« Consolider la médiation, c'est d'abord la reconnaître pour ce qu'elle est et arrêter de la définir par défaut », lance Jean Mardikian, président du groupement d'employeurs Omega, une structure de médiation sociale intervenant sur la communauté d'agglomérations du Grand Angoulême. Apparues à la fin des années 80, initiées d'abord par des associations de quartier, bientôt relayées par des sociétés de transports publics, des services publics et des collectivités territoriales, les pratiques de médiation sociale se sont en effet développées de façon hétérogène, en s'appuyant sur les divers programmes d'emplois aidés, les contrats de ville ou les contrats locaux de sécurité. C'est ainsi que, sous la même appellation de « médiation », on a vu se développer différentes expériences (correspondants de nuit, agents d'ambiance dans les transports, agents de prévention dans les espaces publics, médiateurs sociaux et culturels, agents de médiation bancaire, femmes-relais...), sans que l'on ait de mesure exacte de leur efficacité.
D'où la nécessité d'évaluer les apports d'une pratique, relativement récente, qui cherche encore sa place entre le sécuritaire et le social. La délégation interministérielle à la ville (DIV) et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en avait même fait une priorité lors d'un colloque organisé conjointement en 2005 sur la médiation sociale (1). Formaliser la lisibilité et la visibilité de cette pratique était également l'une des préconisations formulées un an plus tard par le groupe de travail piloté par la direction générale de l'action sociale (DGAS) et chargé de réfléchir aux pistes de professionnalisation (2). L'enjeu de l'évaluation est d'autant plus important que les structures de médiation commencent à être mises en concurrence et à devoir répondre à des appels d'offres. Des entreprises privées et des sociétés de sécurité s'intéressent désormais à ce champ. Il y a donc urgence, ne serait-ce que pour sa survie, à ce que la médiation sociale puisse démontrer sa plus-value sociale et économique sur les territoires.
C'est ainsi qu'une démarche d'évaluation de grande ampleur de l'utilité sociale de cette pratique a été initiée en janvier 2007 par cinq importantes structures de médiation : le groupement d'employeurs Omega, l'ADEMN (Association pour le développement de l'emploi et les métiers nouveaux) « médiation sociale » de Lille, le GIP (Groupement d'intérêt public) Chalon « sécurité-prévention éducative » de Chalon-sur-Saône, l'Associa-tion de médiation sociale de Marseille et l'Agence municipale de médiation de Niort. Le rapport final de cette étude, soutenue financièrement par la DIV, l'Agence nationale de la cohésion et de l'égalité des chances, la DGAS et le Fonds social européen et dont les résultats ont été présentés, lors d'un colloque, le 12 décembre 2007 à Angoulême (3), vient d'être bouclé (4).
« L'objectif a été de construire des outils d'évaluation communs aux différents métiers de la médiation afin d'en démontrer l'utilité sociale. Ces outils ont ensuite vocation à être diffusés à l'échelle nationale et à servir aux décideurs et responsables opérationnels pour mesurer les résultats et l'impact des différentes démarches entreprises sur leurs territoires », explique Jean Mardikian. Les cinq structures ont donc validé un référentiel commun d'évaluation, simple et exploitable par toutes les structures par delà leurs différences d'approche et la diversité des contextes locaux. « Nous avons cherché à obtenir des indicateurs de réalisation : qu'est-ce que la médiation produit concrètement et quels sont ses effets ? Avec cette difficulté que le médiateur n'intervient pas seul et qu'il assure l'interface entre les habitants et les institutions ou les services sociaux. L'enjeu a donc été de distinguer ce qui est propre aux médiateurs de ce qui relève du partenariat », explique Hélène Duclos, une des consultantes ayant participé à l'opération. A cette fin, une palette d'activités communes aux différentes structures étudiées a été retenue (5)
Premier constat : la médiation occupe désormais une place spécifique dans les territoires. « Au début, on avait coutume de dire qu'il s'agissait d'un métier qui s'inscrivait dans les interstices d'autres métiers. On n'en est plus là aujourd'hui, affirme Laurent Giraud, directeur général du groupement d'employeurs Omega. Le médiateur a acquis un positionnement clair, avec des missions définies, qui s'appuient sur des référentiels emplois. »
Si les médiateurs voient donc leur place clarifiée, leurs tâches ont aussi considérablement évolué. Aujourd'hui, la présence active de proximité au travers de tournées organisées sur l'espace public afin d'aller au-devant des habitants, de rassurer, prévenir, informer et orienter représente près d'un tiers de leur temps, contre... plus du double, il y a encore cinq ans. Par ailleurs, leurs pratiques se sont progressivement élargies et contribuent désormais à la cohésion sociale, au point que celle-ci soit devenue l'objectif prioritaire de certaines structures. Ce mouvement s'accompagne d'une inscription plus forte des intervenants dans la vie des quartiers à qui l'on demande, par exemple, de détecter les situations d'urgence sociale (deux des cinq dispositifs étudiés participent à des maraudes dans le cadre du plan grand froid) ou de renforcer la concertation entre les citoyens et les institutions publiques.
