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Les travailleurs sociaux de l'ANAEM dénoncent une dilution de leurs missions

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« Notre contexte de travail depuis un peu plus de deux ans nous inquiète. Nous craignons que le service social de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) ne soit peu à peu étouffé, vidé de son sens, voire supprimé de manière détournée. » C'est le cri d'alarme de la section syndicale SUD de l'ANAEM (1), majoritaire, qui, dans un contexte de politique d'« immigration choisie », décrit ses difficultés à défendre un accompagnement social de qualité des étrangers.

Déjà, il y a trois ans, la naissance de cet établissement public administratif créé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 avait entraîné la mobilisation du personnel du Service social d'aide aux émigrants (SSAE), fusionné avec l'Office des migrations internationales dans l'ANAEM (2). La logique administrative n'allait-elle pas l'emporter sur celle du travail social ? Quel champ exact d'intervention au sein de cette nouvelle structure gouvernementale ? Malgré les promesses alors données sur le maintien de leurs missions, une partie des salariés a préféré quitter le SSAE, qui par ailleurs a continué de vivre sous sa forme associative (aujourd'hui Soutien, solidarité et actions en faveur des émigrants) (3). Environ un tiers des effectifs de l'ancien service social a démissionné au moment de la fusion, soit 50 assistants sociaux. « Deux ans après la création de l'agence, seuls 21 postes ont été créés », signale la section SUD de l'ANAEM, ce qui a entraîné un déficit de 28 postes. En outre, ajoute-t-elle, une vingtaine d'assistants sociaux ont depuis quitté l'agence et n'ont pas été remplacés. Ceux qui restent disposent donc de moins de moyens, de moins de temps pour assurer le suivi social des usagers, avec des zones d'activité plus étendues, poursuit le syndicat, et les postes d'« encadrants sociaux » ont été réduits. Selon lui, de nombreux départements restent même non couverts.

Suppléance des administratifs ?

Au-delà de ces difficultés, les travailleurs sociaux de l'agence dénoncent la dilution de leurs missions dans une logique d'application des politiques migratoires. Loin de la tradition d'accueil par l'ancien SSAE de tous les étrangers, quel que soit leur statut administratif, les principales missions du service social portent aujourd'hui sur l'accompagnement social des personnes accédant à un premier titre de séjour, notamment dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, l'aide au retour et à la réinsertion, les mineurs isolés et le service social international. « Il a fallu en permanence interpeller la direction pour faire clarifier nos domaines d'intervention », souligne l'organisation syndicale, et rappeler les règles déontologiques de la profession, notamment dans le cadre de « l'aide au retour ». En outre, le syndicat estime que « l'intégration des assistants sociaux dans l'ANAEM ne doit pas servir à compenser des carences en personnel de la filière administrative », dans un esprit de polyvalence des tâches qui semble être hérité de l'ancien OMI dans certaines directions territoriales.

Au total, SUD déplore « une méconnaissance totale du métier d'assistant social par les diverses instances et des a priori défavorables sur la fonction d'assistant social, malgré toutes les explications données et les écrits réalisés ». En corollaire de ce manque de considération, « les conditions de travail sont souvent inadaptées à l'exercice du métier d'assistant social ». Pour le syndicat, le choc des cultures tant redouté en 2005 a donc bien eu lieu, au détriment des pratiques du travail social. « Comment mettre en oeuvre un véritable accueil, comment faire exister «l'étranger» comme une personne et non plus une procédure ? », s'interroge-t-il. Pour pallier le manque d'identification de l'action sociale au sein de l'ANAEM, il a réclamé, jusqu'ici en vain, « une fiche de poste pour les assistants sociaux et une inscription du service social dans l'organigramme de l'agence ». Un préalable pour « faire de l'action sociale de qualité, en toute légitimité ».

Interrogé par les ASH, Jean Godfroid, le directeur général de l'ANAEM, explique que « l'action sociale spécialisée qui est mise en oeuvre au sein de [l'agence] concourt à la réalisation des missions qui lui sont confiées par la loi », soit « l'accueil des étrangers titulaires pour la première fois d'un titre de séjour les autorisant à séjourner durablement en France », et la réalisation d'actions administratives, sanitaires et sociales relatives, notamment, à l'introduction en France d'étrangers ressortissants des pays tiers à l'Union européenne au titre du travail et du regroupement familial, à l'accueil des demandeurs d'asile, au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine, à l'entrée et au séjour des étrangers d'une durée inférieure ou égale à trois mois et au contrôle médical des étrangers admis en France pour une durée supérieure à trois mois. « C'est dans cet esprit que s'est opéré le transfert des personnels et des moyens du SSAE vers l'ANAEM en octobre 2005 », explique-t-il. Le service social est bien absent de l'organigramme « en tant que filière », confirme le directeur général, la répartition des tâches étant établie « en fonction des missions et des populations qui lui sont confiées ». Les assistants sociaux mènent des actions « transversales », essentiellement liées à la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration, à l'accueil des demandeurs d'asile et à l'aide au retour dans les pays d'origine. Et ce « en lien étroit avec leurs collègues administratifs, chacun dans le respect total des conditions d'exercice de ses responsabilités, notamment s'agissant des travailleurs sociaux, dans le respect des règles de déontologie et du secret professionnel qui leur sont spécifiquement applicables ».

S'agissant des effectifs des assistants sociaux, le directeur général indique qu'ils sont fixés chaque année « en fonction des nécessités du service public, selon les règles habituellement retenues pour les établissements publics à caractère administratif ». Ils sont, ajoute-t-il, adaptés « aux actions qui leurs sont confiées », la direction générale veillant « à allouer les moyens en tenant compte des réalités locales et des partenariats mis en place sur la base d'appréciations de ses directeurs territoriaux, dans le cadre d'un contrôle de gestion en cours d'instauration ».

Notes

(1) Contact : sud.anaem@anaem.fr.

(2) Voir ASH n° 2396 du 25-02-05, p. 45.

(3) Voir ASH n° 2434 du 16-12-05, p. 46.

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