Principale innovation de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs, le mandat de protection future est une mesure conventionnelle destinée à permettre à chacun d'organiser pour l'avenir la protection de sa personne et/ou de ses biens, pour le cas où il ne serait plus en mesure de le faire lui-même en raison de son état de santé physique ou mental, et d'éviter ainsi l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice).
Le mandat de protection future permet également d'organiser l'avenir d'un enfant souffrant d'une maladie ou d'un handicap, en choisissant la personne physique ou morale qui sera chargée de s'occuper de lui lorsque ses parents ne seront plus en mesure de le faire eux-mêmes. On parle alors de mandat pour autrui.
A l'instar de la plus grande partie des dispositions de la loi du 5 mars 2007, ce nouveau dispositif entrera en vigueur au 1er janvier 2009. Toutefois, depuis le 7 mars 2007, la loi permet à toute personne de confier un mandat de protection future à une personne physique (et non morale), le mandat ne pouvant toutefois prendre effet qu'au 1er janvier 2009 (art. 45, III de la loi). Il s'agit en fait de permettre aux personnes intéressées de préparer l'entrée en vigueur de ce mécanisme.
En pratique, le mandat de protection future peut être établi par acte notarié ou sous seing privé et fonctionne comme une procuration. Le mandataire - personne à laquelle est confiée l'exécution du mandat - devra donc présenter ce dernier chaque fois qu'il effectue des actes concernant la vie personnelle et/ou le patrimoine de la personne protégée (le mandant).
Le mandat de protection future s'appuie sur divers acteurs : le mandant, le mandataire et la personne chargée de contrôler le mandataire.
Le juge des tutelles peut également avoir un rôle à jouer.
Dans le cadre du mandat de protection future classique, toute personne majeure ou mineure émancipée peut charger une ou plusieurs personnes de la représenter, par un même mandat, au cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles (code civil [C. civ.], art. 477). Seule réserve : les intéressés ne doivent pas déjà faire l'objet d'une mesure de tutelle. En revanche, ceux qui se trouvent sous curatelle pourront conclure un tel mandat, mais seulement avec l'assistance de leur curateur.
Un second cas de mandat de protection future, cette fois pour autrui, est également prévu par la législation (C. civ., art. 477).
En effet, les parents ou le dernier vivant des père et mère sont également autorisés à désigner un ou plusieurs mandataires de protection future pour leur enfant dans le cas où ce dernier ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l'expression de sa volonté.
Pour pouvoir opter pour ce mandat, les parents ne doivent toutefois pas faire l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelle, une mesure de sauvegarde de justice étant possible.
Deux hypothèses sont prévues :
si l'enfant est mineur, les intéressés peuvent mandater en son nom uniquement s'ils détiennent l'autorité parentale à son égard ;
si l'enfant est majeur, le mandat peut être donné en son nom par les intéressés s'ils en assument la prise en charge matérielle et affective.
Ces dispositions visent ainsi à permettre aux parents d'un enfant handicapé d'organiser par avance sa protection.
La désignation par le dernier vivant des père et mère ne prendra effet qu'à compter du jour de son décès ou de son impossibilité de continuer à prendre soin de son enfant.
Le mandataire peut, en principe, être (C. civ., art. 480) :
une personne physique choisie librement par le mandant ;
une personne morale figurant sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, établie par le préfet sur avis conforme du procureur de la République.
Toutefois, depuis le 7 mars 2007 et jusqu'au 31 décembre 2008, seul un mandataire « personne physique » peut être désigné par anticipation. Ce n'est qu'à partir du 1er janvier 2009 que le mandant pourra également désigner une personne morale.
A partir du moment où le mandat est mis à exécution et pendant toute la durée de celui-ci, la personne désignée « mandataire » doit (C. civ., art. 480) :
jouir de la capacité civile ;
remplir l'ensemble des conditions requises pour exercer une charge tutélaire, à savoir :
- ne pas être mineur non émancipé ou majeur protégé, - ne pas s'être vu retirer l'autorité parentale,
- ne pas s'être vu interdire au pénal, au titre de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'exercice de charges tutélaires,
- ne pas être membre des professions médicales et de pharmacie ou auxiliaire médical à l'égard d'un patient placé sous tutelle ou curatelle.
