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Des pistes pour alimenter le « mini-Grenelle » du microcrédit social

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Une pierre de plus à l'édifice du « Grenelle de l'insertion ». Le Haut Commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté devait, le 19 mars, réunir le premier groupe de travail sur le « mini-Grenelle » du « microcrédit et de l'inclusion financière », annoncé le 7 février, lors du 60e forum d'Iéna du Conseil économique et social (1). Cette première séance de travail, pilotée par Alain Bernard, responsable de l'économie solidaire au Secours catholique, devait se pencher sur la mise en oeuvre du microcrédit social. Une deuxième séance, sous la houlette d'Albert Ollivier, de la Caisse des dépôts, ancien président de CDC-Entreprises, doit se tenir le 26 mars sur le microcrédit professionnel (destiné à la création d'entreprise). Une troisième session sur l'accompagnement de l'emprunteur devrait avoir lieu le 28 mars. Enfin, une quatrième, sur l'évaluation, et un éclairage international, devrait se dérouler le 1er avril sous les auspices de Philippe Guichandut, directeur général du Réseau européen de la microfinance. Une séance plénière publique devrait clore ces travaux le 23 avril, à Paris. Georges Gloukoviezoff, chercheur au CNRS, spécialiste de l'exclusion bancaire et membre du conseil de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, a été désigné comme rapporteur général.

Des freins au dispositif actuel

Mandatée en août 2007 par la Caisse des dépôts, copilote de ce « mini-Grenelle », pour réaliser un diagnostic du microcrédit social et élaborer un cahier des charges pour mener des expérimentations de terrain, l'Agence nouvelle des solidarités actives a, le 25 février, remis à cette dernière un rapport qui servira de matière première aux travaux. Encore confidentiel, il constitue une première évaluation du dispositif de microcrédit social garanti par le Fonds de cohésion sociale créé par la loi de programmation de cohésion sociale du 18 janvier 2005 et géré par la Caisse des dépôts, qui vise à garantir des projets d'insertion de personnes exclues du crédit bancaire. Ce rapport propose plusieurs axes d'amélioration du fonctionnement et de la gouvernance du dispositif.

« Au vu des moyens mis en place par la Caisse des dépôts, en termes de structure et de moyens, ainsi que du grand nombre d'expériences locales mises en place, il convenait de s'interroger sur les raisons du faible nombre de prêts octroyés », explique l'agence dans un document de synthèse (2). Au 31 décembre 2007, seuls 2 436 prêts avaient été octroyés, un chiffre très en deçà de ce qui aurait pu être réalisé. Un constat d'autant plus étonnant que le fonds réunit un grand nombre de partenaires : 14 banques et établissements financiers spécialisés et neuf réseaux associatifs nationaux, accompagnants des emprunteurs. Au total, 132 expérimentations ont été recensées.

De fait, l'étude a identifié plusieurs freins au développement de cet outil. Les plus importants sont liés au cadre même du fonds et à sa gouvernance. Ainsi, l'objectif du dispositif est focalisé sur l'emploi et l'insertion professionnelle alors que, sur le terrain, il pourrait répondre dans environ 50 % des cas à des besoins d'insertion sociale non directement liés à l'emploi. Autre décalage : les personnes fichées au FICP (fichier d'incident de paiement des crédits aux particuliers), ou au FCC (fichier central des chèques) ainsi que les personnes en procédure de surendettement, exclues du crédit bancaire classique, le sont également du microcrédit, alors qu'elles représentent environ 40 % des demandes. En outre, la notion de projet lié au « retour à l'emploi » rattachée à la demande de l'emprunteur « implique un biais moral sur l'utilité du prêt » et conduit certains acteurs à limiter la distribution du microcrédit. Très restreints, les critères d'éligibilité ne permettent pas « de prendre en compte les besoins de trésorerie et de renégociation des dettes qui permettraient de prévenir des situations de surendettement », analyse l'agence. L'origine des fonds, alimentés par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, limite de la même façon le développement du microcrédit social. « L'absence de définition juridique conduit à assimiler le microcrédit social à un crédit à la consommation », ajoute-t-elle, ce qui nuit à son positionnement. Le dispositif manque de surcroît de lisibilité auprès des publics et des prescripteurs potentiels. En l'absence de « pilote », l'organisation du dispositif souffre en plus d'un manque de cohérence territoriale, avec une superposition des projets sans harmonisation de l'offre. A tous ces obstacles s'ajoutent encore des réticences du monde bancaire et même des acteurs accompagnants : « Les travailleurs de l'insertion et du social entretiennent généralement une méfiance à l'égard du crédit bancaire et de sa logique de rentabilité », poursuit l'agence.

