Protéger et punir : la double mission d'un juge des enfants et sa manière de rendre aux mineurs « une justice attentive, presque attentionnée » sont ici données à voir par Thierry Baranger, vice-président du tribunal de Nanterre chargé des enfants, et Gilda Nicolau, professeur d'ethnologie du droit. Fruit de leurs échanges, cette chronique - rédigée à la première personne : celle du juge - rend compte du quotidien des audiences et du cheminement des réflexions du magistrat. C'est aussi un vibrant plaidoyer pour le maintien d'un système original qui lie protection et répression et fait le pari de voir en tout enfant un sujet éducable. Au coeur de ce travail de justice, un maître-mot : le temps. Le temps long d'histoires familiales où le jeune doit pouvoir trouver sa place et celui des relations entre « l'enfant et son juge », qui peuvent durer des années, en assistance éducative comme au pénal. Dans le premier cas, les dossiers des jeunes ont une couverture rose, elle est verte dans le second. Conjuguant les deux ordres de difficultés, un même mineur a parfois deux dossiers - un vert et un rose -, ce qui illustre l'absence de clivage entre enfants victimes et enfants délinquants, et le lien intime entre danger et violence, c'est-à-dire entre violence subie et agie.
Différents parcours de jeunes relatés dans l'ouvrage en témoignent. En lieu et place de cette violence qui « est toujours une souffrance, un cri mis en actes », le juge, par ses questions et son écoute, s'efforce de substituer la mise en mots. Celle-ci, qui a « un aspect initiatique fort, [...] détache l'adolescent du vécu tumultueux » dans lequel il a accompli son geste et lui permet, souvent pour la première fois, d'en découvrir la gravité, expliquent les auteurs. L'intervention du droit, précisément, « répond à la fois à l'impossibilité de sortir d'un conflit par la parole et à la contrainte de le faire en suivant un rituel précis », qui passe, notamment, par l'effort de parler.
Ce dernier n'est pas moins difficile pour les parents. Leur premier sentiment est souvent la peur. Le juge va-t-il utiliser ses redoutables pouvoirs et enlever leur enfant ? Le père d'Hosta, lui, en est au stade de la colère. Colère contre sa fille de 15 ans, qui s'est enfuie pour échapper au mariage qu'il avait décidé, et colère contre le magistrat auprès de qui l'adolescente s'était réfugiée et qui l'a placée en urgence. Monsieur G. « pense à juste raison avoir bien élevé ses enfants et il se retrouve devant un juge », commente Thierry Baranger, qui comprend le désarroi de l'intéressé. D'où la longue discussion qui s'ensuit avec lui, pour l'amener à revoir sa position - au moins provisoirement - sans qu'il perde la face. Au terme de ces palabres, le père d'Hosta finit par reconnaître une certaine légitimité à la parole du juge et il accepte de différer le mariage de sa fille : celle-ci, « visiblement heureuse », repart de l'audience avec sa famille.
L'enfant et son juge. La justice des mineurs au quotidien - Thierry Baranger et Gilda Nicolau - Ed. Hachette - 20,90 € .
Souffrances de la séparation et de la stigmatisation, difficultés à communiquer et à se comprendre, angoisse de l'avenir : quelque 63 000 mineurs et 320 000 adultes (conjoints, parents, frères ou soeurs, enfants...) sont touchés par l'incarcération d'un proche. Comment se poursuivent - ou s'interrompent - les relations entre ceux qui, de part et d'autre des murs, ont la prison en partage ? C'est ce que Gwénola Ricordeau a cherché à savoir en complétant, par une enquête de terrain, la connaissance personnelle qu'elle avait de la prison, où elle était déjà entrée comme visiteuse bénévole, puis comme amie d'un détenu. A partir de sa recherche effectuée auprès de prévenus et de condamnés incarcérés, ainsi qu'auprès d'ex-détenus et de proches de personnes en détention - surtout des compagnes -, la sociologue montre l'envers d'une mystification : comment, au discours consensuel sur la nécessité du maintien des liens entre les détenus et leur famille, s'oppose la réalité du système carcéral qui fait tout pour distendre ces relations ? Ainsi, qu'en est-il de l'effectivité du droit de visite au vu des obstacles de toute nature qui se dressent devant les familles voulant rencontrer un des leurs ? Rédaction d'une lettre administrative pour décrocher un permis de visite et délai pour l'obtenir, puis saturation des lignes téléphoniques pour réserver un parloir, enfin éloignement des affectations, inaccessibilité en transports publics de la plupart des établissements pénitentiaires et durée des contrôles à l'arrivée puis à la sortie de la prison : c'est peu dire que les visites demandent une grande disponibilité des familles. De plus, étant souvent organisées les jours ouvrables, elles peuvent également empiéter sur l'activité professionnelle des proches, voire entraîner des pertes d'emploi.
