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« Recentrer le secteur public de la PJJ sur le pénal »

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Au moment où les établissements pénitentiaires pour mineurs et la réécriture annoncée de l'ordonnance de 1945 nourrissent les débats sur la justice des mineurs, Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), présente aux ASH le projet de plan stratégique de cette administration pour les trois prochaines années. Le recentrage du secteur public sur les mineurs délinquants et le renforcement de l'aide à la décision des magistrats font partie de ce programme, qui ne manquera pas de faire réagir les professionnels.

Actualités sociales hebdomadaires : La DPJJ prépare un nouveau programme triennal de travail. Quel est le bilan du précédent ?

Philippe-Pierre Cabourdin : Le bilan des actions 2004-2007 est actuellement réalisé dans chaque direction régionale et départementale, afin de vérifier que ce que nous considérons comme acquis au sein de l'administration centrale correspond bien à une réalité. Un état des lieux complet sera donc dressé à la fin du premier trimestre 2008, au moment où nous présenterons les orientations arrêtées pour 2008-2011. Les acquis sont cependant ceux que j'ai trouvés en prenant mes fonctions, en avril 2007 : une administration bien gérée - la Cour des comptes a d'ailleurs salué dans son rapport annuel de 2007 l'effort « remarquable » réalisé en trois ans -, qui a redéfini sa façon de travailler, notamment en mettant en place un « référentiel mesures » et en préparant un « guide des bonnes pratiques », en cours d'élaboration. L'administration est désormais capable de quantifier son activité par des chiffres clairs, en termes de jeunes pris en charge, et non plus seulement en termes de mesures. Nous savons ainsi qu'en 2006, année pour laquelle les derniers chiffres sont disponibles, 376 000 mineurs ont fait l'objet d'une décision de justice. Parmi eux, 158 000 ont fait l'objet d'une décision pénale, dont 90 000 par le juge des enfants, le reste par le parquet. Une application, le « panel des mineurs », validée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, nous permet par ailleurs de dire qu'aujourd'hui, 66 % des mineurs ayant fait l'objet d'une mesure à la PJJ ne réitèrent pas dans l'année qui suit. Ce n'est qu'un indicateur, mais au moins il permet de situer l'action des professionnels dans une perspective globale : près de sept fois sur dix, leur intervention marche ! Ce qui ne veut pas dire que ces jeunes soient sortis d'affaire, mais de manière factuelle, ils n'ont pas réitéré. Nous avons préparé le projet pour 2008-2011 dans la continuité des actions entreprises depuis 2004. Depuis décembre dernier, il fait l'objet d'échanges et d'une communication structurée : il a été présenté à l'Unasea [Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes], discuté avec les directeurs régionaux, puis avec les cadres de l'administration centrale. Un séminaire aura lieu avec les directeurs départementaux à la fin du mois de mars. Tout le monde ne sera peut-être pas d'accord sur son contenu final, mais il aura été largement débattu. L'année 2008 étant une année de transition, il sera mis en oeuvre à compter de 2009.

Quelles sont les nouvelles orientations ?

- La première est d'affirmer le rôle de la PJJ comme force de proposition sur les textes législatifs, en collaboration avec les autres grandes directions du ministère. Ce fut le cas pour les deux lois réformant la protection de l'enfance et relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007, et nous allons poursuivre ce travail pour la réécriture de l'ordonnance de 1945, conjointement avec la direction des affaires criminelles et des grâces. Avec la direction des services judiciaires, nous allons également élaborer et proposer aux juridictions des modes d'organisation pour fonctionner plus efficacement. Les bureaux d'exécution des peines (1), qui permettent d'accélérer la réponse pénale quand la décision est prise par le juge, sont des exemples d'améliorations déjà mises en oeuvre. De la même façon, un décret publié le 6 février dernier a créé un rôle de coordination confié à un vice-président au sein des tribunaux pour enfants. Quand il y a, comme à Paris, 14 juges pour enfants, il peut en effet y avoir 14 pratiques différentes. Dorénavant, un vice-président indiquera une référence commune pour la juridiction, sans bien sûr porter atteinte à l'indé-pendance des juges. Ce coordonnateur sera aussi un interlocuteur externe pour faciliter les remontées d'information. Autre piste de progrès possible : la façon dont les juges signifient leurs ordonnances aux services. Est-ce utile, entre servicesde l'Etat ou services habilités par l'Etat, d'échanger par lettre recommandée comme souvent aujourd'hui ? Cela n'a rien d'anecdotique : plus de la moitié des délais de prise en charge sont imputables à la notification des décisions.

