La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - dite « loi TEPA » - a introduit dans le droit positif la notion de revenu de solidarité active (RSA), dispositif qui, selon Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, vise à « rendre attractif le retour au travail ou l'augmentation de l'activité professionnelle pour les personnes éloignées de l'emploi qui bénéficient de la solidarité nationale et à lutter contre la pauvreté ». Sa création avait été proposée par la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » (1), constituée en 2005 à la demande du ministre de la Santé et des Solidarités de l'époque, Philippe Douste-Blazy, et qui était présidée par Martin Hirsch, alors président d'Emmaüs France (sur le dispositif imaginé par cette commission, voir encadré page 26). Bien que novateur, le RSA s'inscrit néanmoins dans la continuité des politiques visant à dynamiser l'accès à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux.
Afin de valoriser la recherche d'activités rémunérées même modestes, il a en effet été prévu très tôt des mécanismes dits d'« intéressement » permettant aux bénéficiaires de minima sociaux de cumuler tout ou partie de leurs allocations avec les revenus tirés d'une activité commencée après l'ouverture des droits à ces allocations. Complexes et aux effets peu prévisibles, a fortiori pour des personnes défavorisées, ces mécanismes ont montré leurs limites : la fraction des bénéficiaires des différents minima sociaux y accédant reste en effet très minoritaire, « l'intéressement » n'étant possible que pour une durée limitée et seulement en cas de prise et de reprise d'emploi, pas en cas de continuation d'un emploi préexistant. Dernièrement, la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux du 23 mars 2006 (2) a bien apporté des améliorations aux mécanismes, en instituant un système de primes forfaitaires mensuelles - de 150 et 225 € - et en créant une prime de retour à l'emploi de 1 000 € , versée au quatrième mois de la reprise d'activité. Mais « ces évolutions demeurent cependant insuffisantes », de l'aveu même du Haut Commissariat aux solidarités actives, pour qui les mécanismes d'intéressement sont « d'un niveau trop faible pour compenser la perte des aides qu'un bénéficiaire de minimum social connaît quand il reprend une activité ». En outre, « par nature, provisoires et ciblés », ils ne « donnent pas de visibilité aux individus auxquels ils sont destinés ».
Par ailleurs, a été institué en 2001 un dispositif de soutien des revenus d'activité modestes, adossé à l'impôt sur le revenu et prenant la forme d'un crédit d'impôt pouvant conduire à un « impôt négatif », et donc à un versement net aux contribuables : la prime pour l'emploi. Visant à inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, cette prime est subordonnée à l'exercice d'une activité professionnelle, salariée ou non, car elle n'est versée que lorsque sont déclarés des revenus d'activité compris entre un plancher (il s'agit d'inciter à un minimum d'activité) et un plafond, le niveau maximum de prime étant atteint pour des revenus correspondant à un SMIC à plein temps. Principal écueil de ce dispositif : « dilué sur une très large population », son effet est « trop faible », selon le Haut Commissariat, qui souligne que les ménages qui en bénéficient « n'en voient pour la plupart ni l'effet incitatif au travail ni l'effet de soutien du pouvoir d'achat ». Le RSA est présenté comme une réponse à ce problème, les moyens actuellement alloués au titre de la prime pour l'emploi devant être, dans ce cadre, recentrés au bénéfice des personnes qui ont les revenus les plus faibles.
Enfin, les bénéficiaires de minima sociaux font naturellement partie des populations éloignées de l'emploi qui sont « ciblées » par les contrats aidés mis en place depuis une vingtaine d'années pour faciliter, grâce à des aides de l'Etat aux employeurs, l'accès à des emplois soit de droit commun, soit adaptés et accompagnés à des degrés divers.
Ces politiques ont été réformées dans la période la plus récente, afin de les recentrer sur les bénéficiaires de minima sociaux et de les rendre plus attractives (rationalisation des contrats aidés en 2005, amélioration de la prime pour l'emploi et réforme de l'intéressement l'année suivante). Pour un résultat somme toute mitigé. « En fin de compte, l'accès des bénéficiaires de minima sociaux à l'emploi et plus particulièrement aux dispositifs spécifiques d'aide, s'il semble s'être amélioré ces dernières années, reste néanmoins faible. Par ailleurs, un grand nombre de ceux qui travaillent ne perçoivent pas d'intéressement, compte tenu des limites intrinsèques de ce dispositif », a expliqué Dominique Tian, rapporteur pour avis de la loi « TEPA » à l'Assemblée nationale (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 78).
Puis est venue l'expérimentation engagée en application de la loi de finances pour 2007, sur laquelle le RSA s'est greffé. L'article 142 de ce texte autorise en effet les départements volontaires, en tant que financeurs et gestionnaires du revenu minimum d'insertion (RMI), à expérimenter pendant 3 ans un certain nombre de dérogations au droit commun des mesures d'intéressement et/ou d'activation - contrat d'avenir et contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) - en faveur des bénéficiaires de cette allocation (3).
Cette expérimentation a ensuite été élargie aux dispositifs financés en dernier ressort par l'Etat et donc de sa responsabilité, même si leur gestion est confiée à d'autres organismes, comme l'Agence nationale pour l'emploi ou les caisses d'allocations familiales. Sont ainsi concernés d'autres minima sociaux - l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation de parent isolé (API) -, et d'autres contrats aidés - contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et contrat initiative-emploi (CIE). Cette extension a été réalisée par la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale du 5 mars 2007 (4), avec en toile de fond la faculté ainsi ouverte de rapprocher suffisamment les dispositifs pour expérimenter un « contrat unique d'insertion ».
Enfin, une nouvelle étape a été franchie avec le RSA, qui représente l'aboutissement de la réflexion plus ancienne sur le remplacement du système complexe des minima sociaux par une allocation universelle dégressive selon les revenus d'activité. Il a été conçu pour répondre aux différents problèmes qui plombent le système actuel des minima sociaux et des incitations financières à l'exercice d'une activité professionnelle : retour au travail non rémunérateur, pauvreté au travail, soutien au pouvoir d'achat des personnes à faible revenu, complexité du dispositif d'aide. Son objectif, tel que défini par la loi « TEPA » : « assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d'atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de famille ».
L'ambition du RSA est de « modifier en profondeur l'exercice de la solidarité », résume le Haut Commissariat. Il a pour fondement l'idée selon laquelle la sortie de la pauvreté passe principalement par le travail, en faisant des revenus d'activité le socle des revenus de la personne. Avec le RSA, « la solidarité complète ces revenus et donne un accès plus large à un accompagnement professionnel, renforcé si nécessaire d'un accompagnement social, pour accéder à un emploi de qualité ». Ce n'est donc pas, contrairement au RMI par exemple, une allocation différentielle dont on soustrait les revenus du travail.