Les médiateurs sont également fortement sollicités en raison de leur capacité à apaiser les conflits entre les habitants d'un quartier. « Nous sommes dans des sociétés très aseptisées dans lesquelles le conflit fait peur. Le médiateur en a tiré des compétences remarquables, analyse Laurent Giraud. Aujourd'hui, on le choisit pour aller faire sur le terrain ce que les autres ne font pas, car plus personne ne sait gérer ces problématiques. » Ainsi, les médiateurs interviennent de plus en plus souvent pour régler des conflits de voisinage, avec d'ailleurs de très bons résultats. L'étude relève un taux de réussite qui va de 60 % (quand il s'agit simplement de faire la navette entre les deux protagonistes) à 85 % (quand l'intervenant est mandaté pour organiser une table ronde, débouchant sur un protocole d'accord signé par les parties).
Cette compétence est très appréciée par certains bailleurs sociaux : en contractualisant avec les structures de médiation pour aplanir les conflits entre locataires, ils ont vu le nombre de plaintes divisé par deux. De même, certains fournisseurs d'énergie recourent à la médiation lorsqu'ils repèrent des clients en rupture de paiement. A Angou-lême, par exemple, EDF fait appel à l'association Omega pour gérer les dossiers d'usagers avec lesquels elle n'a plus de contact. Tiers extérieurs, les médiateurs peuvent discuter avec les habitants et trouver des solutions adaptées à chaque cas. Ils peuvent également faire remonter à EDF des situations difficiles, voire aider à monter des dossiers « solidarité ». En fait, résume le rapport, la médiation jette un pont très étroit entre la tranquillité publique - qui a longtemps justifié son développement dans le cadre des contrats locaux de sécurité et qui repésente près de 60 % des motifs de saisine - et la cohésion sociale, « car un conflit bien géré substitue aux rapports de violence du lien social ».
En outre, observe Vincent Guéry, directeur du GIP Chalon « sécurité-prévention éducative », « ce redéploiement de la médiation sur des tâches connotées plus «sociales», telles que la création ou la restauration de liens entre les habitants, la facilitation des rapports avec les institutions, la concertation..., a paradoxalement renforcé l'efficacité des dispositifs existants en matière de tranquillité publique ». Ces nouvelles tâches ont en effet permis au médiateur de ne plus se cantonner seulement dans l'espace public, mais d'investir aussi les transports (métro, bus), les résidences privées par le biais de sollicitations en matière de conflits, les abords des établissements scolaires...