Le deuxième axe du projet stratégique porte sur le renforcement de la qualité de l'aide à la décision des magistrats, aussi bien au civil qu'au pénal. La DPJJ a en effet une responsabilité importante dans cette mission, qui consiste à éclairer la décision des juridictions par la connaissance de la personnalité et de l'environnement du mineur et la proposition de mesures adaptées à chaque jeune et à chaque stade de son parcours. Un groupe de travail, composé de représentants d'associations, de magistrats et de personnels de la PJJ, est en train d'y réfléchir. Il existe aujourd'hui trois mesures principales en matière d'investigation : le recueil de renseignements socio-éducatifs [RRSE], la mesure d'investigation et d'orientation éducative [IOE] et l'enquête sociale. On s'aperçoit que l'enquête sociale est en chute libre, que l'IOE décroît petit à petit, et que le RRSE explose. Or cette dernière mesure fournit des renseignements très sommaires, qui ne suffisent pas à prendre une décision aussi lourde que, par exemple, placer un mineur.

D'où l'idée d'une mesure plus courte que l'IOE actuelle ?

- L'IOE fournit un document très circonstancié de 20 ou 30 pages, mais qui arrive au bout de six mois. A ce moment, heureusement, la mesure s'inscrit déjà dans une prise en charge. Il y a certainement un juste milieu, qui pourrait passer par une mesure de trois mois, entre le RRSE, qui reste utile mais n'apporte pas d'informations suffisantes pour des décisions lourdes, et l'IOE, qui est un peu longue et inadaptée au besoin du magistrat.

Les professionnels ont pourtant toujours défendu l'idée d'une mesure d'au moins six mois qui amorce déjà un travail éducatif...

- Ce sujet est justement en train d'être débattu au sein d'un groupe de travail spécifique dans le cadre de notre projet stratégique national. L'aide à la décision ne peut uniquement être conçue comme une aide à la décision initiale : l'intervention de la PJJ au titre du suivi et de l'aménagement des peines, comme la proposition d'orientation d'un mineur au cours de sa prise en charge, font également partie de cette mission. Ainsi, lorsqu'une mesure a besoin d'être revue, il appartient aux associations habilitées et au secteur public de la PJJ d'informer le juge de l'évolution du mineur. Cela n'est aujourd'hui pas suffisamment pris en compte. Au pénal par exemple, un mineur peut avoir un sursis avec mise à l'épreuve de trois ans ! Un jeune ne se projette jamais sur une telle durée, ça n'a pour lui aucun sens. Pendant ces trois ans, il faut absolument être en mesure de pouvoir modifier la décision. Mais ne mélangeons pas la prise en charge et l'analyse de la situation. Ce qui n'empêcherait pas d'envisager une prise en charge éducative immédiate et une investigation parallèle, mais avec deux objectifs différents assignés par le juge dès le départ, confiés ou non au même professionnel.

Le troisième axe, qui spécialise la PJJ sur le pénal, est plus sensible...