Mis à part ces conditions, le mandant a le libre choix de désigner toute personne de son entourage en laquelle il a confiance et qui semble avoir les compétences nécessaires pour assurer cette protection le moment venu. Mais il peut aussi désigner un professionnel (avocat, notaire, syndic d'immeuble, etc.).
Il est possible de désigner un ou plusieurs mandataires (C. civ., art. 477). Toutes les configurations sont possibles : un mandataire est chargé de la protection de la personne et un autre du patrimoine du mandant ; plusieurs mandataires sont chargés de ces deux missions à la fois ; le mandat ne porte que sur l'une de ces protections (biens ou personne) et est confiée à une ou plusieurs personnes...
L'objet du mandat est ainsi laissé à l'initiative du mandant qui est libre de définir l'étendue de la mission confiée au mandataire, et notamment de donner des directives pour la gestion de son patrimoine.
Même si un seul mandataire est désigné pour assurer à la fois la protection des biens et celle de la personne du mandant, il doit rendre compte de son activité pour chacune d'elles.
En outre, quel que soit leur nombre, chaque mandataire doit, en principe, exécuter personnellement le mandat. Toutefois, il peut s'adjoindre le concours de tiers pour les actes de gestion du patrimoine, mais seulement à titre spécial. Il devra alors répondre de la personne qu'il s'est substituée (C. civ., art. 482).
Le mandat de protection future est, en principe, exercé à titre gratuit par le mandataire. Il est toutefois possible de prévoir des stipulations contraires (C. civ., art. 419).
Il appartient donc au mandant et au mandataire de se mettre d'accord sur les conditions financières du mandat. En outre, le mandataire de protection future peut parfois être un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, c'est-à-dire un professionnel. Dans ce cas, il sera rémunéré, à l'instar de tous les mandataires judiciaires.
En tout état de cause, le mandataire n'est rémunéré qu'à compter de la mise en oeuvre du mandat.
Plusieurs hypothèses sont envisageables :
soit le mandat est totalement gratuit ;
soit le mandataire peut se faire rembourser sur le patrimoine du mandant, sur justificatifs, les frais qu'il engage pour le compte ou dans l'intérêt de celui-ci ;
soit, en plus ou non de ces remboursements, il est prévu une rémunération. Celle-ci peut prendre la forme d'une indemnité forfaitaire ou d'une rémunération à montant et à périodicité fixes, ou encore d'une rémunération établie selon des modalités différentes (en fonction de la disponibilité du mandataire, proportionnelle au temps consacré à la gestion du patrimoine ou aux actes concernant la personne du mandant, indexée...).
Si plusieurs mandataires ont été désignés, ces modalités financières doivent être précisées pour chacun.
Si un mandataire est chargé à la fois de la protection des biens et de la protection de la personne, il est tout à fait possible que la première protection soit exercée à titre gratuit par exemple et que l'autre soit rémunérée.
Si un mandataire différent a été désigné pour chaque protection, la rémunération éventuelle de chacun d'eux peut être identique ou différente.
Selon le code civil, le mandat doit fixer les modalités de contrôle de son exécution (C. civ., art. 479).
A cet effet, le mandant doit désigner une ou plusieurs personnes pour contrôler les comptes de gestion et le rapport des actes diligentés dans le cadre de la protection de la personne (voir page 20).
Comme pour les mandataires, plusieurs configurations sont possibles : un seul contrôleur pour la gestion des biens et des actes diligentés par rapport à la personne du mandant ; un contrôleur au titre de chaque protection ; plusieurs contrôleurs au titre de chaque protection...
En tout état de cause, le mandant est libre de désigner qui il veut, personne physique ou personne morale, sous réserve qu'elle accepte expressément cette mission. Toutefois, ce ne peut être ni le juge des tutelles, ni un fonctionnaire du greffe (arrêté du 30 novembre 2007).