Aussi recommande-t-elle « un certain nombre d'ajustements afin que les expérimentations répondent aux besoins de manière significative et soient menées dans un cadre permettant une évaluation précise des dispositifs, de leur efficacité opérationnelle et de leurs performances sociales ». Le microcrédit social, qu'elle propose de rebaptiser « microcrédit personnel » ou « crédit solidaire personnel », devrait, selon elle, ne pas imposer de plancher minimum et s'élever jusqu'à 5 000 € contre 3 000 € actuellement. La période de remboursement devrait être élargie et comprise entre 2 à 60 mois (entre 6 et 36 mois actuellement). Le taux d'intérêt à la charge de l'emprunteur ne devrait pas en outre dépasser le taux du Livret A, soit 3,5 % au 1er février 2008 (contre un taux plafond de 8 %). L'agence préconise par ailleurs d'étendre le microcrédit personnel à tout public exclu d'un prêt à la consommation classique, pour tout type de projet, le critère d'éligibilité devant dépendre de la situation budgétaire du demandeur.

Une collectivité territoriale pilote

L'agence propose en outre une « clarification de la notion d'accompagnement », en distinguant ce qui est inhérent à l'activité de prêt de ce qui relève de l'accompagnement budgétaire, psychologique, social ou médical. Ce dernier doit être adapté aux besoins de la personne et en lien avec l'accompagnement social dont elle fait éventuellement déjà l'objet. Pour garantir une « harmonisation des conditions d'accès et d'usage sur l'ensemble du territoire », l'agence préconise l'intervention d'une collectivité locale comme pilote du dispositif, notamment les conseils généraux, qui pourraient mettre en place un dispositif « coordonné avec l'ensemble des mesures d'action sociale déjà existantes ». Pour mieux préciser l'impact du microcrédit social, elle suggère la mise en place d'un « comité national d'évaluation », à l'instar de celui créé dans le cadre des expérimentations du revenu de solidarité active.

Parallèlement, « une réforme de la gouvernance du microcrédit personnel peut être envisagée afin de garantir la performance du système dans sa globalité, d'assurer sa pérennité et de répondre à l'objectif d'insertion originellement fixé ». Pour élargir l'origine des fonds du dispositif, elle propose un abondement conjoint de l'Etat et des banques partenaires. Elle recommande par ailleurs la révision de la composition du Comité d'orientation et de suivi de l'emploi des fonds de cohésion sociale pour y intégrer des personnalités qualifiées et des praticiens du microcrédit social. Un « observatoire du microcrédit personnel », indépendant de la Banque de France, devrait, selon l'agence, être créé pour assurer une mission de coordination et d'animation au niveau national. Des pistes sont également tracées pour enrichir le financement de l'accompagnement et de la formation dans ce domaine. Le microcrédit personnel « représente incontestablement l'un des pans d'une politique de prévention efficace, conclut l'agence. Il est nécessaire de donner à cet outil plus d'ampleur, notamment par une implication forte des collectivités locales. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2545 du 15-02-08, p. 8.

(2) Disp. sur www.solidarites-actives.com.

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