Près de 35 000 personnes selon les organisateurs, 16 500 selon la police. En tout cas, ce fut une « belle manif », grave et joyeuse à la fois, émouvante aussi, qui a rassemblé, le 29 mars à Paris, malades chroniques et personnes handicapées. A l'appel du collectif « Ni pauvre, ni soumis ! », jeunes et moins jeunes en fauteuil, aveugles avec leur canne ou leur chien, trisomiques, malades du sida, personnes au handicap moins apparent, familles et amis ont défilé entre la République et l'Opéra, malgré la fatigue d'une nuit souvent écourtée par les contraintes du voyage depuis tous les coins de l'Hexagone. Le soleil donnait un air de fête à cette grande première.
L'organisation impeccable a achevé d'en faire « une franche réussite interassociative », selon le mot d'Arnaud de Broca, président de la FNATH (l'association des accidentés de la vie). L'appel à la mobilisation « pour un revenu d'existence décent » n'avait pourtant été lancé qu'à la fin janvier (1). Il faut croire que le feu couvait sous la cendre... En deux mois, près de 100 associations nationales ont rejoint le collectif et ont mobilisé 13 trains, 5 avions, 700 autocars et minibus. Certains groupes ont aussi fabriqué des pancartes : « Handicap + pauvreté = double peine », « Plus de promesses, des sous ! » ou encore « 628 € par mois, pouvoir d'achat, pouvoir de rien ».
« La déception est d'autant plus grande » après la réception d'une délégation des organisateurs, le 1er avril, par les minis-tres Xavier Bertrand et Valérie Létard, indique Régis Devoldère, président de l'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis). « Résultat : rien ! On nous renvoie à la conférence nationale du handicap du 10 juin. Un point d'acquis au moins : Xavier Bertrand a bien compris cette fois qu'il ne s'agissait pas seulement de l'AAH [allocation aux adultes handicapés] et de l'accès à l'emploi. »
De l'avis de nombreuses organisations, en effet, la tentative de désamorçage par un déplacement à Tarbes de Nicolas Sarkozy sur le thème de l'emploi des personnes handicapées et la promesse d'une augmentation de l'AAH au 1er septembre, quatre jours avant la manifestation (2), a plutôt eu l'effet inverse et renforcé la détermination.
En tout cas, avant comme après la réception ministérielle, le collectif a réaffirmé ses revendications... Il veut d'abord que soit créé, au 1er janvier 2009, « un revenu d'existence égal au moins au montant du SMIC brut et indexé sur celui-ci, assorti de cotisations sociales et soumis à l'impôt, pour toutes les personnes incapables de travailler [...], quel que soit leur âge, qu'elles aient cotisé ou non ». Ce revenu doit être indépendant des ressources du conjoint, du concubin ou de toute personne qui partage le même toit. Les associations veulent aussi, à la même date, la possibilité de cumuler ce revenu de remplacement avec un revenu professionnel (selon le principe du revenu de solidarité active), pour garantir un revenu supérieur au SMIC brut.
Pour 2008, le collectif veut une revalorisation de 5 % de toutes les allocations et pensions (invalidité, accidents du travail, minimum vieillesse) et l'assouplissement des critères d'accès au complément de ressources, que seules quelques dizaines de milliers de personnes touchent actuellement.
Il revendique enfin le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire pour toutes les personnes en dessous du seuil de pauvreté (817 € par mois pour une personne seule alors que le plafond est actuellement à 606 € ) et la suppression des franchises médicales, afin de favoriser un accès effectif aux soins pour tous.
(1) Voir l'interview de Jean-Marie Barbier, président de l'APF, dans les ASH n° 2543 du 1-02-08, p. 44.