A bon entendeur... Le Syndicat de la magistrature (1) a, le 11 février, adressé au Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires socialistes sur la loi de rétention de sûreté (voir ce numéro, page 17), une vingtaine de pages passant en revue « les atteintes sans précédent portées par ce texte aux grands principes de notre droit ». Vingt-cinq des organisations mobilisées contre la loi depuis le début du mois de janvier (2), dont plusieurs syndicats des personnels pénitentiaires, de la protection judiciaire de la jeunesse et l'Observatoire international des prisons, se sont associées à ces observations.
Outre les « critères inopérants de l'urgence retenus par le gouvernement », le syndicat dénonce « l'inconstitutionnalité des dispositions relatives à la rétention de sûreté ». Contrairement au législateur, il juge que cette mesure constitue bien une peine et dénonce du même coup « la violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère », puisque la loi prévoit la possibilité d'appliquer la rétention de sûreté à certaines personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi. Etant donné qu'il s'agit de priver des personnes de leur liberté en considération d'un crime qu'elles sont susceptibles de commettre, la loi contrevient au principe de la présomption d'innocence, ajoute-t-il. Autre motif d'inconstitutionnalité, selon lui : le texte, qui ne prévoit pas de dérogation au dispositif pour les mineurs, « ouvre une nouvelle brèche dans la spécificité du droit pénal » applicable à ces derniers. « Le mineur criminel devenu adulte ne peut pas être traité comme le majeur criminel », insiste le syndicat. Les dispositions de la loi concernant la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale précisent par ailleurs qu'une personne pourra être jugée en son absence, si son état ne lui permet pas de comparaître, ou bien jugée alors que son état ne lui permet pas de se défendre. Elles portent donc « directement atteinte au principe du procès équitable prévu par le Convention européenne des droits de l'Homme », analyse encore le Syndicat de la magistrature.
(1) Syndicat de la magistrature : 12-14, rue Charles-Fourier - 75013 Paris - Tél. 01 48 05 47 88.