- Il prévoit une spécialisation du secteur public de la PJJ sur les mineurs les plus difficiles, qui nécessitent la prise en charge la plus intensive, soit la catégorie des mineurs délinquants. Le législateur a voulu privilégier la prévention primaire et administrative en faisant du président du conseil général le pivot de la politique de protection de l'enfance. Il est donc logique que le secteur public de la PJJ concentre son action sur les mineurs délinquants, ses agents ayant une compétence spécifique en la matière. L'objectif est d'être capable de les prendre en charge sans délai, dès le prononcé de la mesure par le juge, en améliorant qualitativement la prise en charge. Car il y a encore trop de ruptures, de parcours chaotiques sans solutions de sortie durables, de multiréitérations qui finissent par exclure le mineur délinquant d'une trajectoire d'insertion. Afin de tenir compte de ces besoins, le décret du 6 novembre 2007 sur la structuration juridique des services va permettre de redéfinir les projets éducatifs. Pour l'hébergement, nous sommes en train de finaliser un cahier des charges national, que chaque service pourra néanmoins adapter en fonction des caractéristiques locales, des compétences de ses équipes, de son projet de service. Il sera caractérisé par une capacité de prise en charge intensive forte, c'est-à-dire par le renforcement du nombre d'éducateurs. Mais les services de l'Etat de la PJJ doivent néanmoins garder une compétence au civil, notamment quand les conseils généraux ne sont pas en mesure de faire face à leurs obligations en matière de protection administrative, ou bien lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins d'une fratrie : il est parfois pertinent, quand on intervient au pénal pour l'un des enfants d'une famille, de commencer à intervenir au civil pour ses frères et soeurs. Sans donc concentrer nos activités sur le pénal à 100 %, mais en se rapprochant de ce taux d'ici trois ans, nous poursuivons le recentrage déjà engagé depuis plus de dix ans. 70 % de l'activité du secteur public concerne aujourd'hui des mesures pénales. Plusieurs départements ont pour leur part franchi la barre des 90 ou 95 %, comme à Paris ou dans la Seine-Saint-Denis.

Cette spécialisation ne risque-t-elle pas de mettre à mal l'approche globale de la justice des mineurs et la continuité des parcours ?

- Dans la Seine-Saint-Denis, 95 % de l'activité des services de la PJJ portent sur des mesures pénales, les juges ont tous la double compétence et je n'ai pas entendu dire que la prise en charge y était moins bonne qu'ailleurs, loin de là. Certes, les interrogations sont légitimes, mais il ne faut pas partir sur de faux problèmes. J'ai eu tendance à dire que tous les mineurs en danger ne devenaient pas des mineurs délinquants, mais qu'en revanche, la plupart des mineurs délinquants avaient été des mineurs en danger. Eh bien non ! Notre « panel mineurs » montre qu'un tiers seulement des mineurs délinquants sont d'anciens mineurs en danger. Cela veut dire que notre dispositif de détection, donc de protection, n'est peut-être pas adapté. Le vrai problème est là : il y a des mineurs qui entrent directement dans la délinquance sans avoir été détectés par aucun dispositif national. Le fait de spécialiser les services de la PJJ sur du pénal aura une incidence sur le fonctionnement des services, mais par sur le parcours des mineurs, sauf à considérer que lorsqu'un mineur est protégé au civil, il va forcément devenir délinquant !

Le parcours du mineur repose avant tout sur l'articulation entre les services, la capacité à lui trouver des solutions ultérieures, notamment en insertion. La mesure d'activité de jour prise en application de la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance - nouvelle mesure éducative qui consiste dans la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire -, est l'une des réponses possibles. Mais il faut aussi favoriser la continuité des parcours pour aider le jeune qui a un jour commis un délit à quitter son étiquette de délinquant. Aujourd'hui, les services ne s'engagent pas assez pour signaler au juge que le mineur a compris son acte, l'a resitué dans le cadre de la loi, et qu'il doit être désormais accompagné, comme ceux qui sont pris en charge au titre de l'enfance en danger. Les départements où l'activité du secteur public de la PJJ est essentiellement pénale fonctionnent très bien, avec une meilleure articulation, car les rôles des uns et des autres sont clairs. On sait quand on intervient, à quel moment, pour quel type de mineur. Car il arrive aussi que la liste des infractions d'un mineur protégé au civil soit aussi longue que celle d'un mineur délinquant, le juge décidant parfois de rester sur des mesures de protection pour les premières erreurs et agissant au pénal au bout de six ou sept infractions. Mais le mineur, lui, retient la dernière, qui peut être moins grave que les précédentes. C'est là où on perd le sens de l'action ! Un autre argument contre la spécialisation au pénal est d'éviter la stigmatisation des mineurs délinquants. Mais cette dernière, qui est réelle, ne sera malheureusement pas évitée en mettant dans un même service des mineurs protégés et des mineurs délinquants.

Le dernier axe porte sur le contrôle éducatif des établissements et services...