Si la liberté de choix du contrôleur est expressément prévue par les textes pour le seul mandat établi sous seing privé, elle peut, en toute logique, être étendue au mandat notarié. Dans ce cas, toutefois, de par la loi, le notaire est automatiquement chargé du contrôle des comptes de gestion du mandataire (voir page 21). Mais rien n'empêche, en fonction de la consistance du patrimoine par exemple, de désigner d'autres personnes. En outre, si le mandat notarié porte sur la protection de la personne du mandant, le contrôle des actes accomplis par le mandataire peut être confié au notaire mais également à d'autres personnes, explique la chancellerie aux ASH.
A l'instar du mandataire, le contrôleur peut (arrêté du 30 novembre 2007) :
soit exercer sa mission à titre gratuit ;
soit se faire rembourser, à partir du patrimoine du mandant, les frais qu'il engage pour le compte ou dans l'intérêt de celui-ci sur présentation de justificatifs ;
soit, en plus ou non de ces remboursements, se faire rémunérer (indemnité forfaitaire, rémunération à montant et périodicité fixes, rémunération en fonction de la disponibilité...).
S'il y a plusieurs contrôleurs, leurs modalités de rémunérations peuvent être différentes ou identiques. Elles doivent être précisées dans chaque cas (arrêté du 30 novembre 2007).
Là encore, les règles relatives à la rémunération du contrôleur sont expressément prévues uniquement pour le mandat sous seing privé mais peuvent logiquement être étendues au mandat notarié. Toutefois, dans le cadre de ce dernier, le notaire est obligatoirement rétribué pour le contrôle des comptes de gestion du mandataire, sa rémunération étant fonction du patrimoine du mandant (voir encadré, page 23).
S'il devient nécessaire de protéger le mandant davantage que ce qui est prévu dans le mandat, le juge des tutelles peut intervenir à la demande de tout intéressé (C. civ., art. 484).
Il peut ainsi décider d'étendre la protection à la personne ou au patrimoine selon le cas, en prenant une mesure de protection judiciaire complétant le mandat de protection future (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice).
En ce qui concerne le contrôle, il a un pouvoir de vérification d'office du compte de gestion que le mandataire met en oeuvre (C. civ., art. 486).
Le ou les mandataires peuvent se voir confier une mission de protection concernant la vie personnelle du mandant ou une mission visant son patrimoine.
Les deux protections peuvent également être retenues par le mandant.
En ce qui concerne la protection de sa personne, l'intérêt du mandant est de donner le maximum de précision sur ses souhaits, mais ce n'est pas une obligation.
Le mandant peut ainsi exprimer ses préférences en matière de logement ou de conditions d'hébergement, faire valoir son choix en ce qui concerne son maintien à domicile dans la mesure du possible et, si son état de santé le nécessite, sur son hébergement dans une structure d'accueil.
Ces précisions peuvent également porter sur le maintien de relations personnelles avec des tiers, parents ou non, ou sur les loisirs et les vacances.
Selon le nouvel article 479 du code civil, si le mandat porte sur la protection de la personne du mandant, le mandataire doit respecter les règles en matière d'information et de consentement de la personne protégée aux décisions personnelles la concernant fixées aux articles 457-1 à 459-2 du code civil. Par exemple, le mandataire est tenu à une obligation d'information du mandant sur sa situation personnelle, les actes envisagés, leur utilité, leur degré d'urgence et leurs effets. Il ne peut en outre prendre les décisions strictement personnelles (déclaration de naissance et reconnaissance d'un enfant, actes de l'autorité parentale, déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant, consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant) ou choisir le lieu de résidence du mandant. Toute stipulation contraire sera, en tout état de cause, réputée non écrite.
