Résoudre un problème suppose de commencer par en exposer clairement les termes. Telle est la vocation du Collectif handicaps et sexualités, qui s'est officiellement créé le 7 mars à Paris, dans l'enceinte du Sénat (1). L'Association française contre les myopathies, l'Association des paralysés de France (APF), la coordination Handicap et autonomie (CHA) et l'association Handicap International, à l'origine de cette initiative, entendent poser haut et fort sur la place publique la question de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées. Et plus précisément des conditions d'accomplissement de cette dimension de l'existence pour qui est en situation de grande dépendance. Après avoir orchestré, au printemps dernier, le cri de colère des « naufragés de l'amour », dans le cadre d'un colloque international qu'elles avaient co-organisé au Parlement européen de Strasbourg (2), les quatre associations veulent poursuivre la réflexion et envisager les réponses concrètes à apporter aux femmes et aux hommes qui ont besoin d'une assistance pour exprimer et satisfaire leurs attentes en matière de sensualité. « Revendiquer, proposer et promouvoir la mise en oeuvre d'actions favorisant l'épanouissement et le respect de la vie intime, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap quel que soit leur âge », tel est l'objectif du collectif.
Actuellement, « être handicapé et parler de ses frustrations, c'est risquer de se retrouver face à un mur de silence », déclare Marcel Nuss, président de la CHA. L'essentiel est donc de lever cette chape de plomb en intervenant sur différents fronts - ce que la structure interassociative compte faire par le biais de ses réseaux et de collaborations avec les institutions, les centres de formation des secteurs sanitaire, social et médico-social, ainsi qu'avec toutes les associations du champ du handicap, notamment mental, qui voudront la rejoindre.
Sur un plan plus général, l'ambition est de développer une large sensibilisation de l'opinion, des pouvoirs publics et des responsables d'établissements aux questions relatives à la sexualité des personnes handicapées, ainsi qu'au droit de ces dernières à décider, pour elles-mêmes, de ce qui concerne leur vie intime, explique Pascale Ribes, administratrice de l'APF. Il s'agit également d'apporter des réponses aux besoins d'information et d'écoute des intéressés et de leurs aidants familiaux et professionnels ; d'où l'intérêt d'instaurer à leur intention des lieux ressources et des groupes de parole sur les sujets liés à la vie affective et sexuelle, et de prévoir également pour les professionnels des modules de formation initiale et continue sur ces questions. Il importe parallèlement de promouvoir l'éducation à la sexualité des enfants et des adolescents dans les services et établissements, souligne Sheila Warembourg, sexologue, qui organise ce type d'actions depuis huit ans dans le cadre de Handicap International.
Enfin, pour ce qui concerne spécifiquement l'assistance érotique et/ou sexuelle des personnes en situation de grande dépendance, c'est-à-dire le concours d'un tiers pour qu'elles puissent, grâce à lui, connaître des jouissances physiques ou avoir des relations sexuelles avec leur partenaire, tout est à faire : étude des (quelques) services spécialisés dans ces prestations qui existent en Europe, réflexion sur les conditions juridiques, éthiques et pratiques à remplir pour lancer de telles initiatives en France et début de leur expérimentation « courant 2010 » au plus tard, assure Marcel Nuss. Une échéance parfaitement tenable, estime le président de la CHA, fort de l'implication du gouvernement dans la réflexion : fin 2007, Patrick Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées, a constitué une commission de travail, avec les quatre associations fondatrices du collectif, pour étudier cette problématique.
Aussi importante soit-elle, cependant, la question de l'accompagnement sexuel, qui focalise l'attention parce que c'est celle qui « émoustille » le plus, ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt de l'affectivité et du désarroi des personnes en situation de grande dépendance, soulignent en substance Sheila Warembourg et Marcel Nuss. Autrement dit : la vraie « révolution » à promouvoir est dans l'écoute des intéressés, qui ne veulent plus voir nier leur qualité d'être sexué.
(1) Contact : Marcel Nuss - Tél. 06 26 63 71 63 ou
(2) Voir ASH n° 2510 du 01-06-07, p. 37. Les interventions ayant eu lieu lors de ce colloque, ainsi que plusieurs contributions postérieures d'experts, sont réunies dans l'ouvrage Handicaps et sexualités. Le livre blanc - Sous la direction de Marcel Nuss - Dunod.