- Cette mission concerne les 1 500 établissements et services d'investigation, de milieu ouvert et de placement de la PJJ, et au premier chef les 1 200 établissements et services habilités. Contrôlés chaque année sur le plan administratif et financier, ils le sont rarement sur leur projet pédagogique. Seuls 60 contrôles éducatifs sont réalisés par an, ce qui signifie qu'un établissement est contrôlé sur le plan global une fois tous les 20 ans ! Il nous faut donc réaliser un effort considérable pour développer l'audit et le contrôle éducatif de toutes les structures accueillant les mineurs, aussi bien au civil qu'au pénal. Ce travail permettra de fournir aux magistrats une base de données dans laquelle figurera le projet pédagogique de chaque établissement, de façon à ce qu'ils recourent à tel ou tel service en ayant une bonne visibilité de ce qu'ils peuvent en attendre. Tout comme nous n'habilitons pas ces services seuls, nous n'effectuerons pas seuls ces contrôles. Je propose donc aux conseils généraux d'auditer avec nous les associations que nous habilitons ensemble. De même, les magistrats pourront donner leur avis sur la prise en charge. Ces audits vont faire le lien entre tous les acteurs, s'inscrire dans la continuité, et non pas en concurrence, des bonnes pratiques dans le cadre de la loi du 2 janvier 2002. L'objectif est d'arriver à contrôler sur cet aspect au minimum une fois tous les cinq ans l'ensemble des établissements et des services. Notre réorganisation territoriale - la révision générale des politiques publiques nous impose de fondre six de nos régions sur les 15 dans neuf inter-régions - va nous permettre de redéployer une partie de nos cadres dans cette fonction d'audit.

Les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) sont beaucoup critiqués. L'administration a-t-elle prévu des aménagements dans leur fonctionnement ?

- Les deux premiers établissements ont ouvert au mois de juin 2007, le cinquième il y a un mois. Deux établissements vont encore ouvrir, à Porcheville (Yvelines) et à Chauconin (Seine-et-Marne). Ils représentent un mode de fonctionnement nouveau, puisque jusqu'ici existaient seulement les quartiers pour mineurs en prison, dans lesquels des éducateurs intervenaient de façon permanente depuis 2003. Dans ces quartiers, dont la capacité varie de 8 à 25 places avec l'exception du centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis et ses 60 places, la prise en charge est réelle mais insuffisante : les mineurs passent énormément de temps seuls, dans leur cellule, éventuellement face à la télévision. Le législateur a constaté que ce n'était pas la meilleure façon de se réinsérer et a décidé de la création des EPM. Aujourd'hui, on ne peut pas dire, comme l'affirment certains, que ces nouvelles structures sont des échecs. Ce dispositif fonctionne, permet à des mineurs de marquer un coup d'arrêt dans la spirale délinquante, de faire le point sur leur santé, physique et mentale, leur situation scolaire, et de commencer à envisager des solutions d'insertion. Les EPM comportent six petites unités de dix mineurs auxquelles est affecté un encadrement très important, composé de six éducateurs, d'équipes de surveillance pour chacune d'entre elles. Mais comme pour tout nouveau dispositif, des choses restent à caler. Elles s'ajustent d'ailleurs au fur et à mesure. Nous nous sommes aperçus que le programme prévu pour les mineurs était trop lourd. Il a été adapté et continue de l'être. Les deux inspections des directions de l'administration pénitentiaire et de la PJJ ont une mission permanente sur ces structures, ce qui permet d'avoir un regard distancié, mais aussi de faire remonter les bonnes pratiques : l'établissement de Meyzieu (Rhône), par exemple, a créé une unité de prise en charge éducative intensive, où quatre à six mineurs sont accueillis par six éducateurs. L'objectif est de prendre en charge des jeunes qui rencontrent de vraies difficultés avec le collectif, de leur permettre de poser avec un adulte l'ensemble de leurs problèmes et de les réaccompagner progressivement vers les activités éducatives et socioculturelles au sein de l'EPM. Nous ferons un bilan complet de l'ensemble des établissements après un an de fonctionnement, à la fin du premier semestre, mais cela ne nous empêche pas d'adapter progressivement le cahier des charges et de laisser une liberté d'initiative aux équipes. Faire travailler ensemble des éducateurs, des surveillants, des enseignants, des professionnels de santé ne va pas de soi dans notre pays. Mais le binôme éducateur-surveillant, si critiqué, est une bonne chose : il s'agit d'un binôme dans la complémentarité, pas dans la similitude. L'éducateur doit être présent dans la prise en charge à l'intérieur de l'EPM, mais il doit en plus préparer la sortie du jeune avec les services qui pourront l'accueillir à l'extérieur, de façon à ce qu'il n'ait pas une marche trop haute à franchir à l'issue de la détention. Une autre de ses missions est de travailler à l'aménagement de la peine des mineurs condamnés, afin qu'ils passent le moins de temps possible en prison.

