«Sans les franchises, c'eût été un déficit supplémentaire. » En présentant, le 1er février, son plan quinquennal de lutte contre la maladie d'Alzheimer (1), le président de la République a fermement défendu l'instauration des franchises médicales (2), dans lesquelles il voit « l'expression de la responsabilité et de la solidarité » pour « un engagement financier majeur qui ne devait pas se faire au détriment des comptes de l'assurance maladie, qui sont déjà déficitaires ». Au total, 1,6 milliard d'euros sera dépensé entre 2008 et 2012, dont 1,2 milliard d'euros pour le « médico-social » et 200 millions d'euros pour le volet « soins », principalement financés par les franchises médicales. L'Etat financera la recherche à hauteur de 200 millions d'euros. Chargée de la mission interministérielle d'animation et de coordination de la mise en oeuvre du plan, c'est l'inspecteur général des finances Florence Lustman qui préparera son évaluation, prévue en 2011.
Le plan, qui reprend l'essentiel des préconisations du rapport Ménard (3), se décompose en 44 mesures dont 10 « mesures phare » qui permettront d'« améliorer le diagnostic », de « mieux soigner et mieux accompagner », d'« aider plus et mieux », de « chercher plus vite ». Outre un « effort sans précédent pour la recherche », avec notamment la création d'une fondation de coopération scientifique pour stimuler et coordonner la recherche (4), et un axe consacré à l'information du grand public et à la réflexion éthique, près de la moitié des mesures du plan portent sur l'amélioration de la qualité de la vie des malades et des aidants.
Premier objectif : apporter un soutien accru aux aidants. Pour y parvenir, les structures de répit seront développées et diversifiées. Une première étape consistera à « expérimenter une large palette de services de répit et d'accompagnement, comme la garde itinérante de jour et de nuit, la garde à domicile..., afin de voir celles qui sont les plus profitables à la fois pour la personne atteinte et pour l'aidant ». Dans un deuxième temps, « les formules plébiscitées seront généralisées, en veillant à ce que pour un territoire donné, toutes les formules adaptées soient disponibles ».
Cette mesure s'inscrit dans un contexte d'accélération des créations de places. En 2008, 2 125 places d'accueil de jour et 1 125 places d'hébergement temporaire doivent être créées. Sur toute la durée du plan, 11 000 places d'accueil de jour et 5 600 places d'hébergement temporaire devraient voir le jour. Le financement du transport des patients vers les accueils de jour sera également mis en oeuvre. En partenariat avec la Haute Autorité de santé, l'Agence nationale de l'évaluation sociale et médico-sociale établira des cahiers des charges pour donner aux structures de répit une dimension thérapeutique.
Par ailleurs, chaque aidant familial pourra bénéficier de deux jours de formation par an visant notamment à lui enseigner les comportements adaptés permettant de limiter certains impacts de la maladie. A partir de 2009, les aidants ayant abandonné leur activité professionnelle pour s'occuper d'un proche pourront également bénéficier d'une aide au retour à l'emploi de 1 000 € .
Pour mettre fin au désarroi des familles qui ne savent pas à qui s'adresser après l'annonce du diagnostic puis au cours des différentes étapes de la maladie, le plan prévoit de « construire un véritable parcours de prise en charge et d'accompagnement en se plaçant du point de vue de la personne malade et de sa famille, afin d'organiser le système autour de leurs besoins ». Une « porte d'entrée unique », ou « guichet unique », labellisée « maison pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer » (MAIA) sera mise en place. Ce lieu de coordination associant le secteur sanitaire et le secteur social s'appuiera sur l'existant, sans superposition de nouvelle structure. Les premières expérimentations se dérouleront de 2008 à 2010. Elles pourront non seulement partir d'un centre local d'information et de coordination (CLIC), d'un réseau gérontologique, d'une plate-forme de soins et services pilotée par des infirmiers libéraux... mais aussi, pour les départements qui le souhaitent, s'appuyer sur la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) « pour expérimenter la viabilité de la création de maisons départementales de l'autonomie ». En effet, certaines MDPH ont d'ores et déjà entamé un rapprochement avec les CLIC, notamment par le biais d'équipes communes d'évaluation. La phase de généralisation sur tout le territoire commencera en 2010.