Concrètement, il s'agit notamment d'assurer « une réelle revalorisation de tout revenu d'activité, de toute heure travaillée, et le caractère pérenne de cette incitation à l'activité, qui ne peut se limiter aux premiers mois d'une reprise d'activité - comme dans les systèmes en vigueur d'intéressement - et deviendrait un soutien au revenu des travailleurs modestes » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 82). En effet, « la réalité constatée quotidiennement montre qu'une personne qui bénéficie d'un minimum social et reprend une activité à temps partiel rémunérée au SMIC peut encore aujourd'hui perdre de l'argent, même quand elle est soutenue par l'ensemble des dispositifs d'intéressement prévus par la loi », rapportent les services de Martin Hirsch. « De même, une personne qui reprend une activité à temps plein perd de l'argent dès qu'elle perd le bénéfice des dispositifs d'intéressement. » Ainsi, par exemple, « une femme qui travaille 3 matinées par semaine, 4 heures par matinée, à aider une personne âgée handicapée, ne gagne pas 1 € de plus que celle qui, au RMI, ne travaille pas du tout. Tout son salaire est déduit du RMI. Une personne qui est au RMI, avec 2 enfants à charge, et qui reprend un emploi à plein temps payé au SMIC, va [, elle,] gagner un peu plus d'argent la première année - grâce à l'intéressement, aux primes de retour à l'emploi - mais moins au bout de un an, quand ces mécanismes de cumul de ressources s'interrompent », soulignent-ils.
Deux cas types de « trappes à inactivité » - situations où le retour à l'emploi du bénéficiaire du minimum social n'est pas rémunérateur - parmi d'autres, qui, de surcroît, ne tiennent compte que des minima et de l'intéressement. Ils n'intègrent pas « l'effet de seuil créé par les aides sociales facultatives, alors que ces aides représentent en moyenne 20 % du revenu », de celui « induit par la couverture maladie universelle complémentaire » et du « coût monétaire d'une reprise d'emploi, notamment les coûts d'habillage, de garde et de transport qui, même s'ils ne sont pas estimés par les économistes, sont sans doute élevés, notamment dans les zones rurales ». Autant dire que, « en tenant compte de tous les transferts (y compris les aides locales) et de tous les coûts indirects, les trappes se révèlent plus nombreuses et plus profondes » (Rap. A.N. n° 62, juillet 2007, Carrez, page 313). Pour les appréhender, il faut se reporter à l'évaluation de la durée de réservation, c'est-à-dire la durée de travail minimale, sur la base du SMIC horaire, pour que l'emploi apporte un gain monétaire à celui qui l'occupe par rapport aux ressources dont il bénéficierait en tant qu'inactif. Une étude réalisée en 2002 montre que cette durée, si l'on prend en compte l'ensemble des transferts en faveur du bénéficiaire, « excède un mi-temps pour une personne seule et un temps complet pour un couple avec enfants ». « Ceci signifie que pour toute reprise d'activité d'une durée hebdomadaire inférieure à celle de réservation - moins de 42 heures par semaine, par exemple, pour un couple avec enfant -, le retour à l'emploi appauvrit le ménage » (Rap. A.N. n° 62, juillet 2007, Carrez, page 313).
Mécanisme permanent de soutien des bas revenus (5) visant à « garantir que le travail paie », le RSA a vocation à permettre de dépasser ce constat en faisant en sorte que, « quelle que soit la situation de départ, le produit de chaque heure travaillée puisse améliorer le revenu final de la famille, en supprimant les effets de seuil ». Mais aussi en garantissant, « même pour une activité à temps partiel, lorsque les revenus du travail sont discontinus le long de l'année ou que la reprise d'activité correspondante se réalise par le biais d'un contrat d'insertion, que les ressources globales permettent de franchir le seuil de pauvreté ». L'objectif, enfin, est de « simplifier radicalement le système des aides pour le rendre plus lisible », a expliqué le Haut Commissariat.
L'expérimentation de cette prestation innovante, dans son principe comme dans sa forme, doit durer 3 ans, selon la loi « TEPA ». Elle ne concerne que certains départements volontaires et est réservée, parmi les allocataires de minima sociaux, aux bénéficiaires du RMI et de l'API. Avant très vraisemblablement, c'est en tout cas le souhait du gouvernement, d'être généralisée dès 2009, sans attendre, donc, la fin des 3 ans (voir encadré page 25).
Le RSA s'inscrit dans une politique plus générale d'insertion professionnelle et sociale. Des travaux sont en effet engagés pour concevoir la réforme globale des minima sociaux - que Martin Hirsch espère pouvoir appliquer en 2009 -, de la prime pour l'emploi et des différentes aides qu'entraîne sa création. Réforme qui doit contribuer à atteindre l'objectif, fixé par le président de la République, de réduction de un tiers de la pauvreté en 5 ans, et à mieux conjuguer emploi et solidarité, à faire des revenus du travail le socle des ressources et à construire une protection qui complète le travail plus qu'elle ne s'y substitue.
Pour donner une nouvelle dynamique aux politiques d'insertion, le chef de l'Etat a confié au Haut Commissaire aux solidarités active contre la pauvreté la responsabilité de l'organisation d'un « Grenelle de l'insertion » (6). Objectifs : donner la parole aux acteurs et faire de l'insertion un sujet de débat de société, valoriser les initiatives de terrain, ne pas enfermer les personnes vulnérables dans une situation de relégation, repenser les politiques d'accompagnement des personnes en difficulté, donner des perspectives stables aux acteurs de l'insertion par l'activité économique et réformer les contrats aidés, impliquer davantage les entreprises et les employeurs publics, rendre plus cohérentes les politiques publiques... Ouvert les 23 et 24 novembre 2007 à Grenoble, le processus de discussion et de négociation du « Grenelle » doit durer 6 mois.
