Recevoir la newsletter

Une étude éclaire les parcours de socialisation des enfants placés dans un « village SOS »

Article réservé aux abonnés

Vieux de 50 ans, le concept de SOS villages d'enfants repose sur un projet éducatif singulier : accueillir, sans séparer les fratries, les enfants placés sur décision de justice ou par l'aide sociale à l'enfance pour une longue durée, au sein d'une maison intégrée à un quartier. La prise en charge est fondée sur la relation, « non substitutive de la relation parentale », avec un adulte « référent permanent » : une « mère SOS » - éducatrice familiale (1) - assistée d'une aide familiale et d'une équipe d'éducateurs spécialisés et de psychologues.

L'association SOS villages d'enfants gère aujourd'hui 12 villages en France métropolitaine et en soutient 34 à l'étranger. Quelle est la pertinence de son projet dans le cadre de la protection de l'enfance ? Quelle a été la trajectoire des enfants qui ont été placés dans ces villages ? L'association a souhaité répondre à ces questions légitimes, qui permettent plus largement d'appréhender les parcours des enfants placés. Elle a confié à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) une étude longitudinale sur les « anciens » du village d'enfants SOS de Marseille (2), avec le soutien financier de la direction générale de l'action sociale et de la Fon-dation de France, réalisée entre 2003 et 2005, dont les résultats sont encore en cours d'exploitation.

La situation de 123 « anciens placés », arrivés entre 1963 et 1992, ayant vécu plus de trois ans au village SOS et ne bénéficiant plus de prise en charge dans cette structure depuis trois ans, a été analysée avec une approche novatrice consistant à « confronter la perception aux faits ». Plusieurs sources ont en effet été utilisées : les dossiers institutionnels des enfants, un questionnaire adressé aux anciens placés (80 % ont répondu), des entretiens avec ces derniers, mais aussi avec l'équipe éducative, réalisés par l'équipe de recherche. Au moment de l'étude, les anciens placés avaient entre 23 et 50 ans.

Quelle était la situation de ces enfants ? La quasi-totalité d'entre eux avaient déjà été auparavant pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. « Dans un cinquième des cas, l'accueil de la fratrie a permis de regrouper les frères et soeurs dispersés avant leur arrivée au village d'enfants SOS. » La plupart de ces fratries sont nombreuses (jusqu'à 12 enfants avant 1976), même si leur taille a diminué avec le temps. Ces enfants, tous issus de milieux très défavorisés, ont pour la plupart affronté des situations familiales complexes, parfois sources de conflits entre frères et soeurs. Comme dans le cadre général de l'aide sociale à l'enfance, les motifs du placement sont multiples et parfois cumulés : décès (surtout avant 1976) ou grave maladie des parents, conflits conjugaux et violences familiales (dans les trois quarts des cas), alcoolisme parental (60 %), problèmes psychologiques ou psychiatriques des parents (un tiers des fratries), carences graves et maltraitances (plus de la moitié des familles, surtout après 1976). A leur arrivée, quatre jeunes sur dix présentaient des problèmes de santé (retard staturo-pondéral, de langage, pathologies respiratoires, sensorielles...). Si, comme dans beaucoup d'institutions, les évaluations psychologiques au moment du placement « n'ont laissé que peu de traces écrites », environ les deux tiers des enfants ont manifesté des troubles psychiques et comportementaux. Près d'un quart d'entre eux n'étaient pas encore scolarisés en primaire à leur admission.

La recherche permet de mettre en avant la spécificité des villages d'enfants SOS : « Celle-ci s'appuie sur l'existence d'attachements forts - à la «mère SOS», aux frères et soeurs -, qui ont favorisé la sociabilité ultérieure. » Ainsi, l'absence de liens entre frères et soeurs adultes est beaucoup plus fréquente chez ceux qui n'ont pas été élevés ensemble au village : 20 %, contre 7 %. En outre, le fait d'avoir été accueillis par une même personne « leur a donné une impression de normalité ». Deux fratries, auxquelles peut s'ajouter le propre enfant de la « mère SOS », étant souvent accueillies sous le même toit, cette notion de famille a même été élargie.

