Les familles d'enfants handicapés vivent « un désavantage social permanent », qui se traduit notamment par un manque évident de solutions d'accueil dans les lieux de la petite enfance, de loisirs ou de vacances.Le rapport intermédiaire rendu public le 21 mai par la plate-forme nationale « Grandir ensemble » (1) fait apparaître avec acuité la réalité et l'importance de la disqualification sociale vécue par ces familles. Il met en évidence des premiers constats et formule déjà plusieurs orientations pour améliorer l'offre d'accueil, qui restent à approfondir. Une sorte de « mise en bouche » avant la publication définitive de l'étude nationale « sur les conditions d'accès des enfants handicapés, dès le plus jeune âge, aux structures d'accueil ou de loisirs » promise pour novembre prochain. Cette vaste enquête est soutenue et financée par plusieurs institutions (2) et son comité technique de suivi est présidé par Charles Gardou, professeur des universités et spécialiste du handicap.
Des premiers éléments de cette analyse - qui s'appuie sur de nombreuses auditions, une enquête qualitative menée dans trois départements, une étude juridique sur les responsabilités des organisateurs en matière d'accueil et une expérimentation régionale d'accompagnement technique des directeurs de structures -, il ressort que le motif du handicap se rajoute aux difficultés des familles en matière d'accès aux établissements d'accueil de la petite enfance. L'admission à l'école se concrétise souvent quant à elle par un accueil à temps partiel, soit quelques demi-journées ou quelques heures par semaine, sans complément de prise en charge. Et si l'enfant est scolarisé à temps plein, son accueil pendant le temps périscolaire n'est pas toujours garanti, dans la mesure où celui-ci relève de la municipalité. Par ailleurs, en cas de prise en charge en établissement médico-social, les familles ne bénéficient pas généralement de solutions d'accueil périscolaire... A cela s'ajoutent encore les difficultés à trouver une solution de « baby-sitting » en soirée, à imaginer une destination de vacances en famille avec une possibilité d'accueil temporaire pour l'enfant... Des difficultés encore amplifiées à la période de l'adolescence et qui rendent nécessaire un fort investissement parental dans les solutions d'accueil.
Le problème est tel, relève le rapport, que bon nombre de parents hésitent à solliciter l'accueil de leur enfant au sein de structures collectives et adoptent souvent d'autres stratégies : suspension de leur activité professionnelle, recours à d'autres membres de la famille pour assurer la prise en charge de leur enfant en dehors des temps scolaires... D'une façon générale, ces familles font plus facilement confiance à des structures qui se déclarent, dès le départ, adaptées à l'accueil des enfants handicapés. Elles se trouvent de fait « contraintes de mettre principalement en avant la qualité du mode d'accueil, son caractère de souplesse et de réactivité, par rapport à la dimension intégrative avec d'autres enfants, pourtant évoquée comme première attente ».
Pourtant, une diversité de l'offre d'accueil existe en France, qui correspond très souvent aux attentes des familles. Malheureusement, elle se caractérise fréquemment par des propositions éparses, fondées principalement sur des initiatives locales, et souvent fragiles. Le rapport évoque ainsi les séjours de vacances adaptés, dont l'accueil est généralement de bonne qualité. Il cite également les structures d'accueil ou de loisirs « mixtes » dans lesquelles un nombre de places (parfois jusqu'à 50 %) est réservé aux enfants handicapés. Si elles présentent de nombreux intérêts, comme leur pérennité ou la possibilité d'être dupliquée ailleurs, le caractère spécifique de ces expériences rend toutefois inapplicables leurs méthodes dans le milieu ordinaire. Le risque en outre est de « dédouaner les structures ordinaires [de l'obligation] de s'engager dans l'accueil effectif d'enfants en situation de handicap », relève le rapport. Parallèlement se sont développés des dispositifs de soutien, d'accompagnement, d'appui technique à l'intégration des enfants handicapés dans les structures d'accueil ou de loisirs ordinaires, qui, malgré leur grand intérêt, fonctionnent de façons très diverses (que ce soit au plan de l'évaluation des demandes, de la formation du personnel encadrant, du financement du surcoût lié à l'accueil...). A cela s'ajoute le développement de l'accueil temporaire spécialisé avec la création de structures ou de places dédiées au sein d'établissements médico-sociaux, de services de relais à domicile ou de lieux de vacances familiaux (accueil de familles avec un jeune ou un adulte handicapé).
Enfin, en plus d'une série d'initiatives locales difficiles à repérer de manière exhaustive, existe sur l'ensemble du territoire l'accueil spontané d'enfants handicapés au sein de structures collectives ordinaires (crèches, haltes-garderies, centres de loisirs...) dû ici à la mobilisation d'une famille, là à la motivation d'un directeur, là encore au partenariat existant avec un établissement médico-social. Néanmoins, relève l'étude, si la plupart des organisateurs de lieux d'accueil se déclarent ouverts à l'idée de développer l'accueil d'enfants handicapés, ils se heurtent à plusieurs difficultés : inadéquation des locaux, insuffisance du personnel d'encadrement, manque de formation des salariés, absence d'appui technique, surcoûts éventuels liés aux adaptations humaines ou matérielles.
Face à cet état des lieux qui traduit une très grande diversité, mais surtout un manque évident de cohérence et de pilotage, la plate-forme « Grandir ensemble » formule, à ce stade de l'analyse, six orientations pour développer l'offre d'accueil. Premier impératif : diversifier l'offre pour répondre à la multiplicité des besoins, voire « dénoncer certaines approches dogmatiques conduisant à une hiérarchisation des modes de réponse apportées aux familles » pour rechercher au contraire une articulation et une combinaison des réponses. Il apparaît également nécessaire de développer la formation initiale et continue sur les questions du handicap pour l'ensemble des professionnels des secteurs de l'enfance et de l'animation. Outre l'importance de pouvoir s'appuyer sur un diagnostic territorial des besoins afin de sortir de la réponse « au coup par coup », le rapport préconise aussi d'évaluer précisément les surcoûts et de garantir leur prise en charge financière tant pour les familles que pour les structures d'accueil.
Il faudra, en outre, se pencher sur les moyens d'assurer aux parents la qualité d'accueil et de participation des enfants en situation de handicap, ajoutent les auteurs, qui posent d'ailleurs la question de la labellisation des structures (avec ses avantages et inconvénients). Enfin, il apparaît incontournable, selon eux, de concevoir au niveau départemental un dispositif global de coordination et de mutualisation des moyens et des compétences en lien avec la maison départementale des personnes handicapées, les gestionnaires de lieux d'accueil, les associations et les professionnels du secteur. Celui-ci aurait une dimension d'information des familles, d'évaluation des demandes et de préparation de l'accueil, et de formation des professionnels.
(1) Constituée à l'initiative de la Fédération Loisirs pluriel le 25 septembre 2007, elle est composée de sept organisations nationales (ACEPP, APF, Autisme France, Fédération Loisirs pluriel, Scouts et guides de France, Trisomie 21 France, Unapei (membre associé)) et de 13 organisations locales. Plate-forme nationale Grandir ensemble : 3, rue de l'Arrivée - BP 198 - 75749 Paris cedex 15 - Tél. 02 99 09 02 36 -
(2) La Fondation de France, la CNSA, la Caisse d'épargne, la Fédération bretonne des CAF, le conseil général de Loire-Atlantique.