Par une note de sept pages qu'elle lui a adressée le 3 mars, la fédération Citoyens et justice (1) alerte la garde des Sceaux « sur la gravité de la situation des associations socio-judiciaires et sur la nécessité de rénover le système obsolète qui régit les relations entre la justice et le secteur associatif ». Il est urgent, écrit-elle, que le ministère de la Justice « affirme aujourd'hui fortement son double objectif consistant à développer ces mesures, pénalement et socialement indispensables, et à assurer enfin la pérennité d'un secteur associatif efficace et de qualité auprès des juridictions ».
La fédération - qui compte 130 adhérents mettant en oeuvre quelque 200 000 mesures d'enquête, d'alternatives à la détention ou aux poursuites - dénonce la « précarité structurelle » du secteur. Une fragilité en partie due à l'irrégularité des flux de mesures confiées, qui « résulte principalement des choix et des pratiques individuelles des magistrats ainsi que des politiques juridictionnelles » : le ratio entre le nombre d'affaires « poursuivables » et le nombre des différentes mesures (enquête sociale rapide, contrôle judiciaire socio-éducatif, médiation pénale, réparation pénale...) peut varier de un à 50 d'une juridiction à l'autre.
Outre ces disparités, le financement du secteur, qui repose sur « le paiement à l'acte », est « obsolète ». Les associations, explique encore la fédération, pâtissent de la triple absence de contractualisation, de régulation de l'activité et d'indexation de la tarification des mesures en fonction de l'inflation et des conventions collectives. « Ainsi, les médiations pénales n'ont pas été revalorisées depuis plus de 15 ans, ce qui place les associations dans des difficultés inextricables compte tenu de l'augmentation inévitable des coûts. » Depuis 2006, des réflexions ont bien été engagées avec le secrétariat général du ministère et le SADJPV (service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville), mais elles n'ont, à ce jour, pas abouti.
Pour accélérer ces chantiers, mais surtout les inscrire dans une refonte globale pilotée par le ministère, la fédération formule donc une série de propositions pour une « indispensable réforme du secteur socio-judiciaire ». Elle demande l'élaboration d'un « schéma national d'intervention » du secteur, dont la déclinaison locale serait suivie par les services administratifs régionaux. Ce schéma prévoirait un outil de diagnostic partagé des besoins et la rénovation des conditions d'habilitation, de conventionnement et de tarification, et ouvrirait la possibilité de voies de recours. Les compétences des intervenants et leurs missions devraient, selon elle, être reprécisées, celles pouvant être exercées par le secteur associatif et les personnes physiques devant être définies dans une loi ou par décret. Sur ce point, Citoyens et justice réactive une vieille revendication jusqu'ici restée lettre morte : la situation des collaborateurs occasionnels de la Justice devrait « être régularisée au regard de la loi ». La requête a d'ailleurs été formellement adressée à Rachida Dati dans un courrier du 19 mars par l'Uniopss et le Snasea : malgré leur intervention auprès de Dominique Perben en 2005 (2), signalent les présidents de ces deux organisations, ces délégués et médiateurs du Procureur « sont indemnisés sans que ces indemnités ne soient déclarées au régime général de la sécurité sociale ». Ce qui crée, outre une irrégularité au regard de la loi, des inégalités de traitement dans un même champ d'intervention.
La politique associative de la chancellerie devrait en outre se traduire par un « véritable dispositif de contractualisation » entre les associations et les cours d'appel. Côté financement, Citoyens et justice demande un « système de dotation globale », ce qui impliquerait qu'une partie des frais de justice - enveloppe dont dépend le secteur -, soit « sanctuarisée » dans un programme intégré à la loi de finances. Le principe d'une indexation annuelle devrait par ailleurs être inscrit dans les textes et appliqué. La fédération souhaite également qu'une « commission nationale paritaire » assure la cohérence de l'ensemble des décisions mises en oeuvre par les cours d'appel. Toujours dans un souci de coordination et de pilotage, elle propose que les relations entre les fédérations et la chancellerie soient institutionnalisées par une instance de concertation chargée d'assurer le suivi des projets concernant le secteur associatif. Rendez-vous a été pris avec le cabinet de la garde des Sceaux le 17 avril.
(1) Citoyens et justice : 351, boulevard du Président-Wilson - 33073 Bordeaux cedex - Tél. 05 56 99 29 24.