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Plan banlieues : « Un «décret de bonne volonté» ne suffira pas ! »

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S'il a le mérite d'exister, le plan présenté par Nicolas Sarkozy ne rompt toujours pas avec les politiques précédentes, estime François Dubet, sociologue, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et signataire, avec un collectif de sociologues qui travaillent sur les banlieues populaires, d'un texte intitulé « Halte au gâchis des «plans banlieues» » (1).
Pourquoi ce pessimisme face au « plan banlieues » ?

Réjouissons-nous d'abord a minima que l'on s'intéresse de nouveau aux banlieues, que l'on réinstaure une police de proximité, que l'on redonne un peu d'argent aux associations. Jusqu'aux émeutes de Villiers-le-Bel, en novembre dernier, on ne désignait plus la banlieue que par ses « bandes », sa « racaille ». Le plan m'inspire donc non pas de l'hostilité, mais du scepticisme, de la lassitude. Après des déclarations fracassantes sur une politique de rupture, on s'apprête à refaire ce que l'on fait depuis 30 ans ! L'éducation, l'emploi des jeunes et le désenclavement étaient déjà des priorités depuis le milieu des années 80. Pourtant les mesures mises en place ont été décevantes car elles se sont heurtées au fonctionnement des institutions : les dispositifs scolaires sont par exemple associés à l'école, mais ils ne la réforment pas. Ils donnent des moyens supplémentaires mais ne changent pas son organisation. Sans oublier le problème de fond : la structure de la ville elle-même. Les mécanismes qui creusent les écarts entre les communes riches et les communes pauvres ne sont pas refrénés, pas plus que ceux qui empêchent la mixité sociale, un beau principe, mais que l'on veut toujours voir appliqué chez les autres. On a l'impression que rien n'a été fait jusqu'à présent. En vérité, on s'est arrêté d'agir lorsque l'on s'est heurté au noyau dur des systèmes et des fonctionnements institutionnels.

Certains parlent d'assistanat et d'abandon en évoquant la politique de la ville. Ce procès est-il justifié ?

On peut être indulgent à l'égard de tous les ministres de la Ville qui se sont succédé ! On leur a toujours renvoyé que l'Education, la Justice ou encore les Transports n'étaient pas de leur ressort. La politique de la ville n'intervient qu'à la marge des grands mécanismes sociaux qui fabriquent de l'exclusion, de la ségrégation, et a fini par devenir un empilement de dispositifs, sans rien réformer. Assistanat ou abandon, cela revient au même ! Dans certains quartiers populaires, les habitants vivent essentiellement des revenus sociaux, auxquels ils n'arrivent pas à échapper. C'est comme si on leur disait : on vous empêche d'avoir faim, cela doit suffire à vous satisfaire ! Ce qui procure forcément un sentiment d'abandon. Un simple «décret de bonne volonté» ne suffira pas à inverser la donne. Le problème, c'est que construire une politique publique globale en faveur des quartiers n'a jamais été une priorité. Elle se heurterait à beaucoup de résistances pour finalement profiter à un faible pourcentage de la population, qui pèse peu dans l'électorat...

Ne faut-il pas améliorer la vie dans les quartiers plutôt que de proposer aux plus méritants d'en sortir ?

La question est très compliquée. Quand des enfants éprouvent le désir de bien réussir, il est évident que les laisser étudier dans certaines écoles est un obstacle. Leur donner la chance de s'éloigner est une solution, qui aura néanmoins pour conséquence de renforcer les inégalités. La bonne politique serait à la fois d'accorder les moyens - pas uniquement financiers, mais aussi de transformation -, de restaurer une égalité de traitement pour les quartiers, tout en n'empêchant pas ceux qui le souhaitent d'en partir. Il y a 40 ans, les cités étaient vivables car les gens étaient de passage. Certaines villes rencontrent des difficultés, mais les habitants s'y plaisent toutde même car ils ne se sentent pas assignés à résidence. On peut à la fois améliorer la qualité de vie des quartiers tout en considérant que leurs habitants n'ont pas à y être enfermés, sous peine de générer un sentiment de relégation et de haine.

Les habitants ne souffrent-ils pas aussi d'un manque de reconnaissance politique ?

Ils sont réduits à l'état de problèmes sociaux, comme si le chômage, la délinquance étaient généralisés, sans un regard nuancé par certaines réussites locales. Cette image est le résultat d'une construction conjointe, par les médias, les politiques, mais aussi par les associations, qui d'une certaine façon ont intérêt à jouer cette carte pour légitimer leur travail. Du coup, tout le monde parle à la place des habitants. Il suffit de constater leur incroyable silence pendant les émeutes ! Il faudra aussi se décider à résoudre une contradiction : peut-on continuer à concentrer des communautés dans certains endroits tout en niant leur présence citoyenne dans la vie politique ?

Notes

(1) Sur http://blog.claris.org.

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