Dernière initiative en date de l'ancien président d'Emmaüs France : le lancement d'une phase ouverte de 10 semaines de consultation sur le RSA, à partir d'un « livre vert » rendu public le 2 mars sur le site
Dispositif de cumul entre revenus d'activité et prestations d'aide sociale, le revenu de solidarité active correspond à une nouvelle conception des prestations sociales, explique le Haut Commissariat : ce n'est plus une allocation différentielle dont on déduit toutes les autres ressources, logique qui « n'est pas adaptée à celles et ceux qui reprennent un emploi ou qui augmentent leur temps de travail à partir d'un temps partiel ». Avec le RSA, les aides sociales complètent les revenus du travail. Et les services de Martin Hirsch d'ajouter : « quand les revenus du travail augmentent, ce complément diminue d'un montant inférieur aux gains du travail. Ainsi, le travail doit toujours demeurer rémunérateur. Il supprime les effets de seuils, ou ce qu'on appelle des «trappes à inactivité» ».
Le RSA poursuit un triple objectif. D'une part, « faire en sorte que chaque heure travaillée se traduise, pour l'intéressé, par un accroissement du revenu disponible, c'est-à-dire que le travail «paie» et ce, dès la première heure travaillée ». D'autre part, « compléter les ressources des personnes reprenant une activité pour réduire la prévalence de la pauvreté au sein de la population active occupée ». Enfin, « simplifier les mécanismes d'aide sociale de façon à les rendre plus lisibles » (circulaire du 25 octobre 2007).
Censé apporter une simplification considérable par rapport au système actuel, il est destiné à remplacer le revenu minimum d'insertion (RMI), l'allocation de parent isolé (API), la prime pour l'emploi, les primes de retour à l'emploi versées dans le cadre des mécanismes d'intéressement et, le cas échéant, l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Sa mise en oeuvre pourra en outre « s'accompagner d'une réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) pour que les personnes handicapées qui perçoivent cette allocation ne soient pas pénalisées lorsqu'elles reprennent du travail », précisent les services de Martin Hirsch.
In fine, il doit lever un frein majeur à la reprise de travail des titulaires de minima sociaux, faciliter une insertion durable des individus dans l'emploi. Et a pour finalité, concrètement, d'« assurer l'augmentation des ressources d'une personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité afin d'atteindre un revenu garanti qui tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de famille », prévoit la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat - dite loi « TEPA » (loi du 21 août 2007, art. 18).
Avec cette nouvelle prestation, il s'agit non seulement d'inciter au retour à l'emploi mais aussi, et c'est là qu'elle va plus loin que les mesures d'« intéressement » de droit commun, de lutter contre la pauvreté au travail. Comment ? Selon le Haut Commissariat, le RSA a deux effets sur la pauvreté. Un effet immédiat pour les travailleurs pauvres - personnes qui, bien que travaillant, ont des revenus totaux inférieurs au seuil de pauvreté, calculé en prenant 60 % du revenu médian de la population française, soit actuellement 817 € par personne et par mois - qui voient leurs revenus complétés. « Avec le RSA, estime-t-il, ce sont près de 1 million de personnes qui pourraient franchir immédiatement le seuil de pauvreté ». Par ailleurs, il apporte un complément de pouvoir d'achat à plusieurs millions de personnes en bas de l'échelle des salaires. Le RSA a aussi, toujours selon les services de Martin Hirsch, un effet indirect sur la pauvreté : « en garantissant que le travail devient rémunérateur, il permettra à des personnes allocataires du RMI de pouvoir reprendre du travail plus facilement qu'aujourd'hui ».
L'accès au RSA est large, puisqu'il s'adresse à la personne titulaire d'un minimum social « qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité ». « Le terme «activité», dans la logique du dispositif - permettre à chacun de vivre par son travail - renvoie à l'activité professionnelle, en incluant semble-t-il la participation à un stage de formation, explicitement mentionnée [...] dans la définition du RSA appliqué aux bénéficiaires de l'API [1]. » « Surtout, la seule exigence d'exercice d'une activité - et non de (re)prise d'un emploi - permettra de couvrir également les travailleurs pauvres qui perçoivent un minimum social tout en conservant une activité professionnelle réduite et peu rentable, alors que l'intéressement en vigueur est conditionné à une (re)prise d'emploi. » Mais si le principe énoncé dans la loi se veut général, en faisant référence à tous les bénéficiaires d'un minimum social, seules deux catégories de personnes sont éligibles à l'expérimentation du RSA : les titulaires du RMI et de l'API, « les deux minima les plus concernés par la problématique du retour à l'emploi » (Rap. A.N. n° 62, juillet 2007, Carrez, page 319).
Les bénéficiaires des autres revenus d'assistance, tels que l'ASS ou l'AAH, ne sont ainsi pas concernés, pour l'instant tout du moins pour ce qui est des bénéficiaires de l'ASS. S'agissant de l'AAH, « un traitement à part peut être justifié par l'existence pour cette allocation d'un régime spécifique d'intéressement à l'activité qui permet déjà une forme de cumul pérenne allocation/revenu d'activité et par le niveau plus élevé de l'allocation (par rapport aux autres minima sociaux) », explique Dominique Tian, rapporteur de la loi « TEPA » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 84). Pour l'ASS, rappelons que le régime d'intéressement applicable n'a été touché par la réforme opérée par la loi du 23 mars 2006 sur le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux qu'en ce qui concerne les prises d'emploi excédant 78 heures mensuelles. Pour ce qui est des emplois à temps très partiel, dont l'amélioration est l'un des objectifs centraux du RSA, subsiste néanmoins un régime antérieur plus favorable que dans le cas du RMI et de l'API, puisque les revenus d'activité inférieurs à 1/2 SMIC mensuel peuvent être cumulés intégralement avec l'allocation pendant 6 mois, puis ne sont défalqués qu'à hauteur de 40 % pendant les 6 mois suivants.
De manière plus générale, la limitation du dispositif à certaines catégories d'allocataires sociaux « correspond à la logique de l'expérimentation, qui conduit à cibler des groupes limités et déjà connus ». Mais la philosophie du RSA « implique qu'il touche à terme l'ensemble des « travailleurs pauvres », bénéficiaires ou non de minima sociaux. Son équité et son acceptabilité sociale sont à ce prix, tant la question des revenus comparés des bénéficiaires de transferts sociaux et des travailleurs modestes est sensible » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 84).
Avec le RSA, le bénéficiaire du RMI ou de l'API qui prend ou reprend un travail, exerce ou accroît son activité perçoit une allocation qui comble le différentiel entre, d'une part, un revenu garanti et, d'autre part, l'ensemble de ses ressources. Le revenu garanti correspondant à la somme d'un minimum forfaitaire et d'une part variable proportionnelle aux revenus d'activité (loi du 21 août 2007, art. 18).
