« La voiture est lancée, son pilote est le président de la République, et c'est une bonne chose. Mais elle n'a pas beaucoup de carburant », résume Pascal Champvert, président de l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Après l'annonce du plan Alzheimer par Nicolas Sarkozy le 1er février et les premières réactions exprimées à chaud (1), cinq organisations, représentant à la fois des professionnels et des usagers, ont tenu à en livrer ensemble une analyse détaillée.
Les qualités d'abord. « Ce plan prend bien en compte le binôme malade-aidant, il décloisonne le sanitaire et le médico-social, il inclut un suivi annuel, il renforce la recherche », se réjouit Guy Le Rochais, vice-président délégué de l'association France-Alzheimer. « Il insiste lourdement sur la nécessaire professionnalisation, donc sur la formation, pour tous les types de prise en charge », approuve Jean-Marie Vetel, président du Syndicat national de gérontologie clinique. « Il n'oublie pas de demander le recueil du consentement de la personne âgée fragilisée, car il n'y a pas d'un côté des gens capables de décider de tout et de l'autre des personnes condamnées à ne plus décider de rien », relève Pascal Champvert.
Mais ce plan présente aussi des insuffisances. « Il parle d'expérimentation à propos des structures de répit pour les familles, mais l'expérience, elle est faite ! Ce qui manque, c'est le nombre ! », s'exclame Guy Le Rochais, qui s'inquiète aussi fortement du concept d'« unités renforcées », où interviendrait un psychiatre. « Il ne faut pas gérer les troubles du comportement, mais les éviter. » Le plan, « ou plutôt les arbitrages financiers qui l'accompagnent », n'assure pas un accompagnement suffisant en établissement, là où « il faudrait, en gros, doubler le taux de personnels pour parvenir ne serait-ce qu'à l'objectif, fixé par le précédent plan «solidarité grand âge», d'un salarié pour un résident dépendant », rappelle Pascal Champvert. « Dans le champ sanitaire, le plan comporte deux grosses failles, ajoute Jean-Marie Vetel : il fait l'impasse sur les unités de soins de longue durée [USLD], maillon indispensable au système quand l'obsession de l'hôpital est de faire sortir le malade le plus vite possible, et il oublie complètement le médecin généraliste qui, une fois correctement formé, pourrait jouer un rôle-clé de consultant et de primo-prescripteur. » On va manquer d'USLD pour assurer le continuum des prises en charge, reconnaît aussi Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, qui balaie devant sa porte en regrettant les réactions péjoratives des professionnels et des élus quand il est question de transformer un petit hôpital chirurgical en structure de soins pour personnes âgées...
Autre problème : celui du manque de carburant déjà évoqué. Le plan n'inclut que peu de moyens nouveaux, surtout pour le secteur médico-social, pour lequel il ne recycle que ce qui était déjà programmé par le plan « solidarité grand âge ». « Il ne propose rien pour réduire le reste à charge des malades et des familles », regrette notamment Guy Le Rochais. Selon les calculs de France-Alzheimer, en 2005-2006, celui-ci représentait, déduction faite de la participation de 22 % de l'assurance maladie et de 17 % des conseils généraux, 61 % de la facture. « Et depuis, avec les franchises médicales, la situation s'est aggravée. » Janine Dujay-Blaret, vice-présidente du CNRPA (Comité national des retraités et personnes âgées), va dans le même sens en pointant la différence entre le traitement réservé aux personnes handicapées de moins de 60 ans et celui offert aux plus de 60 ans. « Ces derniers payent même, dans les maisons de retraite, l'investissement dans le foncier et le bâti, rappelle-t-elle. Il faut aller vers la convergence prévue par la loi pour 2010. »
C'est ce que les associations attendent de la cinquième branche de protection sociale, sur laquelle le gouvernement doit faire des propositions au deuxième trimestre. « Celle-ci doit assurer à tous - et pas seulement aux malades Alzheimer - la définition d'un plan d'aide de qualité et son financement », explique Jean-Marie Vetel. « Elle doit fournir à tous la 2 CV, grâce à la solidarité nationale. Ceux qui veulent une Rolls pourront y ajouter une assurance individuelle », précise Janine Dujay-Blaret, en rappelant le vote unanime du conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sur ce point crucial « qui, les débats en cours au Sénat le prouvent, n'est pas encore acquis ».