Par ailleurs, des coordonnateurs, professionnels chargés d'assurer la liaison entre les interventions médicales et sociales, seront responsables, pour les personnes malades dont le cas est complexe, du suivi sur le long terme. « Ce système, destiné en premier lieu aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, sera ensuite élargi à l'ensemble des personnes âgées dépendantes. » A partir de 2009, les coordonnateurs seront joignables par la personne atteinte et par son entourage à partir d'un numéro de téléphone national unique. Il pourra s'agir d'infirmières coordinatrices de service de soins à domicile, de responsables de service d'aide à domicile, de personnels de CLIC ou d'équipes médico-sociales de l'allocation personnalisée d'autonomie, de travailleurs sociaux, d'acteurs des réseaux de santé ou encore d'infirmières libérales. Objectif : parvenir à 1 000 coordonnateurs répartis sur tout le territoire en 2012.
Afin de renforcer le soutien à domicile, l'intervention d'équipes spécialisées comprenant des assistants en gérontologie, des psychomotriciens ou des ergothérapeutes sera favorisée. Le plan identifie les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) comme des structures particulièrement adaptées pour la prise en charge pluridisciplinaire. Pour mémoire, un Spasad regroupe des services qui assurent les missions d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile et d'un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD). La tarification des SSIAD devrait donc être adaptée pour permettre le recrutement entre 2009 et 2012 de 500 équipes spécialisées représentant 5 000 places nouvelles de services d'aide et de soins à domicile.
Des mesures sont également prévues pour renforcer la prise en charge au sein des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) : généralisation des unités spécifiques pour atteindre 30 000 places dotées d'un projet adapté à la gravité des troubles du comportement, moyens renforcés en personnel, formations... De même, des unités cognitivo-comportementales pour malades d'Alzheimer seront créées au sein des services de soins de suite et de réadaptation.
De nouveaux modes de rémunération pour les professionnels de santé ou de financement des centres de santé et des maisons de santé pluridisciplinaires, complétant le paiement à l'acte ou s'y substituant, seront expérimentés. Alors que Nicolas Sarkozy avait dans un premier temps retenu l'idée d'un « forfait Alzheimer », le plan situe l'expérimentation dans le cadre plus large de l'amélioration de la qualité de la prise en charge pluridisciplinaire des patients atteints de maladies chroniques. Les expérimentations pourront faire appel simultanément à plusieurs modalités telles que des forfaits par pathologie, le paiement à l'acte, l'incitation à atteindre des objectifs individuels ou encore le salariat.
Dans le cadre du plan global sur les métiers du médico-social qui doit être prochainement présenté par le gouvernement, des mesures spécifiques seront en outre dédiées à la prise en charge des patients atteints de la maladie d'Alzheimer, avec notamment un plan de formation pour l'ensemble du personnel intervenant dans les unités adaptées des EHPAD ainsi qu'un plan de formation des coordonnateurs.
Autres mesures : l'amélioration du dispositif d'annonce de la maladie, la prise en compte de la spécificité des malades « jeunes » avec l'identification d'un centre national de référence, le renforcement des consultations mémoire à forte activité et leur création dans les zones non pourvues, l'instauration d'une carte d'information « maladie d'Alzheimer » pour chaque malade, la mise en place de portails Internet « e-seniors » sur les sites des conseils généraux...
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(4) Adossée à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et à l'Ecole des hautes études en santé publique, la fondation de coopération scientifique devrait être mise en place d'ici au 30 juin 2008 sous l'égide du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère de la Santé.