Les réseaux de l'insertion par l'acti vité économique ont décidé de perturber le large consensus entourant le « Grenelle de l'insertion » en tapant du poing sur la table. A quoi bon, ont fustigé de concert le Réseau Tissons la solidarité, le Réseau Cocagne, le Synesi - syndicat d'employeurs -, Chantier école, le Coorace et le Secours catholique (1), mobiliser les acteurs pour réfléchir à la refondation des politiques d'insertion si, en même temps, on leur coupe les vivres ? Reçus le 18 février par les cabinets de Christine Lagarde, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, et de Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, ils ont demandé des solutions d'urgence.
Première attaque dénoncée : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a supprimé, à partir du 1er janvier, l'exonération des cotisations patronales d'accident du travail pour les contrats d'avenir et d'accompagnement dans l'emploi. Alors que les groupements d'employeurs échappent à la mesure, le parlement a « oublié » les ateliers et chantiers d'insertion (ACI), déplorent les réseaux. L'effet ne s'est pas fait attendre pour ces structures, qui ont accusé une augmentation de leurs charges de 2 à 6 % en moyenne. Sur ce point, les associations ont obtenu du gouvernement qu'une solution soit trouvée dans les prochaines semaines, explique Nathalie Hanet, secrétaire générale du Coorace : « Il s'agirait de négocier avec la caisse nationale d'assurance maladie un taux de cotisation unifié pour les ACI, quelle que soit leur activité, et qu'il soit intégré dans l'assiette de prise en charge du coût du travail par l'Etat. »
Les associations se sont aussi inquiétées de réductions de crédits constatées dans les régions. Car si elles ont obtenu le maintien du volume des contrats aidés pour les ACI, malgré une diminution globale de 350 000 à 230 000 des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non marchand, les directions régionales de l'emploi conservent une totale liberté dans leurs arbitrages budgétaires. Ce qui entraîne certaines inégalités. Les réseaux ont ainsi signalé des diminutions de taux de prise en charge des contrats, « même si la remontée des arrêtés préfectoraux demandée par les ministères montrent qu'ils restent compris entre 90 % et 105 % », souligne Nathalie Hanet. Leurs craintes sur la réduction du volume hebdomadaire ou de la durée des contrats ont en revanche été bien confirmées. Dans les Pays-de-la-Loire, par exemple, « la prise en charge pour les jeunes suivis dans le cadre du contrat d'insertion dans la vie sociale a été limitée à neuf mois », alors que 12 à 24 mois permettent un meilleur accès à une formation qualifiante ou à une première expérience professionnelle.
Ces révisions à la baisse pénalisent directement les personnes accompagnées. « Décider de diminuer une prise en charge de 26 heures hebdomadaires à 20 heures contraindra les employeurs des chantiers à réduire le temps de travail et ainsi le revenu du salarié en parcours », regrettent les associations. Ces derniers « travailleront donc moins, gagneront moins, et se situeront bien en deçà du seuil de pauvreté ». Sans compter que le raccourcissement de la durée des contrats est clairement antinomique avec la nécessité, désormais admise, de prolonger les parcours d'insertion.
Si les réseaux ont reçu des engagements sur le maintien des crédits consacrés à l'IAE en 2008, l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et des organismes privés, sanitaires et sociaux) et l'UNAF (Union nationale des associations familiales), elles, s'inquiètent de ce qui pourrait advenir pour les associations de lutte contre les exclusions ne relevant pas de ce secteur. Dans une contribution au groupe de travail du « Grenelle de l'insertion » sur la mobilisation des employeurs, les deux associations demandent « que les moyens financiers alloués aux contrats aidés dans le secteur non marchand soient maintenus », au moins jusqu'à la clôture du Grenelle et à la mise en place des mesures proposées à l'issue de cette négociation. Elles souhaitent également « que des crédits supplémentaires et indépendants d'accompagnement et de formation soient attribués dans le secteur non marchand pour que celui-ci puisse atteindre d'aussi bons résultats en matière de réinsertion durable que le secteur marchand, bien qu'il accueille des publics plus éloignés de l'emploi ».
(1) Chantier école : Jean-Pierre Caillon -