Dans la définition générale qu'elle donne du dispositif - valable pour les bénéficiaires du RMI et de l'API -, la loi « TEPA » prévoit que ce revenu garanti tient compte des revenus d'activité professionnelle et des charges de familles (loi du 21 août 2007, art. 18). Mais pour le RSA servi aux allocataires de l'API, d'autres éléments sont à prendre en compte : les éventuels revenus afférents à un stage de formation, assimilés à un revenu d'activité, et la durée de reprise d'activité (loi du 21 août 2007, art. 20, II).
Un amendement a été adopté permettant également aux départements volontaires de tenir compte des droits et des aides connexes dans la composition du revenu garanti et, par conséquent, pour le calcul du revenu différentiel. Retour en arrière : dans sa rédaction initiale, la loi retenait une définition assez restrictive de ce qu'il faut attendre par « ressources », en évoquant les seuls revenus d'activité et les charges de famille. Les parlementaires ont amendé le texte sur ce point. Dans la version définitive du texte, en effet, les départements sont invités à recenser les prestations et aides locales ou extralégales à caractère individuel accordées aux bénéficiaires potentiels du RSA sur leur territoire. Pour l'appréciation des ressources des intéressés, ils peuvent ainsi tenir compte de ces prestations et aides (contribution au paiement de la cantine scolaire, tarification préférentielle pour les transports publics, soutien financier à la garde d'enfants, bourses scolaires, etc.), ainsi que, dans la mesure du possible, de l'ensemble des droits et des aides qui sont accordés aux bénéficiaires du RSA (exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, prime pour l'emploi, couverture maladie universelle complémentaire ou aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire) (loi du 21 août 2007, art. 18). Aucun caractère contraignant n'est attaché à la mesure. La loi n'indique finalement qu'une direction, celle d'une prise en considération de ces prestations et aides, laissant aux départements leur entière liberté dans leur choix.
Pour résumer, le RSA assure à son bénéficiaire un revenu « cible », apprécié au regard des ressources tirées de son activité professionnelle et de la configuration familiale de son foyer. Le cas échéant, il est aussi possible de tenir compte des prestations et des aides sociales - dites « droits connexes ».
A noter : en conformité avec l'objectif fixé par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998, il est prévu que les bénéficiaires du RSA sont associés à sa mise en oeuvre dans les départements volontaires à l'expérimentation ainsi qu'à son évaluation (loi du 21 août 2007, art. 18).
Les expérimentations locales du RSA en direction des bénéficiaires du RMI - « RSA-RMI » - et de l'API - « RSA-API » - sont organisées en deux phases distinctes et successives :
une phase de candidature, initiée par les actes de candidature des départements adressés au préfet et conclue par la publication d'un ou de plusieurs décrets autorisant les départements à expérimenter ;
une phase de mise en oeuvre des expérimentations au cours de laquelle la collectivité territoriale fixe, par délibération transmise au préfet, les dispositions qui vont régir l'expérimentation et déroger aux dispositions législatives et réglementaires nationales. Des précisions sont apportées par l'administration concernant les actes pris au cours de cette seconde phase. « En raison de leur caractère dérogatoire au droit commun des délibérations locales, ces actes à caractère général et impersonnel obéissent à un régime juridique spécifique », explique-t-elle à titre liminaire. En particulier, deux types d'exigences spécifiques sont applicables à ces délibérations, mais aussi aux actes qui les modifient au cours de la phase d'expérimentation (circulaire du 25 octobre 2007) :
- inclure la liste des dispositions législatives et, le cas échéant, réglementaires auxquelles elle déroge (voir page 28). « L'affichage des dérogations dans la délibération répond à une exigence de clarté et d'accessibilité de la règle de droit fixée dans le cadre expérimental : il permet à chaque bénéficiaire du RMI concerné par l'expérimentation de connaître les dispositions qui lui sont applicables »,
- fixer la durée de validité de la délibération. Par dérogation au droit commun de l'entrée en vigueur des actes à caractère général et impersonnel des collectivités territoriales, l'entrée en vigueur de la délibération intervient lors de sa publication au Journal officiel. Et un tel acte, ajoute la circulaire, cesse de produire des effets de droit au plus tard à la fin de la durée de la phase expérimentale, soit 3 ans à compter de la publication du décret autorisant le département à expérimenter. Avec cette précision : le conseil général est libre de définir, dans sa délibération, « une période d'expérimentation plus courte ou de prévoir par une délibération ultérieure une fin anticipée de l'expérimentation ».
A noter : cette procédure exceptionnelle de publicité - délibération transmise au préfet de département puis publiée au Journal officiel - ne s'applique pas aux actes individuels entrant dans le champ de l'expérimentation, qui restent donc soumis aux règles de publicité de droit commun. Elle ne s'applique pas davantage aux délibérations des départements qui ne comporteraient aucune dérogation aux règles nationales et ne feraient que mettre en oeuvre des compétences de droit commun du département en matière de RMI ou d'action sociale (circulaire du 25 octobre 2007).
La loi « TEPA » permet aux 17 départements qui ont, avant le 30 juin 2007, fait part de leur volonté d'expérimenter l'une et/ou l'autre des 2 expérimentations prévues par l'article 142 de la loi de finances pour 2007 (voir page 22) d'expérimenter le RSA, et leur ouvre un nouveau délai, qui courait jusqu'au 30 septembre 2007, pour éventuellement apporter les adaptations nécessaires à leur dossier de candidature (loi du 21 août 2007, art. 21, I). Tous ont manifesté leur envie d'entrer dans les programmes d'expérimentation du RSA.
La loi a par ailleurs étendu la possibilité de participer à l'expérimentation du RSA à de nouveaux départements - dans la limite de 10 -, qui avaient jusqu'au 31 octobre 2007 pour faire acte de candidature. Si le nombre de candidats était supérieur à 10 à cette date, les départements devaient être retenus selon deux critères : le potentiel fiscal par habitant en 2007 et le nombre de bénéficiaires du RMI rapporté au nombre d'habitants du département, apprécié au 31 décembre 2006 (loi du 21 août 2007, art. 21, II).
Au total, donc, ce sont 27 départements qui devaient être concernés par cette expérimentation, pouvant être mise en oeuvre sur tout ou partie de leur territoire. Mais, sur proposition de Martin Hirsch, celle-ci a finalement été ouverte, « sous réserve de l'examen technique et juridique de leur dossier », « à tous les départements ayant fait acte de candidature avant le 31 octobre, ce qui porte de 27 à 40 le nombre potentiel de départements expérimentateurs », a annoncé le Haut Commissariat dans un communiqué du 16 novembre. Cette extension du nombre potentiel de départements expérimentateurs du RSA a été entérinée par l'article 123 de la loi de finances pour 2008.
