« Tout est parti de la promotion 2006 - «Hendrix» - de l'Institut régional et européen des métiers de l'intervention sociale (IREIS) de Bourg-en-Bresse. Ces étudiants ont rapidement découvert que le métier d'éducateur spécialisé ne dispose d'aucun organisme pour le représenter. Les assistants de service social ont leur association nationale, l'ANAS ; les éducateurs spécialisés, plus rien ! Du coup, sans hésitation, ils ont décidé de fonder l'Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES).
Toutefois, l'acte fondateur posé, surgit la première difficulté. En effet, l'ONES est pensé sur le modèle de l'ANAS, mais le métier des éducateurs spécialisés n'est pas celui des assistants de service social et possède des spécificités qui rendent hasardeux d'accommoder à la sauce éducative l'organisation de ces derniers. Les deux métiers présentent en effet de grandes similitudes, mais aussi des différences radicales. Les assistants sociaux, même s'ils disposent du soutien d'équipes pluridisciplinaires, ont des missions très délimitées. Leur travail, très concrètement, consiste à intervenir «auprès de personnes confrontées à des difficultés familiales, professionnelles, financières, scolaires ou médicales» et à leur apporter «une aide et un soutien, aussi bien psychosocial que matériel, pour les inciter à trouver ou à retrouver une autonomie et faciliter leur insertion sociale et professionnelle» (1). Un assistant de service social de secteur intervient sur la base d'une mission définie, au sein d'une famille ou dans son bureau. C'est presque exclusivement individuellement qu'il va conduire sa mission, sauf dans certains cas complexes où il va s'associer à un collègue. On peut comprendre que la notion de secret professionnel soit devenue un élément fédérateur pour cette profession.
L'éducateur spécialisé, quant à lui, se trouve presque toujours sous le regard des autres, avec lesquels il doit coordonner son action. Dans une pratique en internat, ce qui représente la grande majorité des cas, l'action éducative est avant tout celle de l'institution. Les enfants ont à faire tour à tour à de nombreux professionnels. Or il est évident que chacun doit prendre une place dans le parcours éducatif qu'engage un enfant dans une institution. Ainsi, presque chaque parole, chaque acte que pose l'éducateur se fait sous le regard des collègues, mais prend également en compte leurs actes et paroles. L'éducateur spécialisé inscrit son action dans un collectif où il a une place importante, mais pas exclusive. Des contre-exemples existent (action éducative en milieu ouvert, prévention...) mais le nombre d'éducateurs intervenant en internat ou dans des structures pluri-professionnelles est tellement majoritaire qu'il faut absolument prendre en compte cette particularité.
Par ailleurs, les questions actuelles sur la réforme des diplômes portent essentiellement sur l'articulation des différents métiers au sein des établissements médico-sociaux. Trop longtemps, une idéologie pseudo égalitaire a prôné l'indifférenciation des tâches. Il était devenu une gageure de distinguer les métiers composant une équipe éducative, tant les tâches étaient confondues. La réforme des différents métiers de l'éducation spéciale en 2007 traduit une vision particulière de l'articulation entre les différents métiers. Or il serait très intéressant qu'un organisme professionnel puisse défendre un point de vue non idéologique et issu du terrain sur ces questions.
Cette toute jeune institution doit dépasser le sursaut identitaire qui a présidé à sa naissance et qui prendrait une couleur corporatiste si elle n'évoluait pas. Il ne faut pas chercher à cloner ce qui existe pour d'autres professions mais plutôt inventer un organisme directement en phase avec le métier d'éducateur. Pour cela, il est nécessaire que l'ONES admette en son sein les différents acteurs de la scène de l'éducation spéciale. Il s'agit de prendre en compte la réalité éducative dans sa globalité, de partir de ce qui fait la spécificité des métiers de l'éducation spéciale. Actuellement, il existe de nombreux relais départementaux de l'ONES où se trouvent déjà des moniteurs-éducateurs et des aides médico-psychologiques. Il faut donner toute leur légitimité à ces professionnels, et aussi inclure tout ceux qui prennent part au processus éducatif, en particulier les cadres. L'ONES pourra ainsi développer une vision personnelle de l'articulation entre les différents métiers.
La forme actuelle en réseau de l'ONES est très intéressante et fait ses preuves par le nombre sans cesse croissant de relais qui se créent en France. Cependant, cette formule ne permet pas de rassembler les réflexions et les formaliser. Une assemblée générale devrait permettre de créer un noyau à ce réseau. L'ONES pourra ainsi gagner une légitimité sur la scène professionnelle. Une telle instance manque très cruellement, par exemple au sein du Conseil supérieur du travail social. Ce dernier ne comporte pas actuellement de représentants des étudiants en travail social, et les professionnels, quant à eux, sont exclusivement représentés par des organisations syndicales. Une organisation apportant un regard nouveau, non partisan mais issu de la pratique, apporterait sans doute beaucoup. Les thèmes de réflexion ne manquent pas : validation des acquis de l'expérience, réforme des diplômes, définition des domaines de compétences...
Dans tous les cas, les relais départementaux permettent dès à présent de nouer des liens inter institutions, de se tenir au courant de l'actualité de l'éducation spécialisée, de réfléchir à des difficultés locales en s'appuyant sur une structure nationale pour étayer les échanges. Cette initiative enthousiasmante va donner une voix forte aux éducateurs qui n'ont pas cessé d'être les fantassins du social. Il faut soutenir ce jeune mouvement et ne pas hésiter à s'engager. Un site Internet (2) fédère déjà les volontés et permet de signaler les nouvelles initiatives. Au travail ! »
Contact : 15, place Rouget-de-Lisle - 39570 Montaigu -
(1) Cf. le portail des métiers de la santé et du social,
(2)