Conçus au départ pour pérenniser les emplois-jeunes, ils sont peu à peu devenus un outil important de soutien au secteur associatif. Lancés par l'Etat et la Caisse des dépôts, les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) ont vu le jour en 2002. Dans quel objectif ? Apporter un appui aux structures d'utilité sociale - associations, coopératives d'intérêt collectif, structures de l'insertion par l'activité économique - souhaitant consolider ou développer leur activité, et donc leurs emplois. Et selon quelle méthode ? En premier lieu, un chargé de mission DLA élabore un « diagnostic partagé », puis, si besoin, une ingénierie est réalisée par un prestataire extérieur (spécialisé dans la conduite de projets, la comptabilité, la communication, le secteur d'activité concerné, etc.). Un suivi est réalisé six mois à deux ans après cette intervention pour évaluer son impact. Avantage : cet accompagnement est entièrement gratuit pour la structure accompagnée, qui se voit étroitement associée à sa mise en oeuvre, du diagnostic au choix du prestataire chargé de l'ingénierie (1). Alors comment procéder ? Les candidats peuvent s'adresser aux structures porteuses du DLA, qui varient d'un département à l'autre : fonds territorial France Active, tête de réseau associative, boutique de gestion, plate-forme d'initiative locale, structure d'appui à la vie associative, comité de bassin d'emploi, etc. Lesquelles peuvent s'appuyer sur les ressources des C2RA (centres régionaux de ressources et d'animation) et au niveau national, des CNAR (centres nationaux d'appui et de ressources) et de l'AVISE (Agence de valorisation des initiatives socio-économiques) (voir encadré, page 32).
Depuis 2003, près de 24 000 structures, soit au total 246 300 emplois, ont pu bénéficier d'un accompagnement DLA. « Les raisons de recourir à celui-ci sont variées, explique Romain Guerry, conseiller technique à l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). L'association peut vouloir se développer, faire des économies d'échelle ou encore sauvegarder une activité en difficulté. » A Marseille, la Table de Cana, une entreprise d'insertion spécialisée dans la restauration, a, en 2006, fait appel au DLA en raison de sa situation économique délicate. « Nos pertes s'aggravaient et prenaient le pas sur notre démarche d'insertion, indique Albert Simon, gérant bénévole. Il nous fallait moins un gestionnaire que quelqu'un qui nous accompagne globalement, à la fois sur notre équilibre économique et sur notre projet. » L'intervention d'un consultant pendant sept journées, étalées entre le deuxième semestre 2006 et le début de l'année 2007, « a remis les choses en perspective et nous a aidés à réexaminer notre organisation », explique Albert Simon. La direction collégiale - « un beau défi quand tout va bien » - a finalement été abandonnée et « une plus grande précision a été apportée dans la délégation de responsabilités aux encadrants techniques de l'entreprise ». Le prestataire a également permis à la Table de Cana de trouver des appuis au sein de son réseau (2). Une dimension très importante pour Thibault d'Amecourt, directeur de l'Uriopss et président de la CPCA (Conférence permanente des coordinations associatives) de Picardie, qui porte le C2RA : « Le responsable du DLA doit être un intermédiaire. Son rôle n'est pas de trouver des solutions toutes faites, mais d'inciter l'association à trouver ses forces en elle. » Comme l'indique Karim Zerguit, chargé de mission « activités d'utilité sociale » à l'AVISE, il doit « chercher avec la structure à identifier s'il n'existe pas déjà des ressources sur le territoire pour répondre à sa problématique ». Une recherche de complémentarité d'autant plus nécessaire quand l'association appartient à un réseau ou à une fédération (3).