Au final, les 40 départements se sont portés volontaires pour expérimenter le RSA. Au moment où nous publions ce dossier, 34 d'entre eux ont d'ores et déjà été habilités par décret à le faire, à savoir (décrets du 28 septembre, du 31 octobre et du 26 décembre 2007) : l'Aine, l'Allier, les Alpes-Maritime, les Bouches-du-Rhône, le Calvados, la Charente, la Charente-Maritime, la Haute-Corse, la Côte-d'Or, les Côtes-d'Armor, la Creuse, les Deux-Sèvres, la Dordogne, le Doubs, l'Eure, le Gard, le Gers, l'Hérault, l'Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, le Loir-et-Cher, la Marne, la Haute-Marne, la Mayenne, le Morbihan, le Nord, l'Oise, le Pas-de-Calais, le Rhône, la Haute-Saône, la Seine-Maritime, la Seine-Saint-Denis, le Val-d'Oise et la Vienne.
Restent 6 départements volontaires qui n'ont pas encore été autorisés à tester le RSA : l'Ardèche, la Saône-et-Loire, la Réunion, le Cher, le Val-de-Marne et la Meurthe-et-Moselle.
Les expérimentations du RSA complètent et élargissent le champ d'habilitation de l'article 142 de la loi de finances pour 2007, qui permettait déjà à des départements volontaires de déroger, à titre expérimental, à certaines règles d'intéressement du RMI.
Précisément, la loi « TEPA » greffe, en premier lieu, l'expérimentation du « RSA-RMI » sur celle ouverte par la loi de finances susvisée pour « améliorer l'incitation financière au retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI », en offrant aux départements volontaires des moyens et des compensations améliorés. En pratique, ces derniers sont autorisés, pour expérimenter le RSA, à déroger à un certain nombre de dispositions légales et/ou réglementaires.
En second lieu, elle permet à l'Etat, dans les départements ou les territoires dans lesquels est conduite l'expérimentation du « RSA-RMI », d'en conduire une équivalente pour les titulaires de l'API. L'expérimentation du « RSA-API » est entièrement supportée par l'Etat (8).
A noter : en cas de cumul du RMI avec l'API, le RSA versé le sera prioritairement au titre de l'API, et donc à la charge de l'Etat (loi du 21 août 2007, art. 19, III).
L'expérimentation du RSA servi aux bénéficiaires du RMI met en application, pour la première fois, les dispositions de l'article 72 alinéa 4 de la Constitution, issues de la révision constitutionnelle opérée par la loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. Il s'agit de permettre aux départements autorisés à expérimenter de déroger à un certain nombre de dispositions légales et/ou réglementaires. Le régime juridique applicable dans les territoires d'expérimentation est donc, dans ce schéma et dans le respect des prescriptions constitutionnelles, légales et réglementaires, défini par chaque assemblée délibérante. Ce régime - en particulier le champ d'application et le barème de la prestation - est donc susceptible de varier d'un département à l'autre, « chaque collectivité pouvant décider de faire usage ou non des dérogations offertes et surtout de la nature et de l'ampleur des dérogations qu'elle souhaite introduire » (circulaire du 25 octobre 2007).
L'expérimentation du RSA pour les bénéficiaires du RMI est conçue dans la loi « TEPA » du 21 août 2007 comme un prolongement de celle prévue par la loi de finances pour 2007, complétée par la loi instituant le droit au logement opposable du 5 mars 2007. La nouvelle expérimentation doit donc être effectuée pour l'essentiel « dans les conditions » de la précédente. En particulier, sa durée ne peut excéder 3 ans à compter de la publication du décret fixant la liste des départements habilités à expérimenter. Dans la même logique de continuité, la loi « TEPA » permet aux départements qui se sont portés volontaires pour la première expérimentation d'adhérer au nouveau dispositif (loi du 21 août 2007, art. 19, I).
Le législateur a fixé le champ de la nouvelle expérimentation en visant les dispositions législatives auxquelles il peut être dérogé (loi du 21 août 2007, art. 19, I, 1°) :
l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, qui constitue la base légale du système en vigueur d'intéressement, et en particulier des primes forfaitaires instituées par la loi « retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux » du 23 mars 2006 ;
l'article L. 262-12-1 du même code, lequel dispose que les titulaires d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA conservent en sus du revenu d'activité afférent à ce contrat la fraction du RMI excédant l'allocation d'une personne isolée - dite « part familiale ». En d'autres termes, la part du RMI correspondant aux autres membres du foyer.
l'article L. 322-12 du code du travail, qui constitue la base légale de la prime de retour à l'emploi versée dans le cadre de ce dispositif d'intéressement.
Comme l'explique l'exposé des motifs du projet de loi « TEPA », ces diverses dérogations permettent :
d'ouvrir un intéressement supplémentaire aux titulaires d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA, au-delà du cumul actuellement délimité par l'article L. 262-12-1 précité, qui prohibe de fait un cumul entre ces contrats et les primes de retour à l'emploi et forfaitaires mensuelles d'intéressement ;
de compléter la réforme initiée par la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, qui concerne essentiellement les travailleurs à mi-temps ou plus, en améliorant l'intéressement des travailleurs à temps très partiel ;
le cas échéant, d'aller vers une fusion du RMI et des primes d'intéressement existantes. Il sera donc possible pour les départements de fusionner, par exemple, les prestations existantes - l'intéressement proportionnel du RMI, les primes forfaitaires et de retour à l'emploi - en une allocation unique de RSA. Pour Dominique Tian, rapporteur pour avis de la loi « TEPA » à l'Assemblée nationale, le champ des dérogations ouvertes apparaît comme « suffisamment large pour aller vers des dispositifs d'intéressement pérennes et/ou accessibles non seulement aux bénéficiaires du RMI (re)prenant un emploi, mais aussi à ceux qui n'ont jamais cessé de travailler sans en tirer de revenus suffisants » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 87).
