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Selon le COE, le RSA « peut constituer un atout important » pour la lutte contre le chômage, mais avec un risque « d'effets pervers »

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Le revenu de solidarité active (RSA) (1) constitue « un élément important de notre modernisation économique et sociale ». Il peut être l'occasion de « redonner du souffle aux politiques d'insertion ». Reste que, s'il peut être l'un des instruments d'un retour à l'emploi, « il n'en est pas le remède miracle ». Par ailleurs, pour que cette prestation soit « une réussite pour l'emploi », un certain nombre de conditions doivent être remplies, considère le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) dans un avis - adopté à l'unanimité de ses membres - rendu public le 23 mai (2). Un travail mené, à la demande du gouvernement (3), sans que l'instance connaisse les résultats des expérimentations qui ont été engagées, et alors que le RSA, à ce stade, reste un principe général dont beaucoup d'éléments de définition et de mise en oeuvre sont encore en suspens...

Principes, caractéristiques et objectifs du RSA : ce qu'il faut retenir pour le COE

Avant d'égrener « les conditions d'efficacité du RSA pour l'activité et l'emploi », le COE revient sur ses caractéristiques et les objectifs qui lui sont assignés. Il évoque également son principe, rappelant qu'il s'agit d'une allocation dégressive, et non différentielle, comme par exemple le revenu minimum d'insertion (RMI). Selon l'instance, le RSA a « des effets meilleurs que [cette dernière allocation] sur la pauvreté et sur l'emploi » mais « pour un coût supérieur ».

Par ailleurs, elle considère que si la familialisation de la prestation est « efficace pour lutter contre la pauvreté monétaire », elle peut en revanche « rendre moins efficace l'incitation au travail pour les couples, dans la mesure où le gain monétaire tiré de l'emploi du deuxième actif est relativement moindre que dans un système de prime individuelle ».

Quid des objectifs poursuivis avec le RSA ? Pour le COE, « la réduction du nombre de minima sociaux rencontre des limites ». Et d'expliquer, par exemple, qu'il faudra probablement prévoir, en cas de fusion du RMI et de l'allocation de parent isolé (API), « un dispositif complémentaire pour les parents isolés (cumul total ou partiel de la prestation d'accueil du jeune enfant avec le RSA, par exemple), l'API étant aujourd'hui plus élevée que le RMI et déclenchant l'accès à des services spécifiques, notamment dans les collectivités locales ». Au-delà, dans la mesure où les minima sociaux actuels ne sont pas seulement des allocations, et sont aussi la condition d'accès à des dispositifs d'accompagnement spécifiques cloisonnés par statut, il est primordial, selon le conseil, de « renverser cette logique de statuts » et de « privilégier le droit commun (et non statutaire), l'équité de l'accompagnement (des actions adaptées aux situations personnelles) » ainsi que, « au besoin, la condition de ressources comme seule condition d'accès à certains droits voire une dégressivité des prestations en fonction du revenu (droits connexes) ».

Autre « objectif primordial » pour le COE : le dispositif « RSA » retenu doit rester « simple ». Une exigence qui plaide plutôt pour un RSA « avec une pente unique », une limitation autant que possible des dispositifs complémentaires de primes pour des publics spécifiques et un dispositif qui soit aussi peu fréquemment révisé que possible. Dans le même esprit, le conseil estime que le barème du RSA doit être identique sur l'ensemble du territoire national.

Dans son avis, le COE relaie par ailleurs « les résultats d'un premier modèle théorique ». Les effets estimés du RSA sur le marché de l'emploi des travailleurs peu qualifiés y sont plutôt encourageants : « une amélioration de la participation au marché de l'emploi, une baisse du chômage des personnes faiblement qualifiées, une modération des salaires juste supérieurs au SMIC horaire compensée par le RSA (augmentation globale des revenus) ». Des premiers éléments qui doivent toutefois être « affinés et complétés », prend-il soin de préciser.

Une réussite sous conditions

Le conseil pose ensuite une série de conditions pour que le RSA soit couronné de succès. Au préalable, il souligne qu'une véritable réforme de la prime pour l'emploi (PPE) aurait pu permettre de satisfaire les mêmes objectifs que le RSA (lutte active contre la pauvreté et instauration d'un gain monétaire permanent dès la première heure travaillée). Réforme qui aurait été la bienvenue, d'autant que, par rapport au projet de RSA tel que décrit dans le Livre vert (4), la PPE présente l'avantage de bénéficier aux jeunes de moins de 25 ans et d'être favorable à la bi-activité. Toujours sur la PPE, le COE souligne que, « si l'on peut comprendre la volonté de [la] «recentrer» (5) en se rapprochant de son schéma initial (aide financière ciblée sur les plus pauvres), il est aussi évidemment difficile de supprimer purement et simplement une aide octroyée maintenant à près de 9 millions de foyers ». La substitution du RSA à la PPE est « de nature à faire de très nombreux «perdants» », ajoute-t-il.

