«Un pilotage unifié et responsabilisé du système territorial de santé, c'est la définition des agences régionales de santé (ARS) », selon Philippe Ritter. Pour ce préfet honoraire, ancien directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Ile-de-France, la mise en place des ARS constitue « une des plus importantes réformes institutionnelles de ces dernières décennies », dont l'un des enjeux est la recomposition de l'offre hospitalière au profit du médico-social. Ces nouvelles agences sont appelées à remplacer les actuelles ARH en 2009.
Dans le rapport - non disponible - qu'il a remis fin janvier à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, il plaide pour un périmètre de compétences le plus large possible. Ses conclusions s'inscrivent dans le cadre global de la réflexion actuelle sur l'efficience du système de santé français qui donnera lieu en juillet prochain à un projet de loi sur la modernisation de l'accès aux soins.
Les axes qu'il dégage sont nuancés par le rapport de la mission d'information sur les ARS, dirigée par le député (UMP) Yves Bur, rendu public le 6 février (1).
Selon Philippe Ritter, la mise en place des ARS devra contribuer prioritairement à « mieux structurer et maîtriser l'offre ambulatoire », à « renforcer les restructurations et l'efficience hospitalières » et à « recomposer l'offre hospitalière au profit du médico-social ». Au vu de la complémentarité du secteur médico-social avec le dispositif de soins, il juge que l'inclusion des structures et services médico-sociaux dans le périmètre de compétences de l'ARS présente un intérêt manifeste lorsqu'ils font l'objet d'un financement total ou partiel par l'assurance maladie. Un critère de répartition clair qui « revient à retenir surtout les établissements et services concourant à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées », explique la mission d'information dirigée par Yves Bur. Néanmoins, nuance-t-elle, ce critère ne serait pas suffisant pour certaines catégories d'établissements. Ainsi, par exemple, « les instituts d'éducation pour enfants handicapés [2] devraient plutôt être rapprochés du secteur scolaire » tandis que, pour les établissements et services d'aide par le travail, « la logique sociale primerait sur la logique sanitaire ».
Dans un second temps, Philippe Ritter pointe les écueils à éviter. L'ARS devra « être le garant de l'identité et de la vocation propres du médico-social ». Fondé sur un « projet positif extérieur à la question des soins, visant à préparer et à construire un projet de vie sociale autonome », le secteur médico-social « ne saurait être conçu comme le simple lieu d'accueil des personnes toujours souffrantes mais ne nécessitant plus des soins aigus ». Il faudra en outre veiller à ce que les ARS entretiennent des relations étroites avec les conseils généraux. Sur le plan financier, des garde-fous devront être instaurés pour éviter que l'enveloppe du médico-social serve de variable d'ajustement pour régler les besoins apparaissant du côté des soins. Un point de vue que la mission « Bur » rejoint, plaidant pour « un dispositif de fongibilité asymétrique permettant des transferts d'enveloppe du sanitaire vers le médico-social, mais pas l'inverse ».
Philippe Ritter fait par ailleurs le point sur les conséquences de l'inclusion du médico-social. Les ARS seraient chargées d'élaborer la partie médico-sociale des programmes régionaux de santé (correspondant aux actuels programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie [PRIAC]) et de délivrer les autorisations de création de places. Elles hériteraient de la capacité de tarifer les établissements médico-sociaux à la place des directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et pourraient aussi répartir au niveau départemental les dotations déléguées par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Sur ce point, Philippe Ritter indique qu'il conviendrait de « privilégier la contractualisation et l'allocation des ressources avec les structures gestionnaires plutôt qu'avec chaque établissement, afin de responsabiliser ces structures et de simplifier les procédures ». En principe, ajoute-t-il, l'inclusion dans le périmètre des ARS ne devrait pas remettre en cause les compétences respectives de la CNSA, des maisons départementales des personnes handicapées et des conseils généraux. Néanmoins, un examen de la viabilité d'un maintien en l'état du dispositif actuel serait peut-être nécessaire.
« En fonction du périmètre des ARS, la question de la pérennité des DDASS et des DRASS [directions régionales des affaires sanitaires et sociales] est posée », explique Philippe Ritter. « En tout état de cause, une part importante de leurs compétences et de leurs effectifs sera transférée aux ARS. » Ainsi, 20 % de leurs effectifs seraient en moyenne affectés au sein de l'agence si son périmètre se limitait aux soins, les deux tiers pour un périmètre incluant les soins, la prévention et la sécurité sanitaire et 80 % en y ajoutant le secteur médico-social. « Pour les services qui ne seront pas rattachés aux ARS, la régionalisation sera à privilégier », les services départementaux étant alors rattachés aux préfectures.
(1) Rapport disponible sur
(2) Instituts médico-éducatifs (IME) et instituts éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques (ITEP).