La loi précise qu'il ne peut toutefois être dérogé :
aux quatrième, cinquième et septième alinéas de l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, c'est-à-dire au principe selon lequel la prime forfaitaire mensuelle d'intéressement versée aux titulaires du RMI constitue une prestation légale d'aide sociale à la charge du département et à la règle de subsidiarité applicable quand une personne touche des fractions de plusieurs minima sociaux. Cette dernière règle protège les finances départementales. En pratique, en effet, la prime forfaitaire n'est à sa charge qu'en cas de RMI « pur ». Si celui-ci est cumulé avec l'ASS, par exemple, c'est la prime forfaitaire due aux allocataires de ce minima social, à la charge de l'Etat, qui sera versée ;
aux deuxième à cinquième alinéas de l'article L. 322-12 du code du travail qui, respectivement : dispose que la prime de retour à l'emploi est à la charge du fonds de solidarité de l'assurance chômage pour les bénéficiaires de l'ASS et de l'Etat pour les allocataires du RMI et de l'API ; précise que cette prime est versée par l'organisme qui verse l'allocation principale - RMI, API ou ASS - qu'elle complète ; fixe son régime de cessibilité et son régime contentieux ; arrête les modalités de contrôle et d'échanges d'informations liées à sa gestion. « S'il est légitime de ne pas permettre de dérogation aux règles protectrices relatives au contrôle ou au contentieux de la prime de retour à l'emploi, estime le député Dominique Tian, l'interdiction de déroger au principe de prise en charge de la prime par l'Etat peut apparaître en revanche quelque peu contradictoire avec l'objet même de l'expérimentation, qui est de transférer éventuellement cette responsabilité aux départements (sous réserve d'un concours financier à négocier avec l'Etat par ailleurs, naturellement) » (Avis A.N. n° 61, juillet 2007, Tian, page 88).
A noter : les textes régissant les expérimentations ne prévoient pas la possibilité de déroger aux dispositions spécifiques concernant l'accès au RMI et l'évaluation des ressources des personnes exerçant une activité non salariée (code de l'action sociale et des familles, art. L. 262-12 et R. 262-14 et suivants), souligne l'administration. En particulier, aux termes de ces dispositions, le président du conseil général arrête l'évaluation des revenus professionnels annuels des personnes exerçant une activité non salariée - le montant du RMI étant alors calculé en prenant en compte 25 % de ce montant. « Les droits aux RSA devront en conséquence être liquidés sur la base des ressources ainsi déterminées », poursuit-elle (circulaire du 25 octobre 2007).
Le département doit « s'assurer que les dérogations qu'il envisage sont susceptibles d'être mises en oeuvre rapidement et dans de bonnes conditions par les organismes débiteurs compétents » du RMI (circulaire du 25 octobre 2007).
Par rapport au périmètre d'expérimentation initialement fixé par la loi de finances pour 2007, la loi « TEPA » a étendu le champ des allocataires du RMI pouvant bénéficier du RSA. Dans les départements volontaires retenus, le dispositif est en effet ouvert (circulaire du 25 octobre 2007) :
aux bénéficiaires du RMI signataires de CI-RMA et de contrats d'avenir ;
aux bénéficiaires du RMI reprenant ou exerçant une activité inférieure à un mi-temps ;
aux bénéficiaires du RMI ou de la prime forfaitaire d'intéressement qui suivent une formation professionnelle, quelle qu'en soit la durée (supérieure ou inférieure à 78 heures mensuelles) ;
aux bénéficiaires du RMI ou de la prime forfaitaire d'intéressement reprenant ou exerçant une activité supérieure à un mi-temps ;
aux bénéficiaires du RMI exerçant une activité professionnelle sans droit à intéressement ou à la prime forfaitaire (par exemple, les personnes qui exerçaient une activité ou suivaient une formation professionnelle avant de bénéficier du RMI ou les allocataires du RMI ayant épuisé leur droit à intéressement ou à la prime forfaitaire).
En d'autres termes, contrairement à l'article 142 de la loi de finances pour 2007 dans sa rédaction initiale, l'expérimentation inscrite dans la loi « TEPA » ne s'attache plus à la nature de l'activité exercée, à la durée de travail ou à la date de reprise d'activité, et peut désormais bénéficier à tout allocataire du RMI, payé ou non à ce titre (9), ou de la prime forfaitaire d'intéressement, qui :
soit entame ou reprend, à compter de la date d'entrée en vigueur de la délibération du département portant règlement du RSA, une activité ou une formation professionnelle rémunérée ;
soit poursuit ou exerce une activité ou une action de formation professionnelle rémunérée qui a débuté avant l'entrée en vigueur de ladite délibération.
L'activité en question peut être indifféremment une activité salariée ou non exercée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée (CDI ou CDD), d'un CI-RMA, d'un contrat d'avenir ou d'un autre type de contrat aidé. Et ce, quelles que soient la durée de travail ou la date de début de l'activité (circulaire du 25 octobre 2007).
Pour prétendre au RSA, les allocataires du RMI doivent résider ou avoir élu domicile dans le département ou le territoire d'expérimentation (loi du 21 août 2007, art. 19, I, 2°).
Le conseil général peut en outre imposer au bénéficiaire une durée minimum de résidence dans le département ou le territoire, qui ne peut toutefois excéder 6 mois. Ainsi, le bénéficiaire qui quitte le département ne peut plus prétendre au RSA. En revanche, la loi prévoit expressément que, si l'intéressé déménage seulement du territoire d'expérimentation mais demeure dans le département où le RSA est expérimenté, le conseil général a la faculté de lui maintenir le bénéfice du dispositif (loi du 21 août 2007, art. 19, I, 2°).
Les conseils généraux ont-il la possibilité de restreindre le champ des bénéficiaires des expérimentations ? Par exemple, de ne servir le RSA qu'aux bénéficiaires du RMI en contrats aidés ou, au contraire, d'exclure systématiquement cette catégorie du bénéfice de la prestation. Ou de ne verser le RSA qu'aux personnes qui reprennent une activité à compter de la date de début des expérimentations, limitant ainsi le champ des expérimentations au « flux » des entrées dans l'emploi. Ou encore de limiter le champ d'application du RSA à certains secteurs d'activité économique ou à certaines branches professionnelles.
« Sous réserve de ne pas introduire de disposition à caractère discriminatoire entre bénéficiaires potentiels, qui serait contraire au principe d'égalité, [...] en droit, rien n'interdit au conseil général, compte tenu de la nature de l'habilitation à expérimenter, de faire un usage partiel des possibilités de dérogation qui lui sont offertes par la loi », indique la circulaire du 25 octobre 2007. Elle précise toutefois que le mécanisme du RSA ne trouvera sa pleine efficacité que s'il est mis en oeuvre « dans toutes ses dimensions en faisant usage de l'intégralité des dérogations ouvertes par la loi ». Et d'ajouter : le RSA a vocation à « s'appliquer, sans distinction, aux allocataires du RMI qui reprennent mais aussi exercent une activité quelles que soient les conditions juridiques de cette exercice - contrat aidé ou de droit commun - et le secteur ou la branche d'activité ». Sur ce dernier point, en particulier, les dérogations ouvertes par la loi ne permettent pas à la collectivité expérimentatrice, sauf à méconnaître le principe d'égalité, de distinguer différents secteurs ou branches d'activité.