Le mandataire doit, par ailleurs, élaborer un rapport sur les actes diligentés dans ce cadre, c'est-à-dire recenser et décrire les actes importants qu'il a accomplis concernant la vie personnelle du mandant (exemples : actes médicaux, changement de logement, déplacement à l'étranger, procédure devant la justice...).
Le mandant peut également autoriser le mandataire à exercer les missions que le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles confient au représentant d'une personne en tutelle, afin qu'il intervienne comme son représentant légal à l'occasion de certains actes ou diligences, ainsi que pour l'exercice de certains droits (C. civ., art. 479). Le mandataire pourra alors consentir à la place du mandat à certains actes médicaux importants (par exemple une recherche biomédicale) lorsque ce dernier ne sera plus en état de le faire lui-même.
Il est également possible de confier au mandataire, dans les mêmes conditions, les missions confiées par ces mêmes codes à la personne dite « de confiance » (C. civ., art. 479). Dans ces cas, le mandataire pourra consentir à la place du mandant à tout acte médical lorsqu'il ne sera plus en mesure de le faire lui-même. Pour mémoire, selon le code de la santé publique, la personne de confiance est une personne désignée par un patient pour l'accompagner dans ses démarches médicales ; si le patient n'a plus sa lucidité, la personne de confiance doit être consultée par le personnel médical avant toute intervention ou traitement.
Dans les deux cas et si l'on conclut un mandat de protection future sous seing privé à l'aide du formulaire-type (voir page 21), ces options doivent être précisées, de même que si l'on n'opte pour aucune de ces missions supplémentaires.
Le mandat peut également porter sur la protection des biens. Dans ce cas, plusieurs obligations s'imposent au mandataire pendant et à l'issue du mandat.
Le mandataire ne peut exercer que la mission que lui confie le mandant, dans la limite des pouvoirs que lui reconnaît la loi.
Selon les cas, il peut être autorisé à effectuer des actes d'administration, c'est-à-dire tous les actes permettant de gérer les biens, en dehors des actes qui aboutissent à leur vente, leur cession gratuite, leur perte ou leur destruction. Ces actes doivent permettre de conserver les biens dans le patrimoine d'une personne et éventuellement de les valoriser ou de leur faire générer des revenus.
Le mandataire peut aussi, dans certains cas, accomplir des actes de disposition qui aboutissent à ce que les biens sortent du patrimoine d'une personne, c'est-à-dire qu'elle n'en soit plus propriétaire. En la matière ses pouvoirs sont fonction de la forme du mandat, selon qu'il est conclu devant notaire ou sous seing privé (voir pages 21 et 22).
Première obligation : le mandataire doit faire procéder à l'inventaire des biens de la personne protégée dès la prise d'effet du mandat et non, comme en cas de tutelle, dans les 3 mois qui suivent (C. civ., art. 486). Cette solution est logique dans la mesure où le mandataire donne lui-même effet au mandat en produisant au greffe du tribunal un certificat médical relatif à l'état de santé du mandant (voir page 22). Il a donc, en principe, le temps d'anticiper cet inventaire et d'y procéder.
Les formes de l'inventaire sont libres : le mandataire peut procéder, en fonction de la situation patrimoniale du mandant, à un inventaire sous seing privé ou confié à un professionnel. Par la suite, il devra l'actualiser au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine.
Le mandataire doit, par ailleurs, établir chaque année un compte de sa gestion (C. civ., art. 486).
A la différence du tuteur, il ne dispose cependant pas de la possibilité de demander aux établissements de crédit les informations utiles pour établir ce compte, qui sera vérifié selon les modalités fixées par le mandat.
Des règles différentes de conservation des documents sont prévues selon que le mandat est notarié ou conclu sous seing privé (voir pages 21 et 22). Le juge des tutelles peut en outre décider de les soumettre à la même procédure de vérification et d'approbation que celle prévue en cas de tutelle.
A l'expiration du mandat, et pendant les 5 années qui suivent, le mandataire chargé de gérer les biens de la personne protégée doit tenir l'inventaire des biens et ses actualisations, ainsi que les 5 derniers comptes de gestion, à la disposition (C. civ., art. 487) :
soit de la personne qui continue la gestion des biens s'il en est déchargé ;
soit du majeur protégé s'il a recouvré ses facultés ;
soit de ses héritiers.