La durée d'incarcération des mineurs est généralement courte. Peut-on dire qu'elle permet un projet de réinsertion ?

- Elle est en moyenne d'un trimestre. Il est vrai que l'on ne peut pas faire de travail de fond avec un mineur qui va passer moins d'un mois en EPM, mais on peut faire un bilan scolaire, de santé et préparer la sortie. Comment en effet imaginer qu'un mineur plongé dans la détention va être en mesure, dans un délai relativement court, d'assimiler les conséquences de son acte vis-à-vis de lui et de sa victime et en même temps de se projeter dans l'avenir ? En revanche, il appartient à l'adulte de travailler durant le temps de sa peine avec les services qui, dès la sortie, vont pouvoir préparer ou finaliser son projet de réinsertion. Ou, si ce dernier est prêt, de proposer un aménagement de peine en donnant un sens à cette action, c'est-à-dire en demandant au jeune de s'engager sur ce projet pour retrouver sa place dans la société. Car personne, ni à la DPJJ, ni à l'administration pénitentiaire, ne pense que la place d'un mineur est derrière les barreaux. En revanche, aucune démocratie n'a vécu sans prison. Et si certains pays d'Europe n'emprisonnent plus leurs mineurs, ils les mettent dans des centres desquels ils ne peuvent pas sortir.

Le premier bilan des CEF (centres éducatifs fermés) montrait que les services de suite n'étaient pas satisfaisants. Des améliorations ont-elles été apportées depuis ?

- Cela reste le sujet principal, même si aujourd'hui, ce dispositif est un succès : 61 % des mineurs pris en charge ne réitèrent pas alors qu'en prison, 69 % sont multirécidivistes ou multi-réitérants. Je suis allé inaugurer officiellement le CEF de Soudaine-la-Vinadière, dans la Corrèze. J'ai été très agréablement surpris de constater que les artisans des villages environnant accueillent les jeunes pris en charge en apprentissage et leur permettent même de retrouver des racines qu'ils peuvent avoir perdues ailleurs. Les CEF donnent de bons résultats, même s'ils ne peuvent répondre à toutes les situations. La ministre a en outre demandé de renforcer le volet santé mentale de ces structures, de façon à ce qu'elles disposent d'un psychiatre en mesure de détecter les problèmes, de définir la prise en charge nécessaire et de dialoguer avec les intersecteurs de pédopsychiatrie. La ministre a voulu mener cette expérience sur cinq CEF expérimentaux, avant de la généraliser. Ces échanges permettront de mieux travailler dans la confiance avec les hôpitaux : lorsqu'on leur adresse un mineur, ce n'est pas pour s'en décharger, comme ils le craignent parfois, mais pour trouver le relais nécessaire à une prise en charge sanitaire adaptée.

Après l'ouverture des CEF et des EPM, quels moyens pour le milieu ouvert ?

- Les moyens du milieu ouvert ont augmenté : ils mobilisaient 3 237 équivalents temps plein en 2005, 3 194 en 2006 à cause des départs à la retraite et en mobiliseront 3283 en 2008 (2). En cinq ans, le délai moyen de prise en charge au pénal a diminué de 20 % pour l'hébergement collectif, dont l'activité a crû de 80 %, et est resté à peu près stable (de 52 à 50 jours) pour le milieu ouvert, dont l'activité a dans le même temps augmenté de 44 %. En 2002, il y avait dans le service public de la PJJ 7 500 personnels. Fin 2007, nous étions 8 900. Y a-t-il 1 400 personnels dans les cinq CEF publics et les cinq EPM ouverts aujourd'hui ? Il est clair que l'ensemble des crédits consacrés aux CEF et aux EPM est venu en plus des crédits supplémentaires attribués à la PJJ. Où a-t-on trouvé les financements ? Sur la prise en charge des jeunes majeurs, dont le budget est passé de 100 à 50 millions d'euros. Je vois dans les tracts syndicaux que les crédits octroyés aux CEF représentent autant d'argent qui ne va pas au milieu ouvert. Cela représente aussi autant de mineurs qui ne sont pas en détention. Sur les 1 400 mineurs passés en CEF, six sur dix ne réitéreront pas ou ne connaîtront pas la prison. Est-ce que cela ne vaut pas la peine de quitter de vieux concepts, qui ont leur pertinence, mais pas dans tous les cas ?

