La création du nouvel opérateur issu de la fusion ANPE-Assedic (1) « va bien au-delà d'une «simple» opération technique de fusion ». « Elle doit s'accompagner d'un saut qualitatif significatif dans le service rendu » aux demandeurs d'emploi et aux entreprises - notamment grâce à une accélération et une personnalisation accrue du suivi des chômeurs et à une simplification du système -, selon le rapport de la mission pilotée par Jean-Marc Boulanger, inspecteur général des affaires sociales, remis le 21 mai aux ministres chargés de l'emploi, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez (2).
Selon la mission « Boulanger », le nouvel opérateur devra être capable non seulement d'aider toute personne à la recherche d'un emploi à en trouver un, les entreprises à trouver le collaborateur qui leur fait défaut mais aussi, à terme, d'« aider toute personne en activité souhaitant une évolution professionnelle à mener à bien un projet professionnel durable ».
Aider les chômeurs « à trouver le plus rapidement possible un emploi correspondant à leurs attentes et à leurs possibilités compte tenu du marché » reste l'axe sur lequel « les attentes immédiates sont les plus fortes ». Et, par conséquent, « celui où le saut qualitatif et les résultats obtenus doivent être les plus nets et les plus rapidement perceptibles », souligne le rapport. A cet égard, la mission préconise de « structurer et consolider la phase initiale de prise en charge » du demandeur d'emploi. Il importe également de « conduire une démarche d'accès à l'emploi fortement rythmée et interactive ». Démarche qui serait fondée sur « un diagnostic partagé et un engagement réciproque, [et] structurée en deux niveaux de services correspondant aux besoins de la personne ». Un « accompagnement personnalisé » pourrait ainsi concerner les candidats dont la distance à l'emploi est la plus grande, alors que les autres bénéficieraient d'un « appui personnalisé » (3). Deux « niveaux de services » distincts qui reposeraient néanmoins sur des principes communs : une personnalisation du service, un démarrage immédiat du parcours assorti d'emblée du niveau de service adéquat, des contacts fréquents entre le candidat et un référent unique, un recours à une gamme de prestations et d'aides mobilisables à tout moment ainsi qu'une responsabilisation du candidat dans la conduite de sa recherche et la prospection des offres. Une attention particulière devrait toutefois être portée aux jeunes dépourvus de qualification, aux personnes alternant régulièrement périodes d'emploi et de chômage et aux chômeurs de longue durée.
Autre impératif : « établir le rapport entre le nouvel opérateur et les publics présentant une problématique spécifique d'insertion sociale ». Les « deux écueils à éviter » sont ici de « laisser ces publics à la charge des seuls travailleurs sociaux ou, à l'inverse, de disperser les moyens de l'opérateur vers des publics pour lesquels il n'a pas les savoir-faire et les outils nécessaires, son effort étant ainsi voué à l'échec ». Au contraire, il s'agit d'« associer le travail social et le travail d'intermédiation dans un duo organisé ».
L'accompagnement des actifs occupés désirant changer d'emploi a toujours fait partie des fonctions théoriquement dévolues à l'ANPE. Mais « les exigences de l'action contre le chômage n'ont pas permis à cette fonction de s'affirmer réellement », rappelle la mission. Compte tenu du taux d'emploi français (63 % en 2006), « encore insuffisant au regard de l'objectif européen », l'intervention de la nouvelle institution à l'égard des actifs occupés « ne peut pas aujourd'hui constituer un objectif prioritaire au niveau national », estime-t-elle. « Les moyens de la nouvelle institution sont légitimement concentrés sur les demandeurs d'emploi, et ils doivent le demeurer. » Toutefois, le rapport appelle à commencer à développer et expérimenter « dès à présent » des services pour les actifs occupés, et ainsi à « anticiper sur ce que pourrait être demain le service de la nouvelle institution dans un contexte de plein emploi ». Seraient alors ciblés « certains publics à la frontière de l'emploi et du non-emploi, en partant de l'expérience acquise dans le champ de l'aide aux demandeurs d'emploi ».
Dans ce cadre, le nouvel opérateur aurait à accompagner les bénéficiaires de contrats aidés non marchand vers l'emploi durable, et à construire avec les jeunes dépourvus de qualification un projet d'accès à l'emploi et à la qualification. A moyen terme, des expérimentations pourraient être conduites sur deux autres catégories d'actifs occupés : les personnes alternant emploi et non-emploi et celles en temps partiel subi.
Pour Jean-Marc Boulanger, par ailleurs, la capacité de l'institution à inscrire son action aux côtés de celle des autres acteurs du territoire est tout à fait décisive pour en assurer le succès : son organisation doit donc être largement déconcentrée. Plus généralement, le nouvel opérateur doit délibérément rechercher toutes les possibilités de coopération avec tous ceux dont l'action interagit avec la sienne. A cet égard, dans la mesure où elle permet d'optimiser le temps et les moyens de la coopération locale, c'est la solution du réseau structuré qui est préférable, considère la mission « Boulanger », précisant que la maison de l'emploi répond parfaitement à ce besoin, car sa présence « permettra [au nouvel opérateur] de tisser à moindre effort les liens les plus denses et les plus utiles avec les acteurs locaux de l'emploi ».
D'autre part, le recours aux opérateurs privés de placement (OPP) doit dorénavant « s'inscrire durablement dans le système d'accompagnement personnalisé piloté par le nouvel opérateur », estime la mission, qui préconise dès lors de sortir le recours à ces opérateurs de sa phase expérimentale pour couvrir l'ensemble du territoire. La relation avec les OPP doit « évoluer vers une logique de complémentarité et non de concurrence », et l'organisation du recours à ces prestataires « ne doit pas être vue seulement comme un moyen d'absorber la charge de l'opérateur mais doit permettre la structuration d'un marché d'acteurs performants », poursuit-elle. Au-delà, les principes régissant l'intervention des co-traitants - missions locales, Cap Emploi, Association pour l'emploi des cadres - dans la prise en charge de publics relevant de la responsabilité de la nouvelle institution doivent être les mêmes que ceux qui seront appliqués aux organismes privés, et donc s'inscrire dans une logique de résultats.
(2) « Contribution à la préparation de la convention tripartite entre l'Etat, l'Unedic et la nouvelle institution créée par la loi du 13 février 2008 » - Disponible sur
(3) La spécificité du service d'accompagnement personnalisé tiendrait « à la fréquence et à l'intensité plus forte des contacts ainsi qu'à la capacité de l'opérateur à conduire une prospection d'offres ciblées en fonction des profils individuels des personnes accompagnées en complément de la recherche conduite personnellement par le candidat ».