Alors que les rapports ou écrits se multiplient pour dénoncer les discriminations dont sont victimes les gens du voyage en France (1), la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) ajoute sa voix au chapitre. Particularité de l'étude adoptée par l'instance le 7 février en assemblée plénière (2) : la distinction opérée entre la situation des gens du voyage et celle des Roms, deux populations souvent confondues ne faisant pas nécessairement l'objet des mêmes discriminations. Le premier groupe, « d'environ 400 000 personnes », réunit des individus appartenant à des cultures diverses, qui possèdent pour la très grande majorité la nationalité française et qui ont un mode de vie traditionnel fondé à l'origine sur la mobilité et le voyage. Le second regroupe des étrangers migrants qui étaient sédentaires avant leur venue en France pour fuir les difficultés économiques et les discriminations dont ils souffraient dans leur pays. Ils sont estimés, d'après les organisations non gouvernementales, sur tout le territoire national, à « une dizaine de milliers ».
Les discriminations à l'encontre des gens du voyage dénoncées par la CNCDH recoupent celles fustigées en décembre dernier par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) (3). La plupart sont directement issues des textes législatifs, en l'occurrence soit de leur application, soit de leur non-application. Pointées du doigt en particulier : les difficultés rencontrées par cette population en matière de circulation sur le territoire français, d'exercice du droit de vote ou encore pour scolariser leurs enfants, pour lesquelles l'instance partage les préconisations de la HALDE (4). La commission déplore également les difficultés de réalisation de la loi Besson relative au stationnement des gens du voyage, qui conduisent à une « non-reconnaissance de fait d'un droit à l'itinérance ».
S'agissant des Roms migrants en France, la CNCDH regrette qu'ils fassent l'objet, notamment, d'« atteintes » au droit des étrangers. La commission s'inquiète entre autres de l'apparition de la notion de « pays sûrs » au regard de la réalité de la situation des Roms dans leur pays d'origine. « En effet, des pays définis comme sûrs sont notoirement des territoires dans lesquels les Roms sont l'objet de discriminations et menaces du fait de leur culture, mode de vie... » La commission dénonce ainsi cette notion qui, selon elle, « altère le droit d'asile comme droit individuel fondamental ».
Plus globalement, la CNCDH juge nécessaire d'améliorer les conditions d'habitat dans lesquelles se trouvent les gens du voyage et les Roms migrants sur le territoire français, « d'autant plus que cette question subordonne l'accès à la plupart des autres droits ». « Dans ce cadre, il convient d'assurer pour tous la reconnaissance d'un droit à l'habitat digne et décent quel que soit leur mode d'habitat », indique la commission. Elle recommande, dans cet esprit, que la caravane soit reconnue comme un logement en tant que tel et que, dès lors, il en découle l'application de toute la législation de droit commun relative au logement, permettant aux personnes souhaitant vivre en caravane d'avoir accès aux droits et aux aides au logement. Elle souhaite également que soit lancée une réflexion sur la création d'un « droit à l'emplacement pour les personnes itinérantes vivant de manière permanente en résidence mobile ».
La CNCDH constate encore que de plus en plus d'associations dénoncent les difficultés des gens du voyage en matière de santé, « qu'il s'agisse des contacts avec les hôpitaux ou les médecins, des pathologies liées à certains lieux de stationnement ou à l'environnement socio-professionnel, des accidents domestiques liés à la vie en caravane ou de la prévention difficile à mettre en place ». La commission recommande par conséquent, notamment, la mise en place d'interventions visant l'assistance médicale de base - surtout en ce qui concerne les personnes les plus vulnérables - ainsi que la programmation d'actions de formation et d'information pour la santé tant auprès des professionnels que des familles concernées. L'instance plaide par ailleurs pour que l'aide médicale de l'Etat soit accessible dès le premier jour pour ceux qui sont en situation irrégulière et non plus, comme c'est le cas actuellement, après un délai de trois mois de résidence ininterrompue en France. « Une aberration sur le plan médical », selon la CNCDH, car « les pathologies bénignes peuvent s'aggraver et, si elles sont non traitées, peuvent aboutir à la mise en cause du pronostic vital du patient ». Enfin, concernant plus particulièrement les Roms migrants - « qui se retrouvent souvent dans des habitats de fortune, situés près des autoroutes, sous un pont... » -, la commission demande que soit instauré, au préalable de toute procédure d'expulsion d'un lieu de vie, « un diagnostic sanitaire de ses occupants, afin d'engager autant que de besoin les mesures nécessaires à la protection de la santé publique ».
(1) Voir notamment dans les ASH n° 2535 du 14-12-07, p. 31, l'interview du sociologue Christophe Robert.
(2) Etude disponible sur
(4) Et plaide donc pour la suppression de l'obligation de faire viser tous les trois mois le carnet ou livret de circulation par les autorités de police ou administratives et l'abrogation des dispositions qui restreignent le libre exercice de la citoyenneté des gens du voyage ou dérogatoires au droit commun.