Mais certains foyers d'action éducative ferment...

- Ce sont des restructurations ou des redéploiements. L'un des foyers concernés prenait 1,25 mineur en charge par an. Est-ce un établissement dont on peut considérer qu'il remplit sa mission ? Le fonctionnement de l'équipe et des problèmes immobiliers faisaient que les magistrats refusaient d'y placer des mineurs. Nous avons pris la décision de le fermer pour renforcer le foyer voisin qui, lui, manquait d'éducateurs, et qui est désormais en capacité d'accueillir huit à dix mineurs. Sachant que l'objectif des établissements de placement éducatif créés par le décret sur la structuration juridique des services est d'arriver à une capacité de 12 places, avec des prises en charge diversifiées.

Où en êtes-vous dans la réforme de l'ordonnance de 1945 ?

- La ministre va installer un groupe de travail dans les semaines qui viennent pour la rendre plus lisible, mettre en cohérence les 31 retouches qu'elle a déjà subies, de manière compréhensible pour les mineurs et les familles. Les jeunes ne comprennent pas forcément le sens de la décision judiciaire : quelle différence pour eux entre une mesure de réparation ou un travail d'intérêt général, qui est une peine ? Ils ne le savent pas toujours, car dans la pratique, cela revient à peu près à la même chose. D'autre part, qu'est-ce qu'un mineur peut comprendre quand l'addition tombe après le vol d'un pack de Coca et qu'il est incarcéré alors qu'il avait auparavant arraché le sac d'une dame ? Il faudrait sans doute clarifier la gradation des sanctions. Reste que la prison n'est jamais une bonne chose et qu'il faut s'interroger sur le rôle qu'elle doit tenir dans le parcours du jeune, au lieu de la considérer comme une fin de parcours. Si elle est décidée par les magistrats parce qu'ils l'ont jugée nécessaire, ne doit-on pas d'emblée l'inscrire dans un travail sur la réinsertion au lieu de se poser la question de l'avenir du jeune une fois qu'il est derrière les barreaux ? Ne pourrait-on pas éviter qu'elle soit effective en prévoyant des aménagements de peine ab initio, c'est-à-dire dès le début de l'exécution d'une peine ? Par ailleurs, il y a aujourd'hui en prison deux tiers des mineurs prévenus, un tiers des condamnés. Pour les adultes, c'est l'inverse, est-ce normal ?

En clair, la solution passerait par un durcissement des réponses, mais aussi par plus d'efforts sur la réinsertion ?

- C'est là que l'on retrouverait le sens de l'éducatif. Ne pas avoir seulement une sanction qui tombe, mais une sanction qui s'inscrit dans un parcours et qui a un sens pour le mineur.

La mise en oeuvre des réponses éducatives n'a-t-elle pas surtout jusqu'ici buté sur un manque de moyens ?

- Si je demande 800 éducateurs pour la loi de finances 2009, ils me seront accordés au 1er janvier 2009. Les concours seront publiés en avril pour une intégration à l'école en septembre et une arrivée des éducateurs en septembre 2009. Doit-on se croiser les bras en attendant ? Je vais demander les moyens nécessaires, mais en attendant, utilisons le plus intelligemment possible tout ce que nous avons à notre disposition. Nous sommes sur une matière où la certitude est dangereuse mais en même temps, il faut un peu de conviction sinon on n'arrête pas de s'interroger et on ne bouge plus. Soyons pragmatiques.

Notes

(1) Voir ASH n° 2535 du 14-12 -07, p. 18.

(2) Entre 2005 et 2008, le nombre d'équivalents temps plein passera de 51 à 169 en CEF (+ 70 %), de 2 279 à 2 179 en hébergement classique (- 4,6 %), de 744 à 822 en insertion (+ 9,5 %), de 1825 à 2 170 dans les « fonctions support » (+ 15,9 %). Il y aura 283 équivalents temps plein en EPM en 2008.

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