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Le Parlement adopte la loi relative à la rétention de sûreté et aux irresponsables pénaux

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Le Parlement a définitivement adopté, le 7 février, le très controversé (voir ce numéro, page 51) projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Un texte qui, selon la chancellerie, « répond à une logique de réinsertion, de prévention de la récidive et vise à atténuer la dangerosité des criminels ». Considérant que la création d'une mesure de rétention de sûreté constitue une « atteinte très grave et manifeste à la liberté individuelle » en ce qu'elle peut être perpétuelle, les députés et les sénateurs socialistes ont saisi, le 11 février, le Conseil constitutionnel.

Rappelons que la loi aménage également le dispositif de l'injonction de soins, notamment pour renforcer l'efficacité de la fonction de médecin coordonnateur.

La création d'une mesure de rétention de sûreté

Les parlementaires ont donc voté la création d'une mesure de rétention de sûreté qui peut être prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à une peine de 15 ans ou plus pour avoir commis, sur une victime mineure ou majeure, les crimes d'assassinat ou de meurtre, de tortures ou d'actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration. Cette mesure ne peut être prononcée que si la Cour d'assises a prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté et, dans ce cadre, s'il est constaté qu'elle présente une « particulière dangerosité » caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elle souffre d'un trouble grave de la personnalité. La mesure de rétention de sûreté est prononcée pour une durée de un an renouvelable, après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, jusqu'à ce que les conditions qui l'ont motivé cessent. Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au juge de l'application des peines pour qu'il apprécie la possibilité d'un placement sous surveillance judiciaire. Le dispositif de rétention de sûreté s'applique aux personnes faisant l'objet d'une condamnation prononcée après la publication de la loi pour des faits commis avant cette date.

La situation des détenus doit être examinée au moins un an avant la date prévue de leur libération par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté qui demande à cette fin - et c'est une nouveauté par rapport au projet de loi initial - leur placement, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de les observer aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts. Une précaution à prendre, notamment pour les « criminels aux profils les plus complexes », a souligné la chancellerie, et qui doit « permettre au juge de l'application des peines de définir de façon plus éclairée le parcours individualisé du condamné, par souci d'amélioration de la prise en charge des détenus sur le plan psychologique et médical ». Si la commission conclut à un risque de récidive, elle propose, par un avis motivé, le placement des intéressés dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel il leur sera proposé, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique. Proposition qui doit être entérinée, après un débat contradictoire, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente créée par la loi (1).

Lorsque la rétention de sûreté n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin (2) mais que le condamné présente toujours un risque de récidive, la juridiction régionale peut, après un débat contradictoire, le placer sous surveillance de sûreté pendant une durée de un an renouvelable (3). Cette mesure comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire, en particulier une injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile. Si la méconnaissance de ses obligations fait apparaître que le condamné présente à nouveau une particulière dangerosité, la juridiction régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté (4). Cette décision doit être confirmée dans un délai maximal de trois mois, sinon il est mis fin à la rétention. Ce dispositif sera applicable à compter de la publication de la loi.

Un décret doit encore préciser les conditions de mise en oeuvre de ces nouvelles mesures, ainsi que celles dans lesquelles s'exercent les droits des personnes retenues, y compris en matière d'emploi, de visites, de correspondances, de permissions de sortie sous escorte...

A noter : la loi prévoit que, dans l'année qui suit sa condamnation définitive, le condamné est placé en période d'observation de six semaines dans un service spécialisé afin de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de la peine. S'il souffre de troubles psychiatriques, il peut faire l'objet, sur indication médicale, d'une prise en charge adaptée à ses besoins, le cas échéant en hospitalisation.

L'assignation à domicile, une alternative à la rétention de sûreté

Les parlementaires ont aussi adopté une disposition ne figurant pas dans le projet de loi initial et permettant de soumettre, dans le cadre d'une surveillance judiciaire, d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance de sûreté, à une obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile les personnes exécutant, au 1er septembre 2008, une peine d'emprisonnement d'une durée de 15 ans ou plus à la suite soit de plusieurs condamnations, dont la dernière pour un crime visé par le dispositif de la rétention de sûreté, soit d'une condamnation unique à une telle peine pour plusieurs de ces crimes commis sur des victimes différentes. Cette obligation emporte pour l'intéressé l'interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge en dehors des périodes fixées par celui-ci.

A titre exceptionnel, si cette obligation apparaît insuffisante pour prévenir la récidive, ces personnes peuvent être soumises à un placement en rétention de sûreté selon la procédure décrite dans la loi.

La clarification de la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale

Jusqu'alors, la procédure judiciaire impliquant une personne dont les capacités mentales étaient reconnues altérées au moment de la commission des faits s'achevait par un non-lieu, un terme « mal vécu par les familles de victimes », qui leur « donne l'impression que les faits n'ont jamais eu lieu », a expliqué la garde des Sceaux, Rachida Dati. Désormais, si le juge d'instruction estime que, au moment des faits, l'auteur de l'infraction était atteint d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, il doit en aviser les parties et le procureur de la République. Ces derniers ont alors la possibilité d'indiquer s'ils souhaitent ou non saisir la chambre de l'instruction afin qu'elle se prononce, après une audience publique et contradictoire, sur la question de l'existence du trouble mental. Si elle est saisie, la chambre de l'instruction ordonne soit d'office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public, la comparution personnelle de la personne mise en examen - assistée de son avocat - si son état le lui permet. Les experts seront de nouveau entendus, ainsi que, le cas échéant, des témoins si leur audition permet de vérifier les faits ou d'établir l'existence du trouble mental.

Si les charges ne sont pas suffisantes contre le mis en examen, la chambre de l'instruction déclare qu'il n'y a pas lieu à poursuivre. S'il existe des charges suffisantes et qu'il n'est pas reconnu que le discernement du mis en examen ait été altéré au moment des faits, elle renvoie la personne devant la juridiction de jugement compétente. Dans les autres cas, la chambre de l'instruction rend un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (5), qui met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, et par lequel :

elle déclare qu'il existe des charges suffisantes contre la personne pour établir qu'elle a commis les faits qui lui sont reprochés ;

elle déclare la personne irresponsable pénalement en raison d'un trouble mental au moment des faits ;

si la partie civile le demande, elle renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel compétent pour qu'il se prononce sur la responsabilité civile de la personne et qu'il statue sur les demandes de dommages et intérêts ;

elle prononce, s'il y a lieu et après expertise psychiatrique, une ou plusieurs des mesures de sûreté énoncées par la loi comme, par exemple, l'interdiction d'entrer en relation avec la victime. Leur méconnaissance entraîne une peine d'emprisonnement de deux ans et de 30 000 € d'amende.

Une nouveauté : en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale, la chambre de l'instruction peut ordonner, par décision motivée, l'hospitalisation d'office de l'intéressé au titre d'une mesure de sûreté. Ce, à condition qu'une expertise psychiatrique établisse que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

(Loi à paraître)
Notes

(1) Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté - créée par la loi -, elle-même susceptible d'un pourvoi en cassation.

(2) Décision qui peut être prise d'office par la juridiction régionale des mesures de sûreté ou à la demande de l'intéressé dans les conditions prévues par la loi.

(3) Cette décision est susceptible de recours devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté, puis devant la Cour de cassation.

(4) Un premier centre ad hoc sera créé, à titre expérimental, au sein de l'établissement pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) dès le 1er septembre 2008. Dans l'attente, les condamnés sont placés dans un établissement public de santé destiné à l'accueil des détenus.

(5) Cet arrêt est susceptible de recours devant la Cour de cassation.

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