Thibault d'Amecourt insiste également sur la nécessaire collaboration avec la structure accompagnée. « Le prestataire est choisi avec le DLA et l'association peut elle-même proposer des personnes, souligne-t-il. Elle n'est donc pas un malade que l'on soigne, mais bien le co-acteur dans la voie du changement. » Cette démarche partagée peut parfois amener la structure à revoir son jugement initial, dans la mesure où elle est incitée à « élargir son champ de réflexion », souligne Fabienne Guillemois, secrétaire générale de la CRES (chambre régionale d'économie sociale) des Pays-de-la-Loire, qui porte le C2RA. « Il existe parfois une différence entre la demande initiale de l'association et le diagnostic partagé qui en découle, explique-t-elle. C'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Une association qui demande de l'aide pour la recherche de financements devra peut-être auparavant redéfinir son projet. Et c'est là tout l'intérêt du DLA. »
Le recours à ce dispositif peut également permettre de régler une situation conflictuelle. C'est ce qui s'est passé dans une délégation locale de la Croix-Rouge française, où des bénévoles membres du bureau de l'association refusaient de se séparer de leurs salariés, contre l'avis de la direction. « Ils avaient recruté six ou sept personnes en emplois-jeunes mais n'avaient pas mené de travail pour pérenniser ces emplois, raconte Sylvie Guichard, adjointe au directeur de l'action sociale de la Croix-Rouge. L'accompagnement DLA a permis qu'un certain nombre de recommandations du siège puissent être entendues par les acteurs locaux. » Un plan de reclassement des salariés a finalement été mis en place. « Le travail qu'a fait l'intervenant extérieur, c'est d'amener les bénévoles à se réapproprier une analyse qu'ils refusaient », résume Sylvie Guichard. Reste que le DLA ne doit pas être assimilé à un audit ou à « une sanction qui viendrait de l'extérieur, prévient le directeur de l'Uriopss Picardie. L'asso-ciation reste maître de son diagnostic et elle peut le refuser. »
Pour Karim Zerguit, de l'AVISE, le DLA ne doit pas se résumer à un « dispositif guichet », mais constitue plutôt « un outil de développement local », permettant de soutenir et de pérenniser l'emploi de proximité. Pour Fabienne Guillemois, il a l'avantage d'amener les structures d'utilité sociale à « construire une posture d'acteur économique et à renforcer leur position d'employeur ». Dans les Pays-de-la-Loire, deux secteurs ont été ciblés par les pilotes du DLA : celui des services à la personne et de l'insertion par l'activité économique, soit autant d'activités générant de l'emploi « non délocalisable ». Dans cette région, où 1 100 structures sont accompagnées chaque année par un DLA depuis 2003, 20 000 emplois dont 11 000 CDI (contrats à durée indéterminée) ont pu être soutenus. A Nantes, par exemple, l'association Saint-Vincent-de-Paul s'est posé la question du maintien de son activité d'hôtel social à l'occa-sion d'un changement de direction. Après avoir bénéficié d'un accompagnement pendant six mois, l'activité a pu être conservée. Cette intervention a non seulement permis de maintenir deux emplois en CDI (la gestionnaire de l'hôtel social et le coordonnateur des agents d'accueil), mais a également conduit à la transformation d'un contrat aidé en CDI à plein temps. « Sans cet accompagnement, on aurait fermé l'hôtel, témoigne le viceprésident de l'association. Tout a été revu. On a formalisé les choses, créé un livret d'accueil, rénové le règlement de fonctionnement de l'hôtel, etc. »
A l'heure où, six ans après son lancement, il semble avoir atteint sa vitesse de croisière, le dispositif n'est pas encore connu de toutes les associations, surtout celles qui sont isolées et n'appartiennent à aucun réseau. Il souffrirait également, selon Fabienne Guillemois, de financements en régression. « Par conséquent, la durée moyenne d'une ingénierie, réduite à trois ou quatre jours, se révèle parfois insuffisante », estime-t-elle. Tout en craignant que cette diminution de crédits n'amène « à ne pas couvrir certains secteurs qui auraient pourtant besoin d'être accompagnés ». Enfin, dans certains territoires, les responsables du dispositif cibleraient à outrance les secteurs d'activité bénéficiaires, au détriment des autres.
