Comme l'on pouvait s'y attendre au vu de leurs difficultés grandissantes à trouver des terrains de stage (1), les étudiants en travail social durcissent le ton face à l'application précipitée du décret du 31 janvier sur la gratification. Les mouvements se multiplient un peu partout et devaient converger le 26 mars, date retenue pour de nombreuses mobilisations régionales. Une manifestation devait ainsi réunir à Rennes les étudiants des centres de l'Association pour les formations aux professions éducatives et sociales de Saint-Brieuc et de Bruz, de l'IRTS de Rennes, de l'ITES (Institut pour le travail éducatif et social) de Brest, de l'ENSO (Ecole normale sociale de l'Ouest), de l'Iforis (Institut de formation et de recherche en intervention sociale), de l'Iframes (Institut de formation, de recherche et d'animation des métiers éducatifs et sociaux) d'Angers et, peut-être, d'autres établissements de Tours et de Nantes. D'autres rassemblements devaient avoir lieu, le même jour, à Lille pour les travailleurs sociaux en formation du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, mais aussi à Nancy, Metz, Montpellier, Nîmes, Nice et Limoges (2). La question de la gratification devait également être abordée, le 28 mars, lors de la journée organisée à l'IRTS d'Aquitaine par les étudiants des centres de formation de Talence (Gironde) et de Bergerac (Dordogne) où étaient attendus les élèves d'une quinzaine d'écoles. Objectif : alerter sur les effets pervers du décret (désengagement des terrains de stage et exclusion de certains étudiants de la mesure) et les risques de blocage du système de formation, faute d'assurance sur les modalités de financement.
Alors que leur mobilisation commence à prendre une tournure nationale, les étudiants ont le soutien de la FNAS-FO, qui demande à la direction générale de l'action sociale (DGAS) de « rapidement débloquer des moyens supplémentaires pour financer l'application du décret ». Elle souligne également que « cette gratification ne saurait, non plus, servir de prétexte aux employeurs pour prétendre que les stagiaires en formation seraient des salariés comme les autres ». De même la Fédération santé, social et collectivités territoriales de la CNT (Confédération nationale du travail), qui invitait à une réunion publique sur la gratification le 26 mars à Paris, jour des mobilisations régionales des étudiants, « appelait les travailleurs sociaux en formation, ceux en poste, et les formateurs, à intensifier la mobilisation ».
Premier conseil régional à se manifester, après la réaction indignée de l'Association des régions de France (3), celui des Pays-de-la-Loire. A la suite des premières manifestations des étudiants le 20 mars à Rennes et à Nantes, Jacques Auxiette, son président, dénonce, dans un courrier adressé à Xavier Bertrand, « les conditions d'attribution de la gratification obscures et discriminantes ». Rele-vant le refus de nombreux employeurs de recevoir des stagiaires, il souligne les « conséquences dramatiques » de cette situation sur la validation du cursus de formation. « Un très grand nombre d'étudiants en formation d'assistants sociaux, par exemple, ne pourraient pas cette année se présenter au diplôme d'Etat. » Le président du conseil régional demande donc que l'Etat compense intégralement les gratifications que les employeurs seraient amenés à verser et que des mesures soient prises pour remédier aux inégalités créées par le décret.
Cette interpellation du conseil régional s'ajoute au front désormais uni des principaux syndicats d'employeurs et des fédérations et unions de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale - auquel s'est jointe l'AIRe (Association des instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques et de leurs réseaux). Tandis que des courriers conjoints signés de l'Aforts, du GNI, du Snasea et du SOP (4) ont été adressés en fin de semaine dernière aux présidents de l'Association des régions de France, de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France. Combien de temps pourra durer ce bras de fer ? Une issue au conflit pourrait-elle se dessiner ? En tout cas, le Snasea et le SOP étaient reçus à la DGAS le 25 mars au soir, tandis que l'Aforts et le GNI avaient rendez-vous avec cette direction le 31 mars.
(1) Voir ASH n° 2550 du 21-03-08, p. 39 - Sur les manifestations locales, voir aussi
(2) Une pétition est disponible sur
(4) Association française des organismes de formation et de recherche en travail social, Groupement national des instituts régionaux du travail social, Syndicat national au service des associations du secteur social et médico-social, Syndicat général des organismes privés sanitaires et sociaux à but non lucratif.