A travers cet enjeu de tranquillité publique, il s'agit de donner du sens aux règles sociales et de lutter contre la banalisation des incivilités et le sentiment d'impunité qu'elle génère. A Lille, par exemple, les médiateurs intervenant dans le métro sont formés pour rappeler, le cas échéant, les règles collectives aux voyageurs en mettant en avant la citoyenneté et la gêne qu'ils peuvent occasionner. En dernier recours, ils les avertissent sur les conséquences du refus d'obtempérer, sans se départir de leur position de neutralité. Cette politique s'est traduite par une progression du sentiment de sécurité dans les transports lillois de huit points en quatre ans, estiment les auteurs du rapport, qui repèrent des résultats similaires sur d'autres sites. A Marseille, par exemple, le dispositif « médiation de proximité », mis en place aux abords des collèges, « a permis une diminution de 35 % des tensions et des incivilités ». Sur les cinq sites étudiés, la baisse globale des incivilités et des dégradations est estimée à 30 %. La réduction considérable des secondes, selon les statistiques des communes, relève « du simple fait de leur signalement systématique et de l'amélioration des délais d'intervention des services techniques ».
70 % des habitants des quartiers couverts par les dispositifs de médiation estiment qu'il y a moins de dégradations et 80 % de ceux qui ont fait appel aux médiateurs pour résoudre un conflit se disent satisfaits de la solution trouvée. Mais surtout, l'un des principaux apports de la médiation tiendrait à sa « capacité collective accrue à gérer les tensions ». Plus de la moitié des personnes interrogées indiquent ainsi que les médiateurs ont changé leur manière de réagir en cas de conflit. Un sentiment qui concerne aussi les autres professionnels du quartier (travailleurs sociaux, policiers, gardiens d'immeuble...) qui, « par capillarité, s'approprient ce type d'approche ».
Enfin, en intervenant là où d'autres acteurs ne vont plus, les médiateurs participent à l'analyse sociale des territoires. Ils « recueillent des informations qui les amènent à rendre compte de l'évolution des tensions sur les quartiers. Les institutions sont devenues très demandeuses de cet éclairage de terrain. Toutes valorisent cette observation sociale, ne serait-ce qu'en termes de connaissance des publics et de meilleur pronostic social », se félicite Vincent Guéry.
Les résultats de cette enquête confortent donc la place des acteurs de la médiation sociale. Une place aujourd'hui souvent incertaine du fait des hésitations des collectivités locales et nationale à investir plus avant dans ce champ. « L'évaluation de l'utilité sociale de la médiation sur nos territoires va nous permettre de convaincre ceux qui ne le sont pas encore et surtout de mutualiser avec nos partenaires - l'Etat, les bailleurs, les transporteurs et pourquoi pas les assureurs et les autres acteurs de la ville - les moyens nécessaires à la poursuite de cette activité devenue indispensable », espère ainsi Philippe Mottet, maire (UMP) d'Angoulême.
Pour autant, si la médiation sociale apparaît renforcée dans sa légitimité, bon nombre de questions, qui se posent depuis les origines, demeurent. A commencer sur l'utilisation qui peut en être faite. Comme le remarque Jacques Salzer, chercheur et formateur en gestion des conflits et en médiation, « si la masse des conflits non résolus nous montre que l'on a besoin de la médiation, encore faut-il réaffirmer que la résolution des questions de fond qui assureraient la paix sociale ne tient pas qu'aux personnes en conflit. Les problèmes d'école, d'habitat, de travail et de place pour chacun, y compris dans leurs retentissements familiaux, ne relèvent pas que de la médiation, mais de l'ordre politique et des choix de systèmes qui retentissent sur les personnes. » Faute de cette réaffirmation, estime ce chercheur, le « risque social » serait bien que la médiation serve, au gré des politiques et des collectivités, « à ne pas agir autrement » et à pérenniser les sources de dysfonctionnement. Or « la médiation est féconde si elle permet aussi des réformes de fond ».
