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Les propositions de Jean Le Garrec pour réformer le dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

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Après presque dix ans de fonctionnement, le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) a permis de répondre aux situations les plus graves identifiées par le législateur. Toutefois des limites importantes d'accès au mécanisme de « préretraite amiante » sont apparues, raison pour laquelle le ministre du Travail a demandé à l'ancien député (PS) Jean Le Garrec de lui faire des propositions de réforme du dispositif, afin notamment de le recentrer sur les personnes ayant été réellement exposées. Son rapport, qui rappelle que 2 500 décès professionnels sont liés à l'amiante chaque année, a été rendu public le 24 avril (1).

Relancer les efforts de prévention

L'auteur souhaite avant tout « attirer l'attention des pouvoirs publics et de tous les acteurs sur la nécessité d'une nouvelle mobilisation, pas seulement autour des conditions de travail mais bien sur l'ensemble du dossier de l'amiante ». Il est « indispensable, insiste-t-il, de produire un effort de prévention très important qui passe d'abord par un respect strict de la réglementation ». Il convient, selon lui, d'« appréhender l'ensemble du champ relatif à l'amiante et de ne pas s'en tenir aux chantiers de désamiantage », notamment les sites abandonnés. Aussi propose-t-il de « mettre en place une mission de très haut niveau, confiée à un préfet, qui sera chargée de faire dans chaque région, avec les acteurs locaux, un point sur l'application de la réglementation sur les sites abandonnés et d'envisager les mesures à prendre ».

Exiger une participation financière « équitable » de l'Etat et des entreprises

Le financement du FCAATA est actuellement supporté à plus de 93 % par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale, les deux principaux responsables - l'Etat et les entreprises dont les salariés entrent dans le dispositif - n'y contribuant qu'à hauteur de moins de 8 %. Une situation que Jean Le Garrec juge « inacceptable ».

L'ancien député pointe du doigt notamment la faiblesse de la récolte de la contribution limitée spécifique à la charge des employeurs dont les salariés bénéficient du dispositif de « préretraite amiante », créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Son montant est égal à 15 % de l'allocation annuelle brute augmentée des charges de retraite. Il ne peut dépasser quatre millions d'euros par année civile pour chaque redevable et est plafonné à 2,5 % de la masse salariale. Alors que son rendement était estimé à une centaine de millions d'euros lors de sa mise en place, « la collecte actuelle n'atteint que péniblement 30 millions par an », souligne le rapport. Principale explication : des difficultés de recouvrement « très importantes » - en 2007, près de 45 % du montant des contributions n'ont pas été recouvrés -, liées notamment à l'identification des entreprises qui ont pu être rachetées, changer de raison sociale ou même cesser toute activité. L'auteur suggère donc que « les trois financeurs actuels [contribuent] chacun à hauteur du tiers des dépenses supportées par le fonds », la contribution de l'Etat pouvant être réalisée « progressivement sur une période de quatre à cinq ans ». En outre, indique-t-il, la mesure est pénalisante pour les petites et les moyennes entreprises du fait de son double plafonnement. Aussi recommande-t-il l'instauration d'un plancher en deçà duquel la contribution ne serait pas exigible, par exemple pour les entreprises dont le nombre de salariés serait inférieur à un seuil qui pourrait être fixé entre 50 et 100.

Au final, conclut le rapport, les dépenses de la branche AT-MP devraient diminuer, des moyens qui pourraient ensuite être réaffectés à la prévention et à la réparation des maladies professionnelles.

Instaurer un dispositif associant procédures collectives et individuelles

Face à ces constats, Jean Le Garrec soutient que « seul un nouveau dispositif combinant approche collective et individuelle permettrait de résoudre ces difficultés ». En effet, précise-t-il, « donner un accès [au dispositif] à un collectif de travail permet de privilégier la réalité des expositions et les conditions d'exercice des métiers concernés par rapport à la position dans l'entreprise ». Les salariés de sous-traitants ou les intérimaires en mission, jusqu'alors exclus, pourraient désormais en bénéficier. Mais « cette procédure collective ne doit pas être exclusive d'une démarche individuelle ». Il s'agirait, d'une part, de maintenir l'accès à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour les salariés des établissements inscrits sur les listes officielles (2) et de « clore la période de dépôt des demandes d'inscription d'un établissement à une date raisonnable », qui pourrait être fixée au 1er janvier 2010, ce « qui laisse un temps suffisant pour régler les dossiers en cours ». D'autre part, il conviendrait d'« ouvrir le dispositif aux métiers relevant des professions et catégories socioprofessionnelles qui connaissent le risque le plus important de développer un mésothéliome (3) », métiers qui figureraient sur une liste arrêtée par le gouvernement (4). L'admission devrait alors « laisser une place importante à une présomption d'exposition significative », estime l'auteur, qui serait établie par un faisceau d'indices précis fixé par le gouvernement (secteur d'activité, durée d'exposition, période d'activité, conditions d'exercice...).

Quant au niveau de l'allocation, il est « globalement satisfaisant », relève le rapport. En 2006, il s'élevait en moyenne à un peu plus de 1 500 € nets par mois. Toutefois, en 2005, 4 % de salariés percevaient une allocation inférieure à 75 % du SMIC net. Actuellement, le montant de l'ACAATA ne peut être inférieur au montant minimal de l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi (AS-FNE), sans toutefois être supérieur à 85 % du salaire de référence (près de 880 € en 2007). Aussi l'ancien député suggère-t-il de relever ce dernier seuil en le portant à 100 %.

Dans la foulée de la remise de ce rapport, Xavier Bertrand a annoncé qu'un groupe de travail de suivi serait constitué afin de disposer d'un lieu de réflexion et d'échanges sur ces questions. En outre, il réunira « d'ici à la fin du mois de juin » les directeurs régionaux du travail et les responsables des caisses régionales d'assurance maladie des principales régions afin de mobiliser les acteurs concernés sur l'application de la réglementation existante, sur la prévention et le recensement des sites.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.travail.gouv.fr.

(2) Pour mémoire, pour ouvrir droit à une préretraite amiante, le salarié doit justifier que l'entreprise à laquelle il appartenait est inscrite sur les listes établies par arrêté comme ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante.

(3) Forme rare et virulente de cancer causée par l'inhalation de l'amiante et affectant le revêtement des poumons, de la cavité abdominale ou l'enveloppe du coeur.

(4) Tels que plombiers chauffagistes qualifiés, soudeurs qualifiés sur métaux, tuyauteurs industriels qualifiés...

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