Le bouleversement des structures familiales traditionnelles et la « démission des parents » de leurs responsabilités éducatives sont souvent évoqués, sans étayage sérieux, pour analyser la délinquance des jeunes. Une étude originale, commandée par la caisse nationale des allocations familiales et coordonnée par Sebastian Roché, contredit cette explication commode (1).
Cette recherche - qui visait à évaluer l'impact de la « variable famille » par rapport aux autres facteurs qui ont une influence mesurable sur la délinquance des mineurs - a exploité trois enquêtes antérieures, dites de « délinquance autodéclarée », menées auprès de jeunes de tous milieux en 1999 et 2003 et auprès d'un échantillon de jeunes ayant fait l'objet d'un placement judiciaire. Il s'agit d'une première, les analyses existantes étant souvent des monographies centrées sur les seuls « quartiers sensibles » ou les « familles à problèmes ».
Cette analyse permet de conclure que « c'est l'environnement, plus que la famille, qui explique le mieux la propension à la délinquance des jeunes ». La prise en compte de la seule structure familiale (couple parental biologique ou adoptif, famille recomposée, famille monoparentale, taille de la fratrie, place dans celle-ci...) est en effet « l'un des modèles les moins prédictifs ». Cette variable ne contribue que très modestement (de 1 à 2 %) à l'explication des délits commis. Le taux ne change guère si l'on combine structure familiale et niveau socio-économique. En revanche, la défaillance du « fonctionnement familial » (supervision parentale sur les sorties des enfants, entente avec les parents) révèle un impact plus important (de 11 à 14 %), surtout quand il est combiné avec d'autres facteurs environnementaux comme le nombre de copains délinquants et les désordres autour du logement. Le « modèle le plus prédictif » est celui qui combine la faible supervision parentale et les difficultés scolaires (de 34 à 35 %).
Au total, l'enquête fait donc ressortir l'importance des variables extrafamiliales comme l'insertion scolaire, le nombre de copains délinquants, la perception des normes et les désordres autour du logement. Les garçons s'y montrent plus sensibles que les filles.
« Il est donc absolument nécessaire de tenir compte de l'environnement physique et social des jeunes pour expliquer leur délinquance », conclut ce travail, dont les résultats devraient influencer les décideurs publics, en particulier pour mieux ajuster et articuler les politiques de prévention et de répression.
(1) « La famille explique-t-elle la délinquance des jeunes ? » - CNAF - Dossier d'étude n° 102 - Mars 2008 - Disponible sur