L'inscription de la mesure dans le code civil, alors que l'ancienne tutelle aux prestations sociales enfant était prévue par le code de la sécurité sociale, est unanimement saluée : la mesure d'aide à la gestion du budget familial constitue un outil à part entière de la protection de l'enfance relevant de l'assistance éducative, et investit le délégué aux prestations familiales d'un mandat judiciaire éducatif. Inscrite dans les schémas départementaux de protection de l'enfance, elle a donc gagné en lisibilité et la mission des professionnels est mieux identifiée. Ce qui facilite la recherche des complémentarités dans l'intérêt des familles. Ce partenariat peut également favoriser une grille de lecture partagée, par exemple dans l'évaluation du danger. Mais ces avancées n'empêchent pas quelques inquiétudes.
La première est liée à l'application du principe de subsidiarité de la justice. La loi prévoit en effet deux conditions pour déclencher une mesure d'AGBF : il faut que les prestations familiales soient utilisées dans un sens contraire à l'intérêt de l'enfant et que la mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale apparaisse insuffisante. Or, à ce jour, les conseils généraux ne mettent pas toujours en place cette dernière, ce qui concrètement freine les prononcés d'AGBF. Cette tendance pourrait être renforcée par une confusion entre l'accompagnement en économie sociale et familiale et la mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP) inscrite dans la loi sur la protection juridique des majeurs, deux dispositifs votés le même jour. Les conseils généraux pourraient être tentés d'appliquer davantage cette dernière, qui permet une gestion directe des prestations sociales en plus des prestations familiales. Il est de leur responsabilité de distinguer ces deux régimes, relevant de lois, de magistrats et de financements différents.
A condition que l'AGBF n'arrive pas forcément en bout de course ! Son objectif est de travailler avec la famille à l'équilibre et à l'éducation budgétaires, à partir de la gestion directe des prestations familiales, pour permettre un retour à l'autonomie et une réappropriation de la responsabilité parentale. Il s'agit d'une action éducative exercée auprès des parents, dans l'intérêt de la protection de l'enfant. Dans les cas de situations trop enkystées ou de non-adhésion des familles, l'évaluation des besoins devrait pouvoir aboutir à une mesure judiciaire.
Si elle a été créée par la réforme de la protection de l'enfance, l'AGBF se trouve en effet mêlée à deux autres textes : la loi sur l'égalité des chances, qui a instauré le contrat de responsabilité parentale, dont le non-respect peut entraîner une mise sous tutelle des allocations familiales, et la loi sur la prévention de la délinquance, qui a créé le conseil pour les droits et devoirs des familles. Tous deux constituent des portes d'entrée vers la mesure. Nous ne sommes pas en phase avec leur esprit, qui présentent l'AGBF comme une mesure de sanction plutôt que de protection. Mais, à ce jour, aucune saisine de l'autorité judiciaire n'a été recensée dans ce cadre.
Trois décrets sont en cours de rédaction, sur le financement, la formation et l'application de la loi 2002-2. Un financement par dotation globale est prévu, mais nous demandons des moyens qui prennent en compte la qualité du suivi administratif et à domicile : le nombre de mesures par professionnel devrait être calé sur l'action éducative en milieu ouvert, sachant qu'un délégué ne suit pas un enfant, mais une famille. Une formation spécifique pour les délégués aux prestations familiales est en cours d'élaboration. Comme nous l'avons demandé, elle ne devrait pas être commune aux mandataires judiciaires pour les majeurs et devrait être spécialisée sur les textes et les outils relatifs à la protection de l'enfance et à la relation d'aide budgétaire.
(1) CNDPF : C/o Cédias-Musée social - 5, rue Las-Cases - 75007 Paris -Tél. 06 80 25 63 60.