Je ne conteste pas l'objectif, je m'interroge sur son actualité. On ressort ce thème de manière incantatoire, en niant ce qui a été fait depuis 1992, année lors de laquelle le traitement en temps réel des affaires par le parquet a commencé dans la Seine-Saint-Denis, grâce à l'implication de l'institution scolaire et des magistrats, avant d'être généralisé. En 1980, le parquet n'avait que deux réponses à apporter en matière de justice des mineurs : classer sans suite ou poursuivre. Aujourd'hui, il dispose d'une palette de huit réponses, dont la composition pénale, mais surtout le défèrement au tribunal après la garde à vue - qui a concerné un mineur sur deux à Bobigny l'an dernier - et le jugement par le tribunal sur présentation immédiate, sans instruction préalable. 55 % des situations sont aujourd'hui traitées au fond directement par les parquets. Il y a 20 ans, de 40 à 60 % des affaires concernant des mineurs, selon la nature des infractions, étaient classées sans suite. Ce taux était de 11 % en 2006. L'autorité judiciaire a donc déjà répondu à la nécessité d'aller plus vite, de manière plus efficace. Mais peut-être ne prend-on pas suffisamment en compte que quatre infractions sur cinq ne sont pas déclarées par les victimes et que le taux de poursuite policière est de seulement 30 %...
Cette question importante ne date pas d'aujourd'hui. Alors que la France utilise un critère subjectif fondé sur le discernement de l'enfant, en général 7 ou 8 ans, la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, recommande la détermination d'un d'âge fixe. En 1990, Henri Nallet, garde des Sceaux, avait proposé pour s'y conformer que cet âge soit fixé à 10 ans. Reste qu'aujourd'hui, l'ordonnance de 1945 prévoit des mesures éducatives pour un enfant de 7 ou 8 ans reconnu coupable pénalement, des sanctions éducatives à partir de 10 ans, une peine de prison à partir de 13 ans, et que l'excuse atténuante de minorité peut être retirée à 16 ans. Cette gradation dans l'accès à la responsabilité pénale constitue un système pragmatique et intelligent qui fait qu'à leur majorité, la plupart des jeunes qui ont été délinquants ne le sont plus. Si le début de la responsabilité pénale était fixé de manière tranchée, il faudrait poursuivre la même démarche pour les anciens : à quel âge perd-on sa capacité de discernement ? A 80, 84, 90 ans ? Dans une logique d'accès à l'exercice parallèle des droits et des devoirs, la gradation de notre système a en outre pour contrepartie la majorité civile à 18 ans. Si l'objectif était d'abaisser l'âge de la majorité pénale, il faudrait donc aussi abaisser celui de la majorité civile.
Un jour on nous dit qu'il est dépassé, le lendemain qu'il est devenu illisible à force d'adaptations ! En réalité, l'objectif est clairement de réformer radicalement la justice des mineurs pour la durcir - et déjà de tenir pour majeurs les jeunes récidivistes de 16 ans - et de concentrer la protection judiciaire de la jeunesse et les juges des enfants sur le pénal. La PJJ va désormais refuser les mesures d'action éducative en milieu ouvert. Dans la Seine-Saint-Denis, ce sont 450 mesures qui ne seront pas prises en charge durant l'année si le département ne les met pas en oeuvre. Cela représente un transfert de charges de 1,7 million d'euros vers le conseil général et un désengagement de l'Etat de ses fonctions régaliennes : on affiche le souci d'une répression plus rapide, plus ferme, en oubliant que protéger un enfant en danger, c'est diminuer les risques de délinquance. 400 mesures éducatives ne sont pas exécutées de manière récurrente dans la Seine-Saint-Denis. Le délai d'attente est de deux à trois mois, parfois six, on a même vu un an. Donner à la justice les moyens d'appliquer la loi est de la responsabilité des pouvoirs publics, comme prévenir la délinquance par des politiques éducatives, familiales, sociales, d'intégration adaptées. Certes, les jeunes sont aujourd'hui hors la loi plus tôt et de manière plus violente. Mais en rejeter la responsabilité sur les seuls juges, travailleurs sociaux ou policiers est aberrant ! La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance a identifié le maire comme pilote de la prévention. Où est la valeur ajoutée ? On joue à la patate chaude. On pense prévenir la récidive par la répression, avec les limites bien connues de cet exercice, mais il n'y a toujours pas de politiques de prévention primaire. Tout cela est daté et ne tient pas compte de ce qui s'est fait depuis 20 ans.
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