En outre, la question de ses financements, et de leur instabilité, continue de diviser. Pour Jean-Pierre Balduyck, maire de Tourcoing (PS) et président d'honneur du Forum français pour la sécurité urbaine, le rôle d'apaisement qu'ont eu les médiateurs lors des émeutes de 2005 fait de cette pratique un incontestable outil de prévention. « Et si les communes peuvent financer la médiation dans les transports en commun ou sur des lieux publics, l'Etat a aussi un rôle en matière de prévention. Celui-ci doit donc s'engager sur des financements pluriannuels qui nous permettront de reconquérir nos quartiers par des actions de médiation. »
Il n'en demeure pas moins que l'Etat représente encore le premier financeur des actions de médiation. Sur les 5 500 à 6 000 postes de médiateurs sociaux recensés fin 2007, il en finançait 4 000 via une enveloppe de 90 millions d'euros consacrée au dispositif des adultes-relais. Pourtant, il est loin d'être le seul concerné. Associations, transporteurs publics, municipalités, bailleurs sociaux, établissements scolaires, assureurs, fournisseurs d'énergie, police..., les comman-ditaires de la médiation se sont multipliés ces dix dernières années. « Cette question du financement s'adresse un peu facilement à l'Etat, comme au sein de l'Etat elle s'adresse un peu facilement à la politique de la ville, s'agace Yves-Laurent Sapoval, délégué interministériel à la ville. Il faut replacer les choses dans un contexte plus large. Quand on voit que certaines collectivités ou certains employeurs demandent le renouvellement de leurs postes d'adultes-relais au terme de trois ans de convention, on peut s'étonner qu'avec une telle reconnaissance de l'utilité de ces emplois, ceux-ci ne soient pas portés pleinement par la structure. »
Comment alors assurer la pérennisation de la médiation sociale ? Le rapport d'évaluation identifie trois « facteurs clé » pour que cette pratique « produise effectivement de l'utilité sociale ». Tout d'abord clarifier davantage le positionnement des structures de médiation, ce qui suppose qu'elles réfléchissent à leur projet et formalisent mieux leurs relations avec les commanditaires. Antonio Furtado, directeur technique « projets et exploitation » à l'ADEMN à Lille, explique ainsi définir « un cahier des charges intégrant des objectifs à atteindre ainsi que des indicateurs de résultats évalués d'un point de vue social, mais également économique, tel que la réduction du coût de réparation du mobilier urbain ». De même, le rapport insiste sur la nécessité d'un « positionnement juste » du médiateur, c'est-à-dire adapté à sa mission et connu par les habitants. « La relation potentiellement délicate avec les forces de répression doit être claire dans le discours des dirigeants et aucun acte ne doit venir le contredire sous peine d'annihiler tous les efforts entrepris », ajoute-t-il. Deuxième facteur clé : l'établissement d'un partenariat « serré » entre les structures de médiation et les différents acteurs. Une articulation étroite est en effet nécessaire pour donner toute son efficacité à l'action du médiateur, qui intervient souvent en amont des autres opérateurs ou coconstruit avec eux et les habitants des solutions. A cela s'ajoute l'intérêt pour les structures de valoriser l'impact social et économique de leur action en s'engageant dans des démarches d'évaluation. Enfin, troisième facteur clé : la reconnaissance des médiateurs, embauchés souvent en contrat à durée déterminée ou sur des emplois aidés, et faiblement rémunérés. Reconnaissance qui passe notamment par des facilités d'accès à des formations diplômantes et par des parcours de professionnalisation.
Sur ce point, les pistes suivies au ministère du Logement et de la Ville visent à « créer un tronc commun à tous les acteurs de la médiation (sociale, familiale, pénale...) et à développer un triple référentiel de formation dans le registre de la communication, de la prévention et de la régulation des conflits. Il s'agit également de créer des passerelles avec d'autres métiers du lien social », explique-t-on au cabinet de Christine Boutin. Le rapport du groupe de travail piloté par la DGAS proposait également en 2006 d'organiser des parcours professionnels pour les média-teurs et, notamment, de leur permettre d'accéder à des emplois de l'animation et du travail social (moniteur-éducateur, éducateur spécialisé, assistant de service social, conseiller en économie sociale et familiale).