Par ailleurs, indique la circulaire, l'évaluation des effets du dispositif dans des conditions satisfaisantes doit conduire à servir le RSA « à un nombre relativement important de personnes ». Pour les mêmes raisons, il est important de disposer d'« un échantillon expérimental diversifié, associant personnes en reprise d'emploi et personnes ayant repris un emploi depuis plusieurs mois », de façon à estimer à la fois les effets incitatifs du RSA en termes de sortie vers l'emploi mais aussi le taux de pérennisation des emplois. « En se limitant aux «flux», le nombre de bénéficiaires du RSA serait vraisemblablement très limité et les départements se priveraient ainsi de données très importantes pour l'évaluation du dispositif », explique l'administration.
Le RSA est non imposable et n'est soumis ni à la contribution sociale généralisée (CSG) ni à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) (circulaire du 25 octobre 2007).
Il n'est par ailleurs pas pris en compte pour le calcul des droits à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et aux prestations soumises à critère de ressources, telles que les aides au logement ou les prestations familiales (circulaire du 25 octobre 2007).
Le RSA est également incessible et insaisissable.
Par ailleurs, sauf fraude, l'action en paiement ou en recouvrement de cette nouvelle prestation se prescrit par 2 ans.
L'indu de « RSA-RMI » peut être récupéré sur le RSA, le RMI ou la prime forfaitaire d'intéressement à échoir selon le cas. En revanche, « il ne pourra être récupéré sur du RSA servi au titre de l'API ». Par ailleurs, dans le cas particulier d'un indu de RSA et d'un déménagement du bénéficiaire dans le ressort d'un autre département, l'indu ne pourra pas être transféré au nouveau département. Dans cette hypothèse, c'est au département d'origine qu'il appartiendra de procéder à son recouvrement (loi du 21 août 2007, art. 19, II al. 2 ; circulaire du 25 octobre 2007).
D'autre part, les juridictions de l'aide sociale sont compétentes pour connaître des litiges relatifs au RSA selon les règles de droit commun (circulaire du 25 octobre 2007).
Enfin, la caisse d'allocations familiales (CAF) ou de mutualité sociale agricole (MSA) compétente est chargée de la liquidation et du versement du « RSA-RMI ». Le financement du dispositif incombe, lui, au département, qui bénéficie en contrepartie d'un accompagnement financier de l'Etat (10).
Quid en cas de basculement du RSA servi au titre de l'API ou du RMI vers cette dernière allocation ? Tel sera le cas, par exemple, de « l'allocataire du RSA exerçant une activité professionnelle qui déménage du département d'expérimentation et qui n'ouvre donc plus droit au RSA mais qui peut toujours prétendre au RMI », signale la circulaire.
Dans cette hypothèse, les périodes d'octroi du RSA devront être comptabilisées pour déterminer les droits à l'intéressement ou à la prime forfaitaire. Les mois payés au titre du RSA seront ainsi déduits de la période de droit théorique à l'intéressement et seules, le cas échéant, les mensualités excédentaires seront dues (décret du 5 octobre 2007, art. 14 ; circulaire du 25 octobre 2007).
S'agissant du calcul du RMI, conformément au 10° de l'article R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles, « il ne sera pas tenu compte des montants de RSA perçus en trimestre de référence RSA pour calculer le RMI dû » (circulaire du 25 octobre 2007).
Dans le cadre du RSA, les bénéficiaires du RMI signataires de contrats d'avenir et de CI-RMA se verront, comme actuellement en application de l'article L. 262-6-1 du code de l'action sociale et des familles, maintenir pendant toute la durée de leur contrat le bénéfice des droits connexes - c'est-à-dire les droits auxquels le statut de bénéficiaire d'un minimum social donne accès, comme par exemple l'accès à la CMU-C ou les exonérations de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle (décret du 5 octobre 2007, art. 15).
Pour les autres bénéficiaires, le président du conseil général à la faculté (décret du 5 octobre 2007, art. 15 ; circulaire du 25 octobre 2007) :
soit de mettre fin, comme actuellement, au RMI au terme du contrat d'insertion (dont le RSA est l'une des actions d'insertion). Les droits connexes attachés au RMI s'éteindront donc à l'issue dudit contrat ;
soit de mettre fin au droit au RMI le premier jour du mois qui suit une période de 4 mois civils successifs de suspension de l'allocation, alors même que le contrat d'insertion portant sur le RSA est toujours en cours. Dans cette hypothèse, les droits connexes des intéressés ne seront maintenus que si leurs ressources restent inférieures au RMI ou si la période pendant laquelle elles sont supérieures à ce montant n'excède pas 4 mois consécutifs.
Les départements volontaires peuvent expérimenter des modalités de calcul mensuelles du RMI. Pour ce faire, ces départements peuvent déroger aux articles R. 262-9 et R. 262-38 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoient une liquidation trimestrielle. Ils doivent exprimer leur intention de mensualiser les allocations dans le dossier de candidature qu'ils adressent au préfet (décret du 5 octobre 2007, art. 13). « Les possibilités techniques d'une telle mensualisation du rythme de liquidation et de versement devront être étudiées avec soin avec les organismes débiteurs compétents » (circulaire du 25 octobre 2007).
De l'aveu même de l'administration, cette faculté ne présente pas que des avantages pour ceux qui en bénéficient. Certes, « l'évaluation mensuelle des droits au RMI et au RSA présente l'avantage d'être plus réactive à la reprise d'activité et de lier clairement prestation et activité, là où une liquidation trimestrielle conduit à reporter dans le temps la prise en compte de cet événement sur les montants du RMI et du RSA ». Mais, « à l'inverse, la liquidation mensuelle induit une plus grande variabilité des droits aux prestations, là où la liquidation trimestrielle accroît la prévisibilité des ressources » (circulaire du 25 octobre 2007).
A noter : l'aménagement du rythme de liquidation de la prestation doit tenir compte « des difficultés propres à certaines catégories d'allocataires vulnérables (personnes sans domicile fixe, en particulier) » (circulaire du 25 octobre 2007).
À SUIVRE...
