, le succès de cette conférence sera apprécié par tous au regard de la capacité du gouvernement puis des parlementaires à tirer de l'ensemble de ces propositions des évolutions réelles. Les paroles, nous connaissons, mais ce sont surtout des réponses rapides et concrètes que nous attendons. Il ne s'agit pas de revoir la loi de 2005, qui constitue une des grandes lois de ces dernières années par son esprit profondément novateur sur de nombreux points, par sa lettre qui règle de nombreuses situations. A ce jour, la quasi-totalité des décrets est parue. Cependant, malgré la qualité de la loi, son application reste encore à construire, tant les situations selon les départements semblent parfois loin de la nouvelle culture que souhaitait impulser le législateur, et surtout différentes et porteuses d'une véritable inégalité de traitement. Il est donc plus que temps d'assurer le «service après-vente» de ces nouveaux dispositifs, qui doit se traduire notamment par de véritables moyens budgétaires ou humains. Mais surtout la loi n'a pas réglé l'ensemble des questions de la politique du handicap.

Le précédent discours prononcé par le président de la République sur ce sujet, il y a tout juste un an au congrès de l'Unapei, avait été salué par tous - y compris par la FNATH - comme un discours important. Quasiment toutes les thématiques avaient été abordées et des promesses avaient été faites sur la scolarisation des enfants handicapés avec la mise en place d'un droit opposable (dont nous n'avons à ce jour plus entendu parler), mais aussi sur l'emploi, notamment dans les fonctions publiques, sur le statut des bénévoles et sur bien d'autres sujets. A l'époque, la FNATH s'était demandé si ce discours était opposable (2)...

La manifestation organisée par le collectif «Ni pauvre, ni soumis» du 29 mars dernier a tant marqué les esprits qu'elle constitue à présent une date historique. C'était en effet la première fois qu'autant d'associations se regroupaient autour d'un même mot d'ordre et réussissaient à mobiliser dans les rues de Paris plus de 30 000 personnes. Sans compter toutes les personnes qui se seraient déplacées si les transports, leur handicap ou leur état de santé l'avaient permis. Si le gouvernement a reconnu la légitimité de nos revendications, sa seule réponse a consisté à nous renvoyer à la conférence nationale du handicap, au cours de laquelle - nous pouvions en être assurés - des annonces seraient faites. Nous avons accepté d'attendre. Et ce délai a rendu nos attentes plus fortes encore.

Car, et même s'il s'agit de la plus importante revalorisation de cette allocation, la nouvelle hausse de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) au 1er septembre prochain, qui devrait permettre d'atteindre une augmentation de 5 % entre 2007 et 2008, reste insuffisante pour les centaines de milliers de personnes qui, de toute façon, vont rester sous le seuil de pauvreté. Sans véritable autre perspective. Cette revalorisation couvrira à peine l'inflation dont le taux prévisionnel dépasse les 3 %. Pour les personnes handicapées, malades et invalides, la question du pouvoir d'achat constitue aujourd'hui une question vitale. Et ce, d'autant plus qu'elles voient dans la faiblesse du montant des allocations que leur octroie «généreusement» la société un réel mépris, ou une double peine, comme le rappelaient fin mars les nombreux manifestants.

Sur cette question, nous attendons l'annonce de la mise en place d'un véritable revenu d'existence acceptable par toutes ces personnes. En attendant, des réponses tout à fait concrètes peuvent être apportées. Il n'est pas normal que soient prises en compte les ressources du conjoint de la personne handicapée pour déterminer le montant de l'AAH. Il n'est pas acceptable de prévoir un délai d'inactivité professionnelle d'un an pour pouvoir bénéficier de cette allocation. L'appréciation d'une capacité de travail inférieure à 5 % pour pouvoir accéder au complément de ressources continue à faire l'objet d'interprétations extrêmement diverses selon les départements. Cela conduit la FNATH à intenter de nombreux recours contre ces décisions, recours qui aboutissent souvent, tant cette condition ne repose sur rien. Sur les questions des ressources, la conférence doit permettre d'ouvrir des perspectives à court terme, mais aussi apporter des améliorations immédiates. A défaut elle n'aurait pas rempli son rôle.