Réagissant à ce document, le Conseil supérieur du travail social (CSTS) avait effectivement jugé nécessaire d'offrir à ces intervenants un accès aux qualifications du travail social. Il déplorait néanmoins la multiplication des certifications autour de la médiation sociale organisées par les ministères de l'Education nationale, de l'Emploi et des Affaires sociales, voire par des universités, au lieu d'utiliser les formations diplômantes existantes. Toutefois, insiste François Roche, membre du CSTS, « au-delà des aspects communs en compétences et en pratiques, il reste deux différences nettes entre le travail social et la médiation : le premier a pour finalité d'aider le sujet à développer ses capacités, alors que la seconde est une démarche au service de la tranquillité publique ; le premier s'appuie sur des principes solides, des formations et des classifications établies, alors que la seconde a institué des personnes à qui elle ne peut souvent proposer que des miettes de formation et des statuts précaires ».
61 % des médiateurs relèvent du secteur associatif, 27 % de structures municipales, 12 % de structures diverses.
Les travailleurs sociaux sont à l'origine dans 59 % des situations de la saisine des médiateurs, lesquels les relaient dans 70 % des cas.
Concernant le niveau d'origine : 9 % des médiateurs sont sans diplôme, 54 % ont un niveau IV ou V, 34 % ont un diplôme de niveau BAC + 2 à BAC + 5. Une fois en poste, 20 % ont suivi des formations lors de l'entrée dans la fonction, 46 % des formations diplômantes ou non diplômantes en relation avec la médiation, 8 % ont préparé des concours.
Selon l'enquête de l'IFOP publiée en juin 2005 et réalisée à la demande de la DIV et du CNFPT.
Afin de donner une définition européenne de la médiation sociale, un groupe d'experts de 12 pays de l'Union s'est réuni en 2000 sous l'égide du ministère français de la Ville et de la DIV (délégation interministérielle à la ville) (6). A l'issue de leurs travaux, il l'a définie comme un « processus de création et de réparation du lien social et de règlement de conflits de la vie quotidienne, dans lequel un tiers impartial et indépendant tente, à travers l'organisation d'échanges entre les personnes ou les institutions, de les aider à améliorer une relation ou de régler un conflit qui les oppose ». Cependant, ces experts ont souligné que, dans la réalité, la plupart des initiatives développées en France sous le terme de « médiation sociale » ne remplissaient pas les conditions d'impartialité ou d'indépendance attendues, « car elles sont portées par des institutions (collectivités locales, sociétés HLM, sociétés de transport) ». Toutefois, si elles ne correspondent pas exactement à la définition globale de la médiation sociale, « elles poursuivent les mêmes objectifs, en recourant également à l'intervention d'un tiers [le médiateur] ».
Dans la foulée, une étude de la DIV et du Centre national de la fonction publique territoriale a quant à elle cherché à repérer, en 2004, les activités « coeur de fonction » permettant de définir « un socle commun de compétences pour l'ensemble des médiateurs » (7). Au titre des éléments permettant de distinguer l'intervention de médiation sociale « d'autres pratiques professionnelles inscrites dans la proximité », ce rapport cite en premier lieu « l'écoute et la prise en compte de l'ensemble des parties en présence » dans le traitement d'un conflit, que ce soit la population ou les institutions locales. Cette position de tiers qu'adopte alors le médiateur l'oblige à « une relative neutralité vis-à-vis de la question à traiter » et au « respect des différentes parties en présence ». Autre point clé : l'intervention du médiateur demeure essentiellement généraliste. « Il n'existe pas de publics cibles définis par des dispositifs, contrairement aux travailleurs sociaux, mais des relations directes et de proximité avec les personnes, les groupes ou les institutions concernées ». Dans ce contexte, l'autorité du médiateur repose essentiellement sur la parole et la capacité « librement conférée par les personnes » à restaurer une communication entre les parties en présence. Son intervention vise essentiellement à expliciter les règles de la vie collective, « en travaillant sur le sens et les valeurs liés à ces règles », et en tentant de maintenir son impartialité dans les litiges et les situations conflictuelles.