Ces visiteurs s'avèrent fréquemment être des femmes. Non seulement parce qu'il y a plus d'hommes que de femmes derrière les barreaux, mais aussi parce que celles-ci se montrent plus solidaires qu'eux avec un proche en détention. Ainsi voit-on davantage de mères que de pères dans les prisons, fait observer la chercheuse ; et lorsque, dans un couple, c'est la femme qui est incarcérée, elle est souvent quittée par son compagnon. De l'épreuve du premier parloir - « le plus difficile de tous, même si, par la suite, on dit ne s'y être jamais habitué... » - à l'angoisse partagée de la sortie, en passant par les relations sexuelles en détention et le maintien ou pas du lien avec les enfants que beaucoup de parents détenus souhaitent « écarter du monde carcéral afin de leur éviter d'être « contaminés » », Gwénola Ricordeau fait ici entendre la parole souvent escamotée de familiers du monde pénitentiaire.
Les détenus et leurs proches. Solidarités et sentiments à l'ombre des murs - Gwénola Ricordeau - Ed. Autrement - 22 € .
7 000 aides médico-psychologiques (AMP) en 1984, 42 000 fin 2007, selon une estimation de la direction générale de l'action sociale : c'est dire l'essor de cette profession, qui reste pourtant mal connue - et mal reconnue. Cet ouvrage s'emploie à en faire découvrir les différentes facettes, notamment au travers d'écrits d'AMP, qui décrivent avec une grande finesse le quotidien d'un métier exercé à plus de 80 % par des femmes. En 2004, 65 % des titulaires du certificat d'aptitude à la fonction d'AMP - devenu diplôme d'Etat en 2006 - avaient 27 ans et plus : majoritairement, le choix de ce métier correspond soit au réajustement d'un premier projet d'orientation qui ne convenait pas, soit à une reconversion professionnelle, soit encore à l'accession à la formation de personnes ayant jusqu'alors exercé en tant que « faisant fonction ». C'est le cas de Brigitte, 43 ans, qui a connu pendant 20 ans cette situation dans un établissement psychiatrique : de session en session, au fil de ses 18 mois de formation « j'ai constaté que le fait de penser me permettait de me rapprocher un peu plus des patients sans trop prendre de leur souffrance, [...] et d'être moins fatiguée et surtout moins stressée ».
AMP. Aide médico-psychologique : un métier à découvrir, des professionnels à reconnaître - Arlette Durual, Patrick Perrard - Ed. érès - 10 € .
A l'instar des livrets de maisons de commerce sur lesquels, au XIXe siècle, étaient portées toutes les affaires réalisées, ou bien les registres de police où sont notées, à leur demande, les déclarations de plaignants, les « mains courantes », présentées et analysées par Jean-François Laé, sont d'autres types d'écrits professionnels qui servent d'aide-mémoire et d'outil de communication entre collègues. Comptes-rendus de visites à domicile d'éducateurs en milieu ouvert, à la clarté sans détours, livre de bord d'un centre d'hébergement et de réinsertion sociale qui dit « la litanie des poings qui frappent à la porte, les cris ou les passages par la fenêtre et la trouée des appels » nocturnes du Samu social en quête de places, cahiers de transmission tenus par les aides-soignantes et les aides médico-psychologiques d'une institution d'accueil pour personnes polyhandicapées, qui consignent les menus faits leur paraissant devoir être connus de la relève... : ces « écritures au travail » montrent l'ordinaire - et l'entre-soi professionnel - d'une poignée de métiers d'aide à la personne où, parmi ses différentes fonctions, l'écrit, qui permet de tenir la réalité en bride, joue un rôle important de garde-fou.