Il doit également mettre à leur disposition les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou, le cas échéant, assurer la liquidation de la succession.
Le mandat de protection future est soumis au droit commun du mandat, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la loi du 5 mars 2007 qui pourraient y être contraires (C. civ., art. 478).
Conformément au droit commun du mandat, le mandat de protection future classique peut être conclu par acte notarié ou sous seing privé (C. civ., art. 477). A ces deux formes de mandat correspondent des champs de protection patrimoniale différents.
Le mandat de protection future pour autrui doit, quant à lui, être nécessairement conclu sous forme notariée (C. civ., art. 477).
Le choix du mandat notarié est obligatoire pour les mandats pour autrui. Il est optionnel dans les autres cas.
Lorsque le mandat est établi par acte authentique, il est reçu par un notaire choisi par le mandant. L'acceptation du mandataire est faite dans les mêmes formes (C. civ., art. 489).
Une fois passé et accepté, le mandat peut être modifié ou révoqué par le mandant, et il peut faire l'objet d'une renonciation par le mandataire tant qu'il n'a pas pris effet. Au-delà, cela n'est plus possible. Relevons que le mandat prend effet le jour où, accompagné du certificat médical attestant l'altération des facultés personnelles du mandant, il est produit au greffe du tribunal d'instance par le mandataire (voir page 22).
Ces modifications et révocations sont possibles par simple notification du mandant au mandataire et au notaire, c'est-à-dire sans passer un nouvel acte notarié. De même, le mandataire peut renoncer au mandat par simple notification au mandant et au notaire.
A noter : les personnes chargées de contrôler le mandataire doivent également signer le mandat et en obtenir une copie. Cette règle est donnée par l'arrêté du 30 novembre 2007 pour le mandat conclu sous seing privé, mais doit logiquement être étendue au cas où le mandat est conclu devant un notaire.
Le mandat notarié peut inclure tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles (C. civ., art. 490). Autrement dit, le mandataire de protection future peut procéder à l'inventaire des biens, ainsi qu'à des actes d'administration, conservatoires et de disposition.
La loi écarte explicitement l'exigence d'un mandat exprès prévue par l'article 1988 du code civil pour les actes de disposition. Ainsi, même s'il est conçu en termes généraux, c'est-à-dire s'il ne comporte pas une autorisation expresse, le mandat autorise le mandataire à faire tout acte de disposition qu'un tuteur peut accomplir, seul ou avec autorisation du juge des tutelles (1).
Une exception est toutefois prévue : les actes de disposition à titre gratuit ne peuvent être accomplis par le mandataire que sur autorisation du juge des tutelles (C. civ., art. 490). Cette règle vise à éviter des donations abusives ou sous influence, notamment au profit du mandataire lui-même.
Dans le cadre d'un mandat notarié, le mandataire doit rendre compte de sa gestion au notaire qui a établi le mandat en lui adressant ses comptes annuels (voir page 20), auxquels doivent être annexées toutes pièces justificatives utiles. Le notaire assure, quant à lui, la conservation des pièces transmises, ainsi que celle de l'inventaire des biens et de ses actualisations (C. civ., art. 491).
Le notaire doit en outre saisir le juge des tutelles de tout mouvement de fonds et de tout acte non justifiés ou n'apparaissant pas conformes aux stipulations du mandat (C. civ., art. 491).
Le mandat peut être conclu seulement entre les différents acteurs (mandataire, mandant, personne chargée du contrôle du mandataire) : on parle alors de mandat sous seing privé. Mais un certain formalisme s'impose tout de même.
De manière générale, le mandat sous seing privé doit être daté et signé de la main du mandant. De son côté, le mandataire accepte le mandat en y apposant sa signature (C. civ., art. 492).
