Le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) a rendu sa copie sur les deux projets de réforme envisagés par le gouvernement qui visent, d'une part, à revoir les modalités de revalorisation du SMIC et, d'autre part, à dynamiser les négociations salariales par la création d'un mécanisme de « donnant- donnant » sur les allégements de cotisations sociales patronales (1). Dans un avis examiné le 6 février en séance plénière (2), ses membres se déclarent favorables à la création d'une commission d'experts indépendante chargée d'émettre des recommandations sur les évolutions souhaitables du SMIC. Seule la CGT s'est prononcée contre. En revanche, tous les représentants des employeurs se sont opposés à une conditionnalité des exonérations de charges.
S'agissant du SMIC, le COE reconnaît que son évolution depuis le milieu des années 90, plus rapide que celle du salaire médian, conduit à s'interroger sur les modalités de sa revalorisation. Il considère en outre que « la situation actuelle d'écrasement de la hiérarchie des salaires n'est pas satisfaisante ».
Le conseil estime qu'il serait utile au gouvernement et à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) de disposer d'« informations enrichies portant notamment sur l'évolution de la productivité, le partage de la valeur ajoutée, la compétitivité des entreprises, l'évolution du salaire minimum dans les pays voisins, la relation salaires-emploi, l'évolution des prix et la structure des salaires ». A cette fin, une commission d'experts pourrait être créée. De format réduit - par exemple « trois membres nommés dans des conditions garantissant leur indépendance et pour une durée suffisante, afin de disposer d'une vision à moyen terme » -, elle remettrait chaque année à la CNNC et au gouvernement un avis sur le niveau souhaitable de revalorisation du SMIC, sur la base duquel le gouvernement prendrait sa décision.
La revalorisation annuelle du SMIC en fonction de l'évolution de l'inflation n'est pas remise en cause par le COE, même si « certains membres s'interrogent sur la pertinence de l'indice des prix calculé par l'Institut national de la statistique et des études économiques pour mesurer cette évolution, et si d'autres s'inquiètent du risque de reprise éventuelle d'une spirale prix-salaires que ferait peser un tel mécanisme automatique en cas d'inflation importante ». La date de revalorisation du SMIC pourrait par ailleurs être avancée au 1er janvier de chaque année. Ce qui présenterait l'avantage, dans la majorité des cas, de « rendre plus aisée la mise en adéquation des minima de branche avec le salaire minimum ».
Le conseil précise en outre qu'il ne remet en cause ni l'existence, ni l'unicité du SMIC. En particulier, selon lui, l'idée d'une régionalisation du SMIC doit être écartée, de même qu'une différenciation du SMIC en fonction de l'âge des salariés ou du secteur d'activité.
Toutes les organisations représentatives des entreprises estiment que l'objectif de dynamisation des négociations salariales « ne peut être atteint par un mécanisme de conditionnalité des allégements de cotisations patronales, à la seule exception du respect de l'obligation légale de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires ». Ce qui n'empêche pas le Conseil d'orientation pour l'emploi de se prononcer sur deux scénarios.
Le premier est celui proposé par le gouvernement. Il consiste à lier les allégements de cotisations sociales patronales aux négociations salariales à deux niveaux : dans les branches où les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC, les allégements seraient calculés non pas en rapportant le salaire au SMIC, mais en rapportant le salaire au minimum conventionnel ; dans les entreprises soumises à la négociation annuelle obligatoire (3), l'absence d'ouverture d'une négociation entraînerait une réduction de 50 % des allégements de cotisations sociales, et de 100 % l'année suivante si elle n'a toujours pas été ouverte. Le conseil estime que ce mécanisme peut contribuer à relancer la négociation salariale, tant dans les branches que dans les entreprises. Pour son volet relatif aux branches, il attire toutefois l'attention du gouvernement sur les risques que la mise en place du dispositif aboutisse à sanctionner des entreprises qui mènent des politiques salariales négociées. Pour son volet relatif aux entreprises, il souligne que sa mise en oeuvre pratique suppose la création d'une obligation de notification d'ouverture de négociation.
Le COE suggère un second scénario. Les allégements de cotisations sociales patronales seraient conservés à leur niveau actuel, à condition que l'entreprise soit couverte par un accord salarial de branche - ou, à défaut, d'entreprise - de moins de deux ans. Dans le cas contraire, l'entreprise se verrait amputée de 10 % de ses allégements jusqu'à ce qu'elle soit à nouveau couverte. A noter : au moins dans un premier temps, les entreprises non soumises à la négociation annuelle obligatoire ne seraient pas concernées par ce mécanisme de conditionnalité. Le dispositif permet de ne pas sanctionner des entreprises qui, tout en menant une politique salariale dynamique, se trouveraient dans une branche dans laquelle les minima se situeraient en dessous du niveau du SMIC, précise le conseil. Mais il présente l'inconvénient de ne pas agir directement sur le niveau des minima de branche.
Quel que soit le scénario retenu, le COE juge nécessaire que le dispositif qui sera mis en oeuvre fasse l'objet d'une évaluation afin d'apprécier ses effets sur les salaires et l'emploi.
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(3) Sont concernées par cette négociation toutes les entreprises où il existe au moins une section syndicale affiliée à l'une des cinq organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national (CFDT, CGT, FO, CFTC, CGC).