Près de neuf anciens placés sur dix sont toujours en contact avec leur « mère SOS ». La famille d'origine n'est cependant pas absente du réseau familial : 32 % disent maintenir avec elle des contacts réguliers. « Au-delà de cet environnement riche et diversifié, le réseau social des anciens s'enrichit aussi après la sortie du village d'enfants SOS », précise l'étude.

Mais quels résultats en matière d'inser-tion ? « Si plus des deux tiers des anciens sont aujourd'hui bien insérés socialement et professionnellement », la période de sortie a constitué une étape charnière, comme pour la plupart des anciens placés. Plus de la moitié des jeunes a été aidée à ce moment, par l'association ou les collectivités locales. Ces aides ont souvent permis l'achèvement de la scolarité ou l'obtention d'une qualification.

Pour 11 % des anciens, l'insertion restait problématique jusqu'aux alentours de l'âge de 25 ans. « Certains ont connu des parcours d'errance et de délinquance (15 %). Mais les soutiens apportés par la mère SOS, les frères et soeurs et l'association ont cependant pu favoriser une insertion, même tardive, dans la majorité des cas. » S'ils sont moins diplômés que la moyenne (près de trois sur dix n'ont aucune qualification), « l'écart observé diminue en l'absence de troubles psychiques et comportementaux » et les plus jeunes ont tendance à être davantage diplômés que les plus âgés. Environ quatre sur dix sont ouvriers ou employés, « ce qui représente une proportion plus importante que dans la population générale ». 20 % disent ne pas subvenir seuls à leurs besoins et la part des bénéficiaires du RMI « n'est pas négligeable » (14 %). Reste qu'au final, les trois quarts des enquêtés ont une activité professionnelle, plus de la moitié à temps plein.

Comme dans la vie professionnelle, prédomine dans la vie privée « une dimension de stabilité » : les deux tiers des adultes vivent en couple, souvent depuis plus de 15 ans, et les trois quarts ont des enfants. L'étude parle de « non-reproduction intergénérationnelle de placement pour 94 % des adultes ». Parmi les 82 adultes devenus parents, cinq cas de placement sont en effet intervenus.

Au final, cette étude met en lumière, selon SOS villages d'enfants, les principes fondamentaux du projet associatif : « offrir à des fratries la continuité d'une vie commune » et « garantir le droit à un mode d'accompagnement fondé sur une relation affective et éducative durable ». Mais elle a aussi permis d'identifier des pistes d'amélioration. La première : mieux accompagner la sortie des jeunes placés pour éviter les phénomènes de rupture. « Il importe d'y travailler de façon plus méthodique, de proposer des dispositifs en lien, quand cela est possible, avec des partenaires externes. » L'association reconnaît par ailleurs la nécessité d'un plus grand investissement dans la scolarité. Enfin, elle compte approfondir la connaissance « des dynamiques fraternelles jusqu'à en faire une ressource pour la construction de chaque enfant ». Une recherche-action a été engagée sur ce thème.

Notes

(1) Recrutées sur dossier puis après plusieurs entretiens, les « mères SOS », à qui il est demandé un niveau scolaire au moins égal au BEPC, le permis de conduire, une grande disponibilité et bien sûr des qualités personnelles propres à leur mission, suivent une formation de 162 heures (à Paris et en région) et deux semaines de stage avant l'embauche et deux stages de 15 jours après celle-ci.

(2) Parcours et devenir de fratries accueillies au village d'enfants SOS de Marseille : une recherche pour interroger un mode d'accueil singulier - Inserm - Disponible à l'association SOS villages d'enfants : 6, cité Monthiers - 75009 Paris - Tél.01 55 07 25 25.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur