Le moment est opportun. A quelques semaines des élections municipales, et en plein débat sur l'effectivité de la loi sur le droit au logement opposable, la Fonda-tion Abbé-Pierre (1) a rendu publics, le 13 février, ses « tableaux d'honneur et de déshonneur des communes en matière de logement social ». Pour constituer ce « palmarès 2008 » de l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui impose à 736 communes d'atteindre d'ici à 2020 le taux de 20 % de logements sociaux, la fondation s'est procuré les bilans des financements de logements sociaux sur cinq ans, c'est-à-dire sur la période 2002-2006.
Son constat ? « Affligeant », une situation qui confine même à la « provocation », de nombreuses communes refusant toujours « de contribuer à l'effort de solidarité en matière de logement ». Parmi les 720 sur lesquelles porte l'étude - les informations nécessaires n'ayant pas pu être recueillies pour les autres -, 53,3 % comptent moins de 10 % de logements sociaux et 22,4 % moins de 5 %. Si 111 000 logements locatifs sociaux ont été financés sur cinq ans, cette production repose pour près d'un tiers sur le PLS (prêt locatif social), qui ne bénéficie pas aux ménages modestes. Plus inquiétant, souligne la fondation : l'inégalité de la répartition des efforts. Seules 39,6 % ont atteint ou dépassé l'engagement fixé par la loi et 60,4 % ne l'ont pas respecté. Parmi ces dernières, 37,4 % n'ont même pas atteint la moitié de leurs objectifs et 9,3 % n'ont financé aucun logement social ! En outre, celles qui respectent peu ou prou leurs obligations affichent déjà un taux de logements sociaux proche des 20 %, alors que les plus en retard sont souvent celles qui fournissent aussi le moins d'efforts.
La fondation a distingué les communes selon leur taille. Parmi « les très mauvais élèves » de la catégorie des moins de 5 000 habitants figurent beaucoup de petites villes des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Ile-de-France « qui manifestent un égoïsme local inacceptable en cette période de crise du logement », tandis que d'autres, inversement, « présentent des résultats bien supérieurs à leurs objectifs dans des départements dont les besoins en logements accessibles sont conséquents ». Parmi les villes de 5 000 à 50 000 habitants, près de la moitié de celles qui n'ont toujours pas construit de logement social depuis cinq ans sont situées en région PACA. Certaines n'ont, paradoxalement, « pas fait l'objet de constat de carence de la part de l'Etat », ce qui, souligne la fondation, confirme le « laxisme », voire la « complaisance des pouvoirs publics pour des situations pourtant intolérables ». Critique contre laquelle Christine Boutin, ministre du Logement, s'est aussitôt élevée par voie de communiqué : « Des instructions de fermeté ont été adressées aux préfets pour l'établissement des constats de carence pour la période de 2004 à 2007 », a-t-elle précisé.
La loi SRU s'applique à 29 communes de plus de 50 000 habitants. Huit ne la respectaient pas fin 2006. La fondation n'a pas intégré dans son « tableau d'honneur » celles dont le taux initial de logements sociaux était proche de 20 % ou présentant un ratio important de PLS, comme Cannes, Bordeaux ou Asnières (Hauts-de-Seine). Elle a préféré souligner les efforts de communes importantes, dont certaines respectent la loi malgré de fortes contraintes environnementales, telles Paris ou Versailles. Derniers de la classe, en revanche : Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), qui atteint seulement 2 % de ses objectifs, Neuilly-Sur-Seine (Hauts-de-Seine), qui est en deçà de 8 %, Hyères, Toulon ou Nice (50 %).
(1) Fondation Abbé-Pierre : 3/5, rue de Romainville - 75019 Paris - Tél. 01 55 56 37 00 -