Complètement. Nous avons pu constater, à partir des nouveaux dispositifs de la protection de l'enfance situés entre les actions en milieu ouvert et le placement, combien les professionnels se sont saisis du soutien à la parentalité et axent leur action sur le repérage et le renforcement des compétences des parents. Ces nouvelles démarches de travail mettent en avant la prise en charge globale de la famille et touchent à tous les domaines : l'éducation, mais aussi le logement, l'accès aux soins, les droits sociaux... En outre, les interventions, très intensives - parfois entre 10 et 20 heures hebdomadaires au domicile -, sont menées par des équipes pluridisciplinaires, ce qui permet de croiser les regards et de sortir d'une représentation unilatérale des situations.
Non, pas les travailleurs sociaux rencontrés, même s'ils peuvent suppléer un temps la famille, si c'est nécessaire. Par exemple, accompagner un enfant à l'école à la place de son parent qui n'arrive pas à se lever. Mais l'objectif, c'est d'amener petit à petit les familles à réinvestir leurs fonctions parentales. On s'aperçoit que les professionnels se décalent du modèle clinique, basé sur l'analyse psycho-sociale de la situation familiale, et se recentrent sur le « faire avec ». Ils ne cherchent plus à appréhender la situation à partir du seul discours des parents, mais ils observent comment ces derniers agissent au quotidien avec leur enfant : repas, sommeil, soins... et cherchent comment ils peuvent les aider à améliorer leurs pratiques. Avec eux, ils testent des solutions et évaluent ce qui a été fait. Et je ne crois pas que les parents sont déresponsabilisés : au contraire, bon nombre d'entre eux, très démunis et ayant peu de repères éducatifs, se sentent soutenus. Ils n'ont, surtout, pas le sentiment d'être jugés.
Les professionnels que nous avons rencontrés définissent le travail sur les compétences parentales comme une intervention visant à développer les savoir-faire et savoir être des parents plus que leurs connaissances. L'idée est que la famille puisse construire ses réponses dans l'échange ou apprenne en observant les pratiques des intervenants avec leurs enfants ou celles d'autres parents, dans le cadre d'actions collectives. Les travailleurs sociaux sont bien conscients du fait que cela ne doit pas conduire à proposer un manuel du parent compétent. Ils essaient ainsi de se placer non plus dans une fonction d'expert, qui s'adresse à des personnes en manque de savoir, mais de « facilitateur », qui, sans juger ni envahir, va les amener à s'autoriser à faire autrement. En outre, un grand nombre de dispositifs ont mis en place des supervisions afin d'éviter aux intervenants de « coller » de trop près aux situations familiales.
La façon dont ceux-ci envisagent le travail sur les compétences parentales leur permet de sortir de ces ambiguïtés. Ils ne parlent pas d'ailleurs de « responsabiliser » les familles, mais de les accompagner. A trop vouloir responsabiliser des parents, qui ont déjà une très faible estime de soi, on ne fait que les stigmatiser davantage.
La première, c'est de savoir à partir de quels critères on oriente une famille vers un accueil de jour, une action éducative en milieu ouvert ou un placement à domicile. Ce qui rend nécessaire de se doter d'outils d'évaluation afin d'avoir une lecture plus objective des compétences familiales et de repérer les implicites sur lesquels les professionnels travaillent. A l'initiative de l'ONED, le centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptée de Lyon réfléchit à un référentiel d'évaluation en ce sens. On manque également de recherches-actions sur ces nouvelles pratiques : comment les familles s'approprient-elles ce travail sur les compétences sur le long terme ?
(1) Dans son discours du 21 janvier dernier - Voir ASH n° 2542 du 25-01-08, p. 15. Ses propos ont suscité une réaction ironique de l'Association nationale des assistants de service social - Voir ASH n° 2543 du 1-02-08, p. 45.
(2) Observatoire national de l'enfance en danger -