La situation de l'emploi des travailleurs handicapés est connue. Leur taux de chômage reste beaucoup plus fort que celui du reste de la population. Et même si les chiffres semblent s'améliorer un peu, c'est au détriment de la qualité de l'emploi. En effet, de plus en plus de travailleurs handicapés se retrouvent obligés d'accepter des contrats à durée déterminée, souvent à temps partiel, et la plupart du temps non choisi. L'accès à l'emploi reste compliqué et discriminatoire comme vient de le montrer à nouveau le dernier rapport annuel de la HALDE (3). Mais le maintien dans son emploi pour une personne accidentée ou malade l'est souvent encore plus. Sans parler du déroulement de carrière : ce n'est là non plus un secret pour personne, une personne handicapée évoluera beaucoup moins vite qu'un autre salarié. Le travailleur handicapé doit-il se résoudre à tenir toute sa vie des emplois moins bien rémunérés, sans perspective d'évolution de carrière ?

La conférence nationale ne réglera pas à elle seule la question de l'emploi des travailleurs handicapés. Il est annoncé un «pacte pour l'emploi» qui marquera l'implication de l'Etat et des acteurs sur cette question prioritaire. Mais nous ne manquerons pas de relever que, sur ce point, l'Etat se doit aussi d'être irréprochable. Le président de la République a rappelé à de multiples reprises sa volonté de rendre les fonctions publiques exemplaires sur cette question. Dans le même temps, le ministère de l'Education nationale a fait adopter un amendement à la dernière loi de finances afin de se faire exonérer de sa contribution au Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (4). Cela fait mauvais genre !

« Show médiatique » ou réel renouveau ?

Concernant l'emploi, toujours, nous attaquerons-nous (enfin !) à la mauvaise qualité des accords signés par des entreprises, souvent dans le seul but de s'exonérer à moindre coût de leur contribution à l'Agefiph ? Parmi les accords, il y en a de bons, qu'il faut soutenir ! Mais on ne peut toutefois que constater le développement d'accords d'ambition modeste, voire de qualité mauvaise, qui n'empêchent pourtant pas les entreprises de se gargariser de leurs «efforts». Il ne s'agit pas là de critiquer le recours à des accords, mais l'Etat, qui ne se donne pas les moyens de contrôler la qualité de leurs contenus, et surtout de vérifier leur application.

Première du genre, et dans la mesure où elle se déroule quelques semaines après la grande manifestation du 29 mars, la conférence nationale du handicap cristallise de nombreuses attentes. La balle est maintenant dans le camp du président de la République et du gouvernement, qui ont le choix de faire de cette conférence un «show médiatique» ou bien la journée dont nous nous souviendrons comme celle du renouveau de la politique du handicap. Nous pourrons en juger dès la fin du discours d'ouverture. Nous pourrons en juger encore avant l'été à l'aune des mesures annoncées et traduites en actes concrets. Nous pourrons en juger cet automne dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, interprètes fidèles de la volonté du gouvernement. Mais aurons-nous encore la patience d'attendre jusque-là l'amélioration de la situation des millions de nos concitoyens concernés ? »

Contact : FNATH - 38, boulevard Saint-Jacques - 75014 Paris - Tél. 01 45 35 00 77 - E-mail : arnaud.debroca@fnath.com.

Notes

(1) Sur la conférence nationale du handicap, voir également l'interview du délégué interministériel aux personnes handicapées, ce numéro, p. 31.

(2) Voir ASH n° 2512 du 15-06-07, p. 29.

(3) Voir ASH n° 2560 du 30-05-08, p. 14.

(4) Voir ASH n° 2534 du 7-12-07, p. 39 et n° 2545 du 15-02-08, p. 38.

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