Toutefois, le mandat de protection future conclu sous seing privé doit (C. civ., art. 492) :
soit être contresigné par un avocat ;
soit être établi selon un modèle défini par un décret du 30 novembre 2007 et disponible sur
Comme le mandat notarié, une fois passé et accepté, le mandat sous seing privé peut, tant qu'il n'a pas reçu exécution, être modifié ou révoqué par le mandant selon les mêmes formes que l'acte initial, et faire l'objet d'une renonciation par le mandataire qui la notifie au mandant (C. civ., art. 492).
Pour modifier un mandat sous seing privé, il faut, en pratique, révoquer le mandat initial et en établir un autre. Concrètement, chaque page du mandat doit être annulée (mention « révoqué ») et barrée, avec la date et la signature, le tout de manière manuscrite. Un nouveau mandat est ensuite établi avec le ou les mandataires en autant de copies que nécessaire.
En cas de révocation du mandat, le mandat initial doit être annulé sur chaque page (mention « révoqué »), avec la date et la signature du mandant. Cette décision doit être notifiée, par lettre recommandée avec accusé de réception, au(x) mandataire(s) et au(x) personne(s) désignée(s) pour contrôler l'exécution du mandat.
Pour renoncer au mandat, le mandataire doit en informer le mandant et la ou les personnes chargées du contrôle de l'exécution, par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans ce cas, le mandat n'a plus d'existence.
Toute personne chargée du contrôle du mandat peut également renoncer à sa mission ; elle doit en informer le mandant et le mandataire par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans ce dernier cas, le mandant et le mandataire doivent modifier le mandat en désignant une nouvelle personne chargée du contrôle. Pour cela, ils doivent révoquer le mandat et en établir un nouveau dans les mêmes conditions que celles requises pour l'établissement du mandat précédent.
Le mandat sous seing privé est limité, quant à la gestion du patrimoine, aux actes qu'un tuteur peut faire sans autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles (C. civ., art. 493). Un mandat sous seing privé ne peut donc autoriser le mandataire à accomplir seul que les actes conservatoires et les actes d'administration du patrimoine du mandant, à l'exclusion des actes de disposition.
S'il s'avérait nécessaire, dans l'intérêt de la personne protégée, d'élargir le mandat à un acte non prévu ou soumis à autorisation, le mandataire devra saisir le juge des tutelles afin qu'il ordonne cet acte (C. civ., art. 493).
Parce qu'il dispose de pouvoirs moindres que ceux permis par un mandat notarié en matière de gestion des biens, le mandataire auquel est confié un mandat sous seing privé est soumis à des obligations comptables moins contraignantes.
C'est lui-même qui est chargé de conserver l'inventaire des biens et ses actualisations, les 5 derniers comptes de gestion accompagnés de leurs pièces justificatives, ainsi que les pièces qui, à la fin du mandat, seront nécessaires à la continuation de la gestion (C. civ., art. 494).
Pendant l'exécution du mandat, le contrôle de la gestion du mandataire est assuré par le juge des tutelles et le procureur de la République, qui peuvent demander à ce que les pièces comptables leur soient présentées. Le mandataire est alors tenu de les leur présenter. (C. civ., art. 494).
Rappelons que le mandataire a également des obligations à l'issue du mandat (mise à disposition de l'inventaire...) (voir page 20).
Tant que le mandant conserve ses facultés, le mandat ne produit aucun effet. Il n'entre en vigueur que lorsqu'il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. Ce dernier en reçoit alors notification (C. civ., art. 481).
Lorsque le mandataire constate que l'état de santé du mandant ne lui permet plus de prendre soin de sa personne ou de s'occuper de ses affaires, il effectue les démarches nécessaires pour que le mandat prenne effet. Pour ce faire, il doit produire, au greffier du tribunal d'instance, le mandat et un certificat médical qui établit que le mandant subit une altération soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté. Le certificat médical doit être rédigé par un médecin choisi sur la liste tenue par le procureur de la République et disponible dans les tribunaux d'instance (C. civ., art. 481).