Dans ce numéro :
I - Les principes généraux du RSA
A - L'objet du RSA
B - Les personnes éligibles
C - Le mécanisme du RSA
D - La fixation du contenu de l'expérimentation par une délibération du conseil général
E - Les départements expérimentateurs
II - Le champ des expérimentations
A - Le RSA pour les bénéficiaires du RMI
Dans un prochain numéro :
II - Le champ des expérimentations (suite)
III - L'accompagnement financier des expérimentations
IV - L'évaluation des expérimentations
Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006, article 142, J.O. du 27-12-06.
Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, articles 18 à 23, J.O. du 22-08-07.
Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, article 123, J.O. du 27-12-07.
Décret n° 2007-1392 du 28 septembre 2007, J.O. du 29-09-07.
Décret n° 2007-1433 du 5 octobre 2007, J.O. du 6-10-07.
Décret n° 2007-1552 du 31 octobre 2007, J.O. du 1-11-07.
Décret n° 2007-1879 du 26 décembre 2007, J.O. du 30-12-07.
Arrêté du 18 juillet 2007, J.O. du 19-07-07.
Arrêté du 2 novembre 2007, J.O. du 3-11-07.
Arrêté du 27 décembre 2007, J.O. du 8-01-08.
Arrêté du 4 février 2008, J.O. du 12-02-08.
Arrêté du 28 février 2008, J.O. du 4-03-08.
Circulaire interministérielle du 25 octobre 2007, à paraître au B.O. Emploi-Travail-Formation professionnelle-Cohésion sociale.
Dispositif pour l'heure seulement expérimental et mobilisable dans certains départements volontaires, le RSA, qui ne concerne par ailleurs durant cette première phase que les bénéficiaires du RMI et de l'API, sera très vraisemblablement généralisé. La loi « TEPA » évoque d'ailleurs expressément cette possibilité, en prévoyant qu'un rapport d'évaluation sur l'expérimentation du RSA doit être présenté par le gouvernement au Parlement avant toute généralisation du dispositif (loi du 21 août 2007, art. 22).
Lors de son audition, le 4 juillet 2007, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté a laissé entendre que la généralisation du RSA pourrait intervenir avant la fin de la durée d'expérimentation de 3 ans : « le Premier ministre et le président de la République estiment qu'elle doit avoir lieu avant [ce délai de 3 ans] et envisagent de revenir devant le Parlement dans un an ou 18 mois avec pour objectif une application de la réforme au 1er janvier 2009. D'ici là, des éléments d'appréciation et d'évaluation pourront être recueillis. Des évolutions ont eu lieu au cours des derniers mois dans les premiers départements expérimentaux et peuvent déjà être mesurées. Des calages financiers et opérationnels seront disponibles. Deux cas de figure se présenteront alors : soit on considérera que les expérimentations doivent être poursuivies et les départements expérimentaux pourront continuer des règles différentes pendant les 2 années suivantes, soit on considérera que la généralisation ne rend plus nécessaires les dérogations qui leur étaient appliquées et ils seront réintégrés dans le droit commun. »
S'exprimant à la fin de la conférence sociale sur l'emploi et le pouvoir d'achat, le 23 octobre dernier (11), Martin Hirsch est revenu sur le calendrier et la méthode de travail pour la conception et, surtout, la mise en oeuvre du RSA. Il a ainsi annoncé la mise en place d'un groupe de travail pour « préparer sa généralisation ». Ce comité a consulté les partenaires sociaux, les associations et les collectivités territoriales, avec 6 à 8 séances pendant 3 mois (novembre, décembre, janvier). Sur la base de ces travaux, le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) a été saisi, le 27 février, par le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et la ministre de l'Economie et de l'Emploi, Christine Lagarde, d'une demande d'avis portant notamment sur l'articulation du RSA avec les politiques de l'emploi et les politiques salariales. Précisément, le COE doit plancher sur « les mécanismes à mettre en place pour que les gains dus au RSA ne soient pas en partie annulés par des effets contraires en matière salariale ou de qualité de l'emploi, le mode de revalorisation du RSA et son lien avec l'évolution des bas salaires et l'articulation avec la réforme de l'assurance chômage ». Martin Hirsch a par ailleurs indiqué vouloir regarder dans certaines branches professionnelles, en fonction de leurs spécificités (activité réduite, travail saisonnier, nombre élevé de travailleurs pauvres), « quel pourrait être l'apport du RSA, voire [...] pouvoir amorcer des programmes expérimentaux avec celles-ci si les conditions sont réunies pour le faire ».
Dans le schéma imaginé en 2005 par la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » (12), présidée par Martin Hirsch, le revenu de solidarité active devait intégrer toutes les sources de revenus qui ont un effet potentiel sur le lien entre revenus du travail et revenus de la solidarité :
les minima sociaux (RMI, ASS, API), avec l'ambition de les rebâtir afin qu'ils cessent d'être des allocations différentielles, « pour se transformer en «maxima» sociaux pour toutes celles et tous ceux qui ne peuvent revenir à l'emploi » ;
les aides fiscales, telle que la prime pour l'emploi, dont la conception et la mise en oeuvre n'ont permis d'atteindre, selon la commission précitée, aucun des objectifs qui avaient présidé à sa création.
En revanche, l'intégration ou non des aides au logement au sein de cette prestation restait ouverte.
La prise en compte de l'ensemble de ces prestations ou aides dans le RSA reposait sur les principes suivants :
tout revenu tiré du travail devait déclencher une diminution des prestations inférieure d'environ 50 % au gain provenant du travail, qu'il s'agisse de quelques heures travaillées dans la semaine ou le mois, ou d'une activité professionnelle à temps plein ;
pour les revenus les plus faibles, la progression du RSA devait être la plus rapide, jusqu'à un point d'inflexion se situant autour de 0,7 SMIC pour une personne seule ;
entre 0,7 et 1,4 SMIC pour une personne seule, et 1 et 2 SMIC pour un couple, la réduction du montant du RSA devait être légèrement plus accentuée ;
ces niveaux devaient être relevés en fonction de la situation familiale sur la base du barème actuel des minima sociaux.
Selon la commission, le RSA pourrait être paramétré de la manière suivante :
pas de changement de revenu pour les ménages sans activité. Les personnes qui n'ont aucun revenu du travail ne verraient pas leur situation se modifier. Cependant, un mécanisme complémentaire devrait être mis en place pour favoriser une activité, même à temps très partiel, des personnes durablement éloignées de l'emploi ;
un soutien à ceux qui sont aujourd'hui des travailleurs pauvres, de telle sorte qu'il