Les nuits de la main courante. Ecritures au travail - Jean-François Laé - Ed. Stock - 20 € .
Lien de filiation au fondement de l'appartenance sociale, lien de « participation élective » relevant de la socialisation extra-familiale, lien de « participation organique », qui se caractérise par l'apprentissage et l'exercice d'une fonction professionnelle, et enfin lien de citoyenneté signant l'appartenance à ma nation : ces quatre types de liens, complémentaires, constituent le tissu social qui enveloppe l'individu, explique Serge Paugam. Or, « comme dans une étoffe où les fils sont entrecroisés, le risque est toujours que la rupture de l'un d'eux entraîne un effilochage et, progressivement [...] la rupture des autres », précise le sociologue, qui appelle à renforcer chacun de ces liens pour raffermir la solidarité.
Le lien social - Serge Paugam - Ed. PUF, coll. Que sais-je ? - 8 € .
Les structures de la petite enfance sont amenées à accueillir des enfants et des familles dont les identités, la culture, les attentes sont de plus en plus diverses et parfois difficiles à articuler au quotidien. Comment en faire une richesse pédagogique ? Comment favoriser la reconnaissance de chaque enfant tel qu'il est pour construire un vrai « vivre ensemble » ? Le colloque européen organisé le 29 janvier dernier par l'Acepp (Association des collectifs enfants-parents-professionnels) s'est notamment nourri d'une recherche menée par Alexandra Moreu et Gilles Brougère sur les pratiques de lieux d'accueil.
Acepp : 15, rue du Charolais - 75012 Paris - Tél. 01 44 73 85 20 - 9,50 € port inclus.
Quelles sont les conditions d'émergence et de développement de l'intervention sociale ? La question était examinée entre chercheurs français et algériens lors d'un colloque réuni à Bejaïa (Algérie) les 2 et 3 juin 2007. L'intervention sociale était également au coeur d'un séminaire de l'université Paris-XIII, tenu du 5 février au 11 juin 2007 à Bobigny, qui examinait ses liens avec les sciences sociales. Des contributions à ces deux manifestations se retrouvent dans un ouvrage qui fait place aux chercheurs et aux praticiens engagés dans un processus de recherche.
Ed. L'Harmattan - 27,50 € .
Les services et établissements sociaux accueillent bon nombre de personnes en souffrance psychique et les travailleurs sociaux se trouvent souvent démunis face à elles. Leur coopération avec le secteur de la psychiatrie relève le plus souvent de volontés individuelles. Ce constat, dressé en 2004 en Seine-Saint-Denis, a conduit à la création d'un groupe départemental. Une journée d'étude a permis, le 25 septembre 2007, de faire le point sur les avancées (créations d'équipes mobiles, formation) et les points de stagnation et d'examiner ce qui se passe en la matière dans les départements voisins de Paris et du Val-de-Marne.
Clicoss 93 : 22, rue Hector-Berlioz - 93000 Bobigny - Tél. 01 48 32 93 98 - Actes téléchargeables sur
Dix ans après la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, comment définir cette notion complexe, en constante évolution ? Quel bilan peut-on tirer des politiques menées en matière de pauvreté, d'accès au logement, d'insertion dans l'emploi, d'accès aux soins ? Le sujet a fait l'objet d'un cycle de qualification de Profession Banlieue entre le 17 novembre et le 1er décembre 2006.
Profession Banlieue : 15, rue Catulienne - 93200 Saint-Denis - Tél. 01 48 09 26 36 - 13,50 € , port inclus.