Le greffier vérifie que :
les conditions prévues par la loi sont remplies (âge des parties au jour de l'établissement du mandat, désignation d'une personne en charge du contrôle de l'activité du mandataire, cosignature du curateur du mandant s'il se trouve sous curatelle lors de l'établissement du mandat) ;
le mandat est accompagné des pièces requises (certificat médical datant de moins de un mois constatant l'altération des facultés du mandant, pièce d'identité du mandataire, certificat de domicile du mandant).
Après ces vérifications, le greffier appose son visa sur le mandat. Ce faisant, il constate la prise d'effet du mandat, puis le restituera au mandataire (C. civ., art. 481). Cette opération ne requiert donc aucune intervention du juge et le greffier ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation.
C'est le juge des tutelles qui est chargé de statuer sur la mise en oeuvre du mandat ou sur les conditions et les modalités de son exécution. Il peut être saisi à cet effet par toute personne intéressée (C. civ., art. 484).
Le juge peut modifier la protection apportée au mandant selon les modalités suivantes (C. civ., art. 485) :
après avoir révoqué le mandat, il peut ouvrir une mesure de protection juridique en prononçant une sauvegarde de justice, une curatelle ou une tutelle ;
lorsque le champ d'application du mandat s'avère insuffisant pour protéger les intérêts personnels ou patrimoniaux de la personne, il peut le compléter en lui adjoignant une mesure de protection judiciaire qu'il confie, le cas échéant, au mandataire de protection future. Il peut également autoriser ce dernier ou un mandataire ad hoc à accomplir un ou plusieurs actes déterminés non couverts par le mandat.
En cas de coexistence d'un mandat de protection future et d'une mesure de protection judiciaire, les deux s'exercent de manière indépendante. Dès lors, le mandataire de protection future et les personnes désignées par le juge ne sont pas responsables l'un envers l'autre. Toutefois, ils ont l'obligation de s'informer mutuellement des décisions qu'ils prennent (C. civ., art. 485).
Si un mandat de protection future ne peut coexister, sauf décision contraire du juge, avec le placement du mandant sous une mesure de tutelle ou de curatelle, tel n'est pas le cas pour une mesure de sauvegarde de justice. Toutefois, pour éviter les difficultés liées à la coexistence des deux mesures, la loi du 5 mars 2007 donne au juge des tutelles la possibilité de suspendre les effets du mandat pour le temps d'une mesure de sauvegarde de justice (C. civ., art. 483).
Le mandat de protection future prend fin par (C. civ., art. 483) :
le rétablissement des facultés personnelles de l'intéressé constaté à la demande de ce dernier ou du mandataire. Pour ce faire, ils doivent produire au greffier du tribunal d'instance le mandat ainsi qu'un certificat médical établi par un médecin choisi sur la liste tenue par le procureur de la République et attestant le rétablissement des facultés du mandant. Le greffier se borne, au vu du certificat produit, à constater la fin du mandat qui sera automatique ;
le décès du mandant ;
le placement du mandant en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge, notamment dans l'hypothèse où il ouvre une tutelle aux biens mais maintient le mandat de protection future pour la protection de la personne, ou inversement ;
le décès du mandataire, son placement sous une mesure de protection judiciaire s'il s'agit d'une personne physique ou sa déconfiture (2) s'il s'agit d'une personne morale ;
la révocation judiciaire du mandataire. En effet, le juge des tutelles, saisi par toute personne intéressée (3), a la possibilité de révoquer un mandat de protection future dans 3 situations :
- lorsque les facultés personnelles du mandant ne sont pas altérées ou, en cas d'altération de ses facultés corporelles, lorsque l'expression de sa volonté n'est pas empêchée et que c'est par erreur ou par fraude que le mandat a été mis en oeuvre,
- lorsqu'il apparaît que l'exercice par le conjoint de ses droits et devoirs ou que les règles du droit commun de la représentation et des régimes matrimoniaux sont suffisants pour qu'il soit pourvu aux intérêts du mandant par son conjoint avec qui la communauté de vie n'a pas cessé,
- lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant (par exemple, le mandataire s'est éloigné du mandant et n'est plus en mesure de savoir ou de comprendre ce qui doit être fait pour l'aider ou pour préserver ses biens).
Les actes passés et les engagements contractés par une personne faisant l'objet d'un mandat de protection future mis à exécution, peuvent, pendant la durée du mandat, être rescindés pour simple lésion (4) ou réduits en cas d'excès. Et ce, alors même qu'ils pourraient être annulés pour insanité d'esprit en vertu de l'article 414-1 du code civil (C. civ., art. 488). Selon ce texte, pour faire un acte valable, il faut en effet être sain d'esprit. Et c'est à ceux qui demandent la nullité d'un acte de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Pour décider de rescinder ou de réduire un acte, les tribunaux prennent notamment en considération l'utilité ou l'inutilité de l'opération, l'importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou la mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté (C. civ., art. 488).
Ces actions n'appartiennent qu'à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elles s'éteignent au bout de 5 ans (C. civ., art. 488).
Code civil, articles 457-1 à 459-2, 477 à 494 issus de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 (art. 45, III), J.O. du 7-03-07.
Décret n° 2007-1702 du 30 novembre 2007, J.O. du 2-12-07.
Décret n° 2008-296 du 31 mars 2008, J.O. du 2-04-08.
Arrêté du 30 novembre 2007, J.O. du 2-12-07.
Pour donner date certaine au mandat de protection future établi sous seing privé, le mandant doit le faire enregistrer à la recette des impôts. L'intérêt est qu'il fixera avec certitude la date de validité du mandat vis-à-vis des tiers.
Le coût d'un mandat de protection future conclu sous forme notariée s'établit en unités de valeur (UV) : une unité de valeur correspond à 3,65 € HT (décret du 31 mars 2008).
Ainsi, le coût de l'établissement du mandat correspond à 30 UV, soit 109,50 € HT. Si le mandataire accepte le mandat par un acte séparé (parce qu'il prend le temps de la réflexion, par exemple), le notaire percevra alors 15 UV supplémentaires, soit 54,75 € HT. La révocation du mandat par le mandant ou la renonciation du mandataire coûteront chacune 15 UV également.
Enfin, le coût de l'examen des comptes du mandataire dans le cadre du contrôle des comptes par le notaire sera fonction du patrimoine du mandant ou, plus exactement, « du chapitre le plus élevé, en recettes ou en dépenses, au titre de l'année à laquelle se rapportent les comptes ». Si ce dernier est :
inférieur ou égal à 25 000 €, le coût est de 30 UV (109,50 € HT) ;
supérieur à 25 000 € et inférieur ou égal à 65 000 €, le tarif est de 50 UV (182,50 € HT) ;
supérieur à 65 000 €, le tarif est de 90 UV (328,50 € HT).
En ce qui concerne l'établissement d'un mandat sous seing privé, il est en principe gratuit, sauf en cas d'enregistrement à la recette des impôts, ce qui est recommandé pour donner une date certaine à chaque exemplaire original du mandat. Les frais sont alors de l'ordre de 125 € (arrêté du 30 novembre 2007).
Dans tous les cas, il faut également ajouter le coût du certificat médical constatant l'altération des facultés. En revanche, l'apposition du visa par le greffe du tribunal d'instance n'entraîne aucun frais (arrêté du 30 novembre 2007).
Pendant l'exécution du mandat, les frais éventuels à la charge du mandant - rémunération du mandataire, du contrôleur éventuellement - sont ceux prévus dans le mandat (voir pages 18 et 19).
(2) La déconfiture est, en droit, la situation d'un débiteur hors d'état de payer ses créanciers.
(3) La demande de révocation est présentée par écrit, sans forme particulière, au juge des tutelles.
(4) La rescision pour lésion est une action permettant de faire annuler un contrat en raison du préjudice injuste qu'il cause à l'une des parties.