Côté perspectives, on indique toutefois à l'AVISE que le budget 2008 du DLA devrait être acquis, d'autant que les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses à intégrer celui-ci à leur programme de soutien aux associations et à participer à son financement. Mais si cet outil a l'avantage d'offrir une aide ponctuelle et gratuite, « permettant de passer les tempêtes ou de développer l'emploi, souligne Thibault d'Amecourt, il n'exonère en rien les pouvoirs publics d'une vraie politique de soutien aux associations sur le long terme. »
En 2007, les associations constituaient 82 % des bénéficiaires. Les trois secteurs d'activité les plus représentés sont l'insertion et l'emploi (18 %), la culture (17 %) et les services à la personne (13 %) (4). Mais c'est le secteur social et médico-social (30 %) qui regroupe la majorité des structures accompagnées (48 % en y ajoutant l'insertion). S'agissant de la nature des ingénieries réalisées (15 700 depuis 2003), elles concernent majoritairement le projet et la stratégie de la structure (39 %), devant les aspects économiques et financiers (21 %), l'organisation interne et la gestion des ressources humaines (20 %), la communication et les démarches commerciales (9 %). Ces ingénieries peuvent être individuelles ou collectives quand plusieurs structures font face au même problème. La durée moyenne d'un accompagnement est de trois ou quatre jours.
Les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) sont financés par l'Etat (services déconcentrés du ministère de l'Emploi) à travers la DGEFP (délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle), la Caisse des dépôts (CDC) et le Fonds social européen (FSE), ainsi que par quelques collectivités locales, réseaux bancaires et autres services déconcentrés de l'Etat (direction régionale de la jeunesse et des sports, direction régionale de l'action culturelle). Au total, 54 millions d'euros d'ingénierie ont été financés depuis 2002. En 2007, ce montant s'élevait à 13 millions d'euros.
On compte 104 DLA en France en 2008. Alors qu'un comité de pilotage réunissant les financeurs du dispositif fixe des objectifs d'activité, un comité d'appui rassemblant notamment les réseaux associatifs, les collectivités locales et les services déconcentrés de l'Etat apporte son expertise.
Il existe 19 C2RA (centres régionaux de ressources et d'animation) couvrant 20 régions pour soutenir les DLA. Leur rôle : favoriser une cohérence régionale des méthodes d'intervention en offrant un lieu d'information, d'échanges et de capitalisation d'expériences. Ils sont généralement portés par une CRES (chambre régionale d'économie sociale) ou une CPCA (Conférence permanente des coordinations associatives) régionale.
Au niveau national, il existe 6 CNAR (centres nationaux d'appui et de ressources) : l'un, transversal, est dédié au financement et les autres concernent un secteur spécifique (culture, environnement, social, sport, insertion par l'activité économique). Ces derniers viennent compléter l'action généraliste des DLA en réunissant tous les professionnels d'un secteur (têtes de réseaux associatives et ministères compétents). En plus d'être un appui technique, les CNAR évaluent l'impact du DLA dans leur secteur. Le CNAR social est porté par l'Uniopss.
Enfin, l'AVISE (Agence de valorisation des initiatives socio-économiques) est chargée de l'animation nationale du dispositif (production et échanges d'outils, capitalisation de bonnes pratiques et mise en oeuvre de formations).
(1) L'engagement dans un DLA correspond à une démarche volontaire de l'association.
(2) La Table de Cana est une association qui fédère six entreprises d'insertion spécialisées dans la restauration -
(3) Les réseaux peuvent même devenir prestataires d'une ingénierie. Ainsi, si deux tiers des ingénieries sont réalisées par des consultants privés, un tiers d'entre elles le sont par des réseaux (FNARS, CREAI, Uriopss, etc.).
(4) Le sport et le secteur famille, enfance et jeunesse arrivent en quatrième position.