Sans « annonces fracassantes », le plan « handicap visuel » comporte des mesures « concrètes », « parfois de simples mesures d'organisation », en vue de transformer au quotidien la vie des personnes déficientes visuelles, ont expliqué le ministre et la secrétaire d'Etat à la Solidarité en le présentant le 2 juin. D'ici à 2011, l'ambition est de parvenir à « une intégration pleine et entière des personnes aveugles et malvoyantes à la vie de la cité », soit 1,7 million de personnes, dont 207 000 malvoyants « profonds » (aveugles ou distinguant seulement les silhouettes), parmi lesquels environ 61 000 aveugles complets. Doté de près de 18 millions d'euros (1), il comporte 22 mesures articulées autour de trois axes d'actions fondés sur la dignité, l'autonomie et l'intégration sociale de la personne handicapée. Parmi elles figurent des propositions formulées par Gilbert Montagné dans son rapport remis en janvier dernier aux ministres, telles que le développement de l'édition adaptée, la vocalisation des appareils de la vie courante et l'audiodescription des programmes télévisuels (2). Près de trois personnes sur 100 sont concernées.
Le plan se donne pour premier objectif d'améliorer l'accompagnement des personnes déficientes visuelles et de leurs familles avant et après l'annonce du handicap, en tenant compte du fait que « le handicap visuel surgit principalement aux deux extrémités de la vie ». La Haute Autorité de santé établira un référentiel de diagnostic et d'annonce en vue d'améliorer la qualité des pratiques. L'annonce du handicap doit en effet être accompagnée d'informations sur les moyens d'acquérir ou de maintenir une autonomie malgré le handicap, et sur les différentes formes d'aide ou de prise en charge. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) seront quant à elles tenues de désigner un expert référent au sein des équipes pluridisciplinaires.
« Donner un véritable contenu au droit à compensation pour les personnes handicapées visuelles » est le deuxième objectif du plan. Il s'agit de mieux prendre en charge le coût des aides techniques, à la fois pour leur acquisition et pour leur maintenance, quel que soit le support ou le niveau technologique du matériel adapté utilisé. Une mission conduite par les inspections générales des affaires sociales et des finances sera prochainement chargée d'étudier une réduction du taux de TVA à 5,5 % pour l'ensemble des aides techniques destinées aux personnes handicapées (3). Dans le même ordre d'idées, le recours à une aide animalière sera encouragé. Il n'est toutefois pas prévu d'améliorer l'aide financière qui existe déjà - 50 € par mois -, mais simplement de rappeler à l'ensemble des professionnels (gestionnaires d'établissements recevant du public, transporteurs, taxi...) leur obligation de laisser le maître accéder avec son chien à tous les lieux publics.
Autre chantier : renforcer l'offre en établissements et services spécialisés pour les personnes aveugles ou malvoyantes avec un handicap associé. Alors que 30 % des déficients visuels souffrent d'un polyhandicap (le plus souvent une « surdicécité »), l'offre de places spécifiques est peu développée. 6,1 millions d'euros sur quatre ans permettront de financer la création de 36 places par an en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé. Par ailleurs, 61 % des déficients visuels étant des personnes âgées de plus de 60 ans et 39 % de plus de 75 ans, la rééducation en locomotion pour prévenir les risques d'accidents et de chute, qui vise à les maintenir le plus longtemps possible dans leur environnement habituel ou à leur assurer la plus grande autonomie possible en maison de retraite, sera développée.
L'accès à l'éducation et à l'emploi est également une priorité, avec une action phare : le développement de l'édition adaptée. Des mesures sont prévues pour permettre à l'Institut national des jeunes aveugles de « coordonner dans des délais compatibles avec la rentrée scolaire la transcription des manuels scolaires » (en braille ou audio). Autre mesure : l'amélioration de la scolarisation des jeunes aveugles. L'objectif est que chaque région dispose de quatre services d'aide à l'acquisition de l'autonomie et à l'intégration scolaire (S3AIS), avec au moins un S3AIS par département dans les régions de moins de quatre départements. 416 places supplémentaires en S3AIS pour les enfants déficients visuels seront créées à partir de la rentrée scolaire 2009 avec un financement de 6,9 millions d'euros de 2009 à 2011. Selon le plan, l'autonomie des étudiants handicapés visuels doit aussi être renforcée, notamment grâce à l'application « à 100 % » de la charte « université - handicap » signée en septembre dernier (4). Enfin, les entreprises et les services publics seront mobilisés autour de l'emploi des personnes déficientes visuelles grâce notamment aux interventions de l'Agefiph et du FIPHFP.
Plusieurs mesures visent à permettre aux personnes concernées de se déplacer en sécurité dans la cité. Il est notamment prévu de renforcer la formation des professionnels du cadre bâti, de l'urbanisme et des matériels à l'accessibilité « tous handicaps », de normaliser les équipements urbains spécifiques (feux tricolores sonores, bandes d'éveil de vigilance, bandes de guidage...) et de développer le métier d'instructeur en locomotion. Ce dernier consiste à apprendre aux personnes atteintes de déficience visuelle grave ou de cécité à se déplacer seules dans les meilleures conditions de sécurité et de confort en les aidant à développer, d'une part, leur représentation spatiale et, d'autre part, leurs capacités de vicariance, c'est-à-dire à compenser avec les autres sens (5).
Afin de favoriser l'autonomie dans la vie quotidienne, le plan prévoit en outre de généraliser l'étiquetage en braille (6) et en caractères agrandis sur les produits de consommation courante, et de faciliter la vocalisation des appareils de la vie quotidienne. Il est également prévu de doubler le nombre de diplômés par an pour l'exercice du métier d'instructeur en activité de vie journalière, lequel consiste à apprendre individuellement la plupart des gestes de la vie quotidienne (se laver, cuisiner...) aux personnes atteintes de déficience visuelle grave ou de cécité.
« Remplir des dossiers administratifs, lire la documentation permettant de les remplir reste une difficulté majeure pour les personnes atteintes de déficience visuelle grave ou de cécité. » C'est pourquoi le plan entend favoriser le développement de l'impression des documents administratifs et techniques en braille ou en caractères agrandis (notices explicatives des déclarations de revenu, du contenu des documents « cerfatés », notice de demande de prestations sociales...). Les notifications des décisions des MDPH sont également concernées.
Enfin, il s'agit d'améliorer l'accès aux modes de communication modernes. Outre le développement de l'audiodescription, le plan se penche sur l'accessibilité des sites Internet, rappelant que la loi « handicap » du 11 février 2005 oblige les administrations, les collectivités locales et les services publics à rendre leurs sites Internet accessibles à tous. Le décret d'application permettant l'entrée en vigueur de cette mesure devrait être publié avant la fin du mois de juillet.
(1) 13,2 millions d'euros seront financés par l'assurance maladie, 2,6 millions par l'Etat et 2 millions par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) et son homologue dans le secteur privé, l'Agefiph.
(3) Rappelons que certains appareillages pour personnes handicapées, dont la liste figure à l'article 30-0B de l'annexe IV du code général des impôts, bénéficient déjà d'un taux de TVA réduit de 5,5 %.
(5) Il existe actuellement un seul centre de formation - APAM-formation - qui forme une dizaine d'instructeurs par an.
(6) Les personnes qui lisent le braille représentent 1 % des malvoyants profonds, soit 2 000 personnes.