Selon cette étude, la médiation sociale vise, par conséquent, « à faire émerger de nouveaux modes de traitement des dysfonctionnements ». En ce sens, elle n'a pas pour finalité de ne s'intéresser qu'aux seuls conflits. « Elle a aussi à prendre en compte plus largement l'ensemble des modalités permettant de restaurer des relations de sociabilité ou de voisinage, voire de faciliter l'insertion de populations dont les valeurs et les modes de vie sont différents, dans le cadre d'un ancrage territorial. »
De ce fait, le médiateur social ne peut travailler seul. Ses interventions s'inscrivent nécessairement « dans une démarche de coopération avec les différentes institutions en présence, autour d'un projet et dans un territoire donné ». Les solutions ou les évolutions de situations se construisent « grâce à l'appui des autres acteurs locaux vers lesquels les médiateurs orientent des demandes qu'ils ne sont pas légitimés à traiter ». Enfin, l'étude remarque que toutes ces compétences s'articulent sur « des principes d'action et une déontologie » étroitement liés au terrain, « qui ne sont pas encore légitimés par des formations diplômantes », à l'inverse de professions établies du travail social. « Ces principes restent ainsi à conforter dans une logique de professionnalisation et méritent d'être traités en tant que tels dans la formation continue des médiateurs. »
M. P.
Si une majorité des médiateurs sociaux travaillant dans les collectivités territoriales ont vu leurs emplois pérennisés après la disparition des emplois jeunes, c'est au prix d'un paradoxe que pointe Yves Nantiaux, délégué du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). « Les médiateurs ont peut-être moins de formation aujourd'hui qu'ils n'en avaient au moment des contrats emplois-jeunes, où des dispositifs de professionnalisation étaient prévus. Environ 85 % d'entre eux sont devenus des agents de catégorie C et n'ont à ce titre plus bénéficié d'obligation de formation, que ce soit la formation d'intégration destinée à découvrir le monde territorial, l'adaptation à l'emploi ou la professionnalisation. »
La loi du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale (8) permet désormais aux médiateurs sociaux de pouvoir bénéficier de formations dédiées et d'un plan de professionnalisation prévoyant, notamment, des étapes de formation obligatoire tous les cinq ans. Pour accompagner ce mouvement, le CNFPT estime nécessaire d'établir une nomenclature de ces emplois. Yves Nantiaux souhaite ainsi « la mise en place de sigles professionnels permettant au collectivités d'identifier avec précision les professions de la médiation et leur fournissant un point d'appui pour recruter ». Parallèlement, le CNFPT, en liaison avec la direction générale des collectivités territoriales, réfléchit à l'opportunité de créer un cadre d'emplois spécifique ou, au contraire, d'adosser la médiation à des filières existantes quitte à en modifier les concours d'accès. « Rien n'est encore tranché. Aujourd'hui la tendance, dans la fonction publique territoriale, est plutôt de ne pas multiplier les cadres d'emplois, c'est donc plutôt la seconde hypothèse qui pourrait être envisagée », avance Yves Nantiaux.
M. P.
(2) « Professionnaliser la médiation sociale » - Programme 18 du plan de cohésion sociale (avril 2005-janvier 2006).
(3) « Convaincre et démontrer » - Omega : 67, boulevard Besson-Bey - 16000 Angoulême - Tél. 05 45 38 69 83.
(4) « Evaluation de l'utilité sociale de cinq structures de médiation sociale » - Sous la direction de Hélène Duclos et de Jean-Edouard Gresy - Disponible sur
(5) Huit types d'activités ont été définis : présence active de proximité, gestion des conflits, mise en relation entre les personnes et les institutions, concertation entre habitants et institutions, observation sociale sur les territoires, veille technique, facilitation et/ou gestion de projets culturels ou sportifs, sensibilisation et formation (notamment, participation à des campagnes nationales de sensibilisation).
(6) Séminaire européen organisé par la DIV, à Créteil, du 21 au 23 septembre 2000.
(7) La médiation sociale : une démarche de proximité au service de la cohésion sociale et de la tranquillité publique - Editions de la DIV, coll. « Repères » - Décembre 2004.
(8) Et son décret d'application du 26 décembre 2007, qui précise les modalités de formation professionnelle tout au long de la vie des agents titulaires et non titulaires de la FPT - Voir ASH n° 2539-2540 du 11-01-08, p. 15.