Annulation, reports à plusieurs reprises des dates de départ en stage... Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'impréparation de l'application du décret du 31 janvier dernier sur la gratification aux étudiants en travail social aura réussi à désorganiser profondément le déroulement des études (1). En laissant pourrir une situation qu'il a lui-même créée, et à l'approche de l'été, l'Etat prend le risque d'aboutir à la paralysie du système de formation. Situation d'autant plus incompréhensible que le secteur doit faire face à une pénurie de professionnels qualifiés et que les besoins explosent dans de nombreux champs (personnes âgées, handicap, exclusion, protection de l'enfance, etc).
C'est dire la colère et l'inquiétude au sein de la Coordination nationale des travailleurs sociaux en formation, qui devait désigner ses porte-parole le 25 avril à Limoges. Une colère qui continue d'être largement relayée en région à travers des manifestations ou blocages d'écoles. Par exemple, les étudiants de l'Association pour les formations aux professions éducatives et sociales de Bruz (Ille-et-Vilaine) barraient les portes de leur centre de formation le 23 avril et ont entrepris une marche de protestation jusqu'à Rennes. Ils suivent l'exemple de leurs collègues lillois actuellement en route pour atteindre Paris le 30 avril, jour d'une nouvelle manifestation décentralisée des professionnels en formation (2).
De fait, malgré les multiples interpellations des centres de formations, employeurs, associations, élus, pour qu'une solution globale soit trouvée à la question de la gratification, c'est l'impasse. A tel point que la région Nord-Pas-de-Calais a indiqué, le 22 avril, qu'elle pourrait engager près de un million d'euros « très vite » pour permettre aux travailleurs sociaux en formation de partir en stage, si l'Etat refuse de résoudre le problème de financement. « Même si nous ne sommes pas dans nos compétences », précise Bernard Roman, premier vice-président chargé des finances. Il indique avoir déposé une procédure d'urgence pour interroger le ministre du Travail, Xavier Bertrand, et attend sa réponse dans les jours à venir. Mais « si rien ne vient, on ne va pas laisser ces étudiants perdre leur année ».
Une attitude avec laquelle Monique Iborra, vice-présidente de la région Midi-Pyrénées et présidente de la commission des formations sanitaires et sociales à l'Association des régions de France, est en désaccord. Dénonçant la décision du gouvernement de gratifier les étudiants en travail social sans aucune concertation avec les différents partenaires, elle estime que ce n'est pas aux régions, « qui ne sont pas employeurs », à indemniser les stagiaires. D'autant, affirme-t-elle, que si l'Etat s'est engagé financièrement pour les établissements sous sa tarification, les DRASS n'ont reçu aucune enveloppe supplémentaire pour cela ! Jugeant « inacceptable » sa méthode et « cette façon de prendre en otage les étudiants », Monique Iborra, qui a demandé à être reçue aussi par Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur, devrait rencontrer, le 30 avril, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, pour demander que des solutions soient trouvées. « Après tout, les infirmiers et kinésithérapeutes ont pu bénéficier d'indemnités de stages, parce que l'Etat a transféré aux régions les sommes correspondantes ! » On peut effectivement se demander pourquoi ce qui a pu être mis oeuvre pour le secteur sanitaire ne pourrait pas l'être pour le secteur social...
(2) Sur les manifestations locales, voir