Le ministre du Travail et des Relations sociales a, le 28 avril, présenté aux organisations syndicales et patronales ses propositions visant à assurer le financement des retraites et à rétablir progressivement l'équilibre des comptes. Au-delà des mesures relevant de l'application même de la loi du 21 août 2003 réformant les retraites, elles s'articulent surtout autour d'un nouveau plan pour l'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans. Un plan que, « s'ils le souhaitent », les partenaires sociaux peuvent « venir compléter », a indiqué le lendemain Xavier Bertrand sur Europe 1. « L'heure est aux mesures précises et concrètes », a-t-il martelé, car sans ces nouvelles mesures, « le déficit [de la branche retraite] atteindra, en 2012, 11 milliards d'euros pour [cette] seule année. Si nous ne faisons rien, une retraite sur dix ne sera pas financée » à cette même date. Le ministre leur a ainsi proposé de mettre en place, « dans le courant du mois », un groupe de travail « pour avoir des séances communes à partir de la première moitié du mois de juin » (1). Sans attendre, le Premier ministre devait recevoir d'ici à la fin de la semaine les syndicats d'employeurs et de salariés pour discuter des thèmes de l'agenda social, et notamment de la réforme des retraites.
Les mesures actées seront adoptées par voie réglementaire et, pour certaines, feront l'objet de dispositions législatives au sein des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2009.
Pour mémoire, la loi du 21 août 2003 a prévu que, à compter de 2009, la durée d'assurance cotisée nécessaire pour l'obtention d'une pension de retraite à taux plein augmentera de un trimestre par an, pour atteindre 41 ans en 2012. Ce au regard de l'évolution du taux d'activité des personnes de plus de 50 ans, de la situation de l'emploi et de la situation financière des régimes de retraite, ainsi que d'un examen d'ensemble des paramètres de financement de ces régimes. Conforté par les analyses du Conseil d'orientation des retraites (COR) et de la commission de garantie des retraites (2), Xavier Bertrand a donc confirmé qu'il entendait donner suite à cette disposition législative, provoquant le mécontentement des partenaires sociaux.
La loi avait aussi fixé pour 2008 l'objectif d'un montant total de pension (régimes complémentaires compris) égal à 85 % du SMIC net après une carrière complète cotisée à temps plein et rémunérée au SMIC. Selon le COR, cet objectif serait atteint dans 99 % des cas grâce aux revalorisations successives du minimum contributif en 2004, 2006 et 2008. Aussi le gouvernement est-il disposé à « reconduire jusqu'en 2012 un objectif de pension pour une carrière complète au SMIC ». Mais, précise-t-il, il souhaite trouver avec les partenaires sociaux le moyen de l'atteindre « de la façon la plus efficiente, le minimum contributif avec ses règles actuelles n'étant pas forcément l'outil le plus approprié pour y parvenir ». « Par souci de clarté, il serait souhaitable de définir les responsabilités respectives des régimes de base et des régimes complémentaires dans le respect de cet objectif », ajoute-t-il.
Par ailleurs, le ministre du Travail et des Relations sociales a annoncé qu'il entendait reconduire le dispositif de départ anticipé à la retraite pour carrière longue, une mesure qui, selon lui, « fait partie intégrante de l'équilibre trouvé entre allongement de la durée de cotisation et prise en compte de la situation de ceux qui ont commencé à travailler jeunes, avec des carrières parfois difficiles ». Toutefois, dans la continuité d'une circulaire de la direction de la sécurité sociale du 23 janvier dernier durcissant, dans ce cadre, les conditions de validation des trimestres (3), Xavier Bertrand a indiqué qu'il entendait aussi sécuriser la gestion du dispositif « de façon à éviter les abus ou fraudes qui pourraient conduire à remettre en cause sa légitimité ». Ainsi, a-t-il précisé, « les conditions financières de régularisation de périodes anciennes seront réexaminées pour éviter que ce mécanisme ne soit détourné de son objectif initial ».
Pour conforter le financement du système de retraite, le gouvernement va, comme annoncé (4), baisser les cotisations chômage - grâce à la bonne santé des comptes de l'Unedic - et augmenter à due concurrence les cotisations retraite de façon à ne pas créer de prélèvement nouveau. Par ailleurs, Xavier Bertrand estime que les majorations de pension pour enfants - avantages non contributifs de retraite - ou d'autres avantages familiaux de retraite devraient par nature relever de la branche famille, qui est excédentaire, et non de la branche vieillesse. Mais cela, « tout en maintenant les enveloppes budgétaires nécessaires pour financer les autres priorités de la politique familiale à commencer par le développement des modes de garde », a-t-il assuré.
Au-delà des mesures déjà adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (5), le gouvernement suggère aux partenaires sociaux de « [faire] de l'emploi des seniors un thème prioritaire à l'occasion de toutes les négociations nationales en cours ou à venir (assurance chômage, formation professionnelle, conditions de travail et pénibilité) ».
Surtout, afin d'inciter les salariés à prolonger leur activité professionnelle au-delà de l'âge légal, le ministre a confirmé que le dispositif de cumul emploi retraite sera « libéralisé » et ses règles « simplifiées et harmonisées entre l'ensemble des régimes de retraite ». Ainsi, « la reprise d'activité pourrait être autorisée sans restriction dès lors que l'assuré a cotisé la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein ou atteint l'âge de 65 ans ». Autre mesure envisagée : l'augmentation et l'harmonisation du taux de la surcote - dont le champ pourrait être élargi aux salariés ayant eu une carrière longue ou à faibles revenus - à 5 % par année accomplie au-delà de 65 ans et de la durée nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein.
S'agissant des entreprises, le gouvernement souhaite mettre en oeuvre des mesures visant à leur faire « adopter une gestion active des âges et à mieux intégrer les seniors dans leur politique de gestion des ressources humaines ». Aussi les branches ou entreprises qui ne l'auraient pas déjà fait devront-elles « ouvrir des négociations sur l'emploi des seniors et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences de façon à parvenir à un accord avant la fin de l'année 2009 ». Des accords qui devront « impérativement comporter un engagement chiffré de progression sensible de la part des 55/64 ans dans les effectifs de la branche ou de l'entreprise » (6). En complément des travaux du groupe permanent de suivi du plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors, un point d'étape sur leur taux d'emploi devrait être fait au plus tard en 2010. Si les résultats étaient insuffisants, « un mécanisme de sanction pourrait être mis en oeuvre à compter de 2010, sous forme de cotisation retraite additionnelle », a indiqué Xavier Bertrand. S'agissant des employeurs de la fonction publique, l'amélioration significative du taux et des conditions d'emploi des seniors doit être un « objectif d'intérêt général », que ceux-ci soient sous statut ou contractuels. Dans ce cadre, il conviendra de « mettre en oeuvre des mesures de responsabilisation et d'incitation tant pour les employeurs que les agents ». En application de ces principes, le gouvernement s'est engagé à ouvrir une « concertation sur les mises à la retraite d'office aux âges couperets actuels afin de donner aux agents publics qui le souhaitent le libre choix de prolonger leur carrière ».
Enfin, « afin de compenser les écarts de salaires lors d'une reprise d'emploi », Xavier Bertrand propose d'optimiser les mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité pour les demandeurs d'emploi de plus de 50 ans. Il a en outre indiqué qu'un « relèvement progressif des conditions d'âge pour bénéficier d'une dispense de recherche d'emploi interviendra au fur et à mesure que l'accompagnement renforcé des seniors par le service public de l'emploi se déploiera ».
Afin de consolider la solidarité envers les retraités les plus modestes, le ministre du Travail et des Relations sociales a confirmé que le gouvernement allait, d'ici à 2012, augmenter de 25 % le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ex-minimum vieillesse). En outre, le taux de réversion pour le régime général et les régimes alignés, actuellement de 54 % de la pension de vieillesse de l'assuré décédé, sera porté à 56, 58 et 60 % respectivement aux 1er janvier 2009, 2010 et 2011. A noter : un âge minimum pour l'ouverture du droit à pension de réversion devrait être rétabli afin de s'aligner sur les dispositions applicables dans les régimes de retraite complémentaires.
Enfin, afin de prendre en compte l'accélération de l'inflation, le gouvernement a aussi confirmé qu'une revalorisation supplémentaire des pensions de vieillesse interviendrait « au 1er septembre 2008 pour l'ensemble des retraites du régime général, des régimes alignés et de la fonction publique ». Il a en outre annoncé que le mode d'indexation des pensions de vieillesse serait revu de façon à ce que leur revalorisation intervienne désormais au 1er avril de chaque année, comme pour les régimes de retraite complémentaire.
(1) En outre, Xavier Bertrand souhaite ouvrir plus largement le dialogue, en invitant les internautes à s'exprimer (partage d'expériences, propositions) sur ce sujet sur
(3) Circulaire n° DSS/3A/2008/17 du 23 janvier 2008, à paraître au B.O. Santé-Protection sociale-Solidarités, et diffusion des instructions ministérielles de la CNAV n° 2008/1 du 3 mars 2008, disponible sur
(6) Par exemple, des indicateurs relatifs à la politique de recrutement, aux sorties d'activité des seniors, à la politique de maintien dans l'emploi et de formation des salariés après 45 ans pourraient figurer dans le bilan social des entreprises et/ou faire l'objet d'un échange annuel dans le cadre des institutions représentatives du personnel.