Pour l'instance, la mise en place du RSA doit s'accompagner d'une évolution concernant les droits connexes - liés au bénéfice des minima sociaux -, qui peuvent remettre en cause le gain financier au retour à l'emploi. Droits dont l'existence « casse l'unité du marché du travail », selon elle. « Il est donc souhaitable que le statut de «bénéficiaire du RSA» ne déclenche pas le bénéfice d'aides connexes au niveau des collectivités territoriales ». « Dans toute la mesure du possible, plaide encore le conseil, ces aides ne devraient être soumises qu'à des conditions de ressources. »

Il s'agit aussi de paramétrer le RSA pour qu'il favorise l'augmentation de l'activité et de l'emploi, notamment pour les femmes en couple et les jeunes, deux catégories pour lesquelles la substitution du RSA à la PPE pourrait ne pas être avantageuse. Des solutions existent pour contrer cet effet de la généralisation du RSA, comme la mise en place d'une prime à la bi-activité, qui pourrait être fixée à 75 € , ou le maintien de la PPE pour les moins de 25 ans... mais elles impliquent naturellement un coût supplémentaire. Autre écueil à éviter pour le conseil : « faire en sorte de ne pas dégrader la qualité de l'emploi » avec le RSA. Car, souligne-t-il, son effet « vers un développement du temps partiel et une modération salariale est possible, bien qu'incertain et d'ampleur inconnue à ce stade ». « A court terme, cet effet peut être considéré comme une condition de réussite du RSA pour accroître l'activité et l'emploi. » Mais « à plus long terme, il s'agit de faire en sorte [qu'il] n'ait pas pour effet d'enliser les personnes dans le temps partiel ou les bas salaires, devenant une sorte de «subvention au temps partiel» ou [...] aux bas salaires ». Pour le COE, une solution aurait le mérite de concilier à la fois lutte contre la pauvreté et incitation à la reprise d'emploi en limitant ce risque d'enlisement : la construction d'un RSA « à deux étages », avec un socle durable, destiné à augmenter les revenus du travail lorsqu'ils sont trop faibles, et une partie temporaire liée à la reprise d'emploi. Autre piste suggérée : « faire un RSA à deux pentes », avec un taux de cumul plus faible au début (par exemple 60 %), plus élevé ensuite (par exemple 70 %). Pareil schéma « complique un peu la prestation », mais il « présente le grand avantage d'encourager l'augmentation d'activité, qui serait ainsi de mieux en mieux rémunérée », souligne le conseil. D'autres dispositifs proposés font porter l'incitation sur l'employeur (conditionner les allégements de charges sociales, rétrocéder une partie du RSA aux employeurs en cas d'augmentation de la quotité de travail ou des salaires). D'autres pistes enfin concernent la négociation sociale.

D'autre part, la généralisation du RSA ne doit pas se faire au détriment des contrats aidés, et plus généralement des politiques favorables à la demande de travail par les entreprises. Le contrat de professionnalisation adulte, ou toute autre forme de contrat permettant d'allier emploi et formation, doit aussi être développé. Et il paraît également essentiel au conseil que le RSA concerne aussi les créateurs d'entreprise et les travailleurs indépendants.

Cette généralisation doit être aussi l'occasion de repenser la politique d'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi et de celles en situation fragile sur le marché de l'emploi. Pour le conseil, il s'agit de construire un accompagnement en phase avec un projet de parcours professionnel individualisé. Et au sein des minima sociaux, doit être réaffirmée « une logique d'obligations mutuelles équilibrées ». Le COE « s'est prononcé en faveur d'un diagnostic social et professionnel systématique des bénéficiaires du RSA et d'un accompagnement systématique par le service public de l'emploi de ceux qui sont sans emploi, dans une logique de droits et de devoirs n'excluant pas la possibilité de sanctions financières », a résumé sa présidente, Marie-Claire Carrère-Gée.

Au-delà, il s'agit aussi de faire évoluer les dispositifs d'intéressement de l'assurance chômage. « Dans le système actuel, il apparaît difficile de substituer purement et simplement le RSA à l'allocation de solidarité spécifique », estime notamment l'instance.

D'une manière générale, pour le COE, le RSA sera « une réussite pour l'emploi » à condition notamment d'être traité en liaison avec les multiples chantiers sociaux ouverts, qu'il s'agisse de la fusion de l'ANPE et des Assedic, de la nouvelle convention d'assurance chômage, de la réforme de la formation professionnelle ou de la sécurisation des parcours.

Notes

(1) Voir ASH n° 2550 du 21-03-08, p. 21 et n° 2551 du 28-03-08, p. 15.

(2) Avis du COE sur les conditions de la réussite du RSA pour l'emploi - Disponible sur www.coe.gouv.fr.

(3) Voir ASH n° 2528 du 26-10-07, p. 9.

(4) Voir ASH n° 2548 du 7-03-08, p. 5.

(5) Voir ASH n° 2556 du 2-05-08, p. 19.

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