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Haro sur le contrôle du train de vie des allocataires du RMI et de la CMU-C

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Le décret du 28 janvier dernier sur l'évaluation du train de vie pour l'octroi ou le renouvellement du revenu minimum d'insertion (RMI), de certaines prestations sociales et de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) (1) suscite la colère de plusieurs mouvements de soutien aux chômeurs et aux personnes en difficulté.

Sur le principe d'abord. Sous couvert de lutter contre quelques cas de fraude, dénoncent plusieurs organisations, dont AC !, APEIS (Association pour l'emploi, l'information et la solidarité), le Collectif national droits des femmes, le DAL (Droit au logement) et le MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires) (2), le texte stigmatise les plus vulnérables par la suspicion et le contrôle. Sur le contenu ensuite. S'il leur reste encore à effectuer des simulations pour estimer plus précisément les conséquences du décret, ces organisations jugent que les montants prévus dans l'évaluation seront vite atteints. En d'autres termes, le décret pourrait facilement viser d'autres catégories d'allocataires que les grands fraudeurs qui ont motivé sa rédaction. « On voit bien qu'il s'agit plutôt de faire des économies sur les dépenses sociales », déplore Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL.

L'évaluation du train de vie du bénéficiaire ou du demandeur, par exemple, ne devrait pas dépasser la moitié du montant annuel du RMI. Soit, pour une personne seule, 2 687 € . Le patrimoine détenu ou occupé étant évalué à hauteur d'un quart de sa valeur locative annuelle, les comptes risquent d'être rapidement clos, craignent les organisations. Et la question ne se pose pas seulement pour le RMI : « Un propriétaire pourrait ne plus avoir droit à l'allocation de rentrée scolaire, même s'il a de petits revenus », poursuit Jean-Baptiste Eyraud. Le texte semblerait donc oublier les nombreuses situations de propriétaires pauvres, soulignent ces organisations, la possession d'un appartement ou d'une maison pouvant provenir d'économies réalisées dans le passé ou d'un héritage.

Les risques sont moindres, rassure Daniel Buchet, responsable de la mission de prévention et de lutte contre la fraude à la caisse nationale des allocations familiales : « L'évaluation est basée sur la valeur locative qui ne tient pas compte de l'évolution du marché immobilier. Selon la direction générale des impôts, la valeur locative annuelle d'un trois pièces est de 2 000 € en moyenne en France. Ce qui signifie que 500 € seraient retenus sur cette valeur. » La mesure vise à apporter une solution à « quelques cas rares », affirme-t-il, et fera quoi qu'il en soit l'objet d'une évaluation. Une circulaire devrait par ailleurs préciser prochainement ce qui relèvera des « circonstances exceptionnelles » permettant de déroger à cette nouvelle règle. Les héritages pourraient notamment permettre des mises à disposition « ponctuelles ».

Mais un décret était-il alors nécessaire ? « L'évaluation des éléments de train de vie est l'affaire des services fiscaux en charge de réprimer la fraude et l'évasion fiscale », s'était indigné Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France, au début du mois de janvier. Les conseils généraux, ajoutait-il, « savent déceler et interrompre les très rares situations de fraude qui peuvent exister ».

Au-delà d'un droit de regard sur la consommation des plus pauvres, qui peut être assimilé à une forme d'atteinte à leur dignité, le décret, soulignent ses opposants, équivaut à une rupture fondamentale dans les politiques sociales : alors qu'il a été conçu pour ouvrir deux droits - à un revenu et à l'insertion -, le RMI, dernier filet contre l'exclusion, ne serait plus abordé que sous l'angle des devoirs. Dans le même esprit, « va être discuté, dans le cadre du «Grenelle de l'insertion», la question de la sanction à prendre en cas de refus de RSA (revenu de solidarité active), sous prétexte que l'Etat, l'employeur et l'allocataire doivent accepter le principe du droit et des devoirs, ajoute Guy-Henri Plessis, du MNCP. Mais dès lors que le rapport de forces est inégal, il s'agit plutôt d'un moyen de pression. »

Les organisations de soutien aux précaires qui contestent ce décret étudient les moyens de former un recours juridique. Mais elles ne sont pas les seules à le dénoncer : dans un communiqué du 4 février, six organisations de médecins (3), dont le Comité des médecins généralistes pour l'accès aux soins (CoMéGas), le Syndicat national des médecins de centre de santé et l'Union syndicale de la psychiatrie, fustigent également le contrôle de la « réalité des ressources » des bénéficiaires de la CMU-C, prévu par le même texte. Elles rappellent que, sur les six millions de personnes qui pourraient en bénéficier, seules cinq millions accèdent à la CMU-C : choisir de « ne contrôler que ceux qui abuseraient du droit, sans contrôler que tous ceux ayant un droit l'exercent réellement, c'est évidemment un choix ». Les fraudes à la CMU-C sont minimes, insistent-elles, et cette nouvelle mesure, qui « transforme l'accès aux droits sociaux en une confrontation avec les services instructeurs de cette prestation », risque de coûter plus cher en gestion que les bénéfices attendus. Elles craignent que ces complications ne viennent aggraver les retards dans l'accès aux soins.

Notes

(1) Voir ASH n° 2543 du 1-02-08, p. 5.

(2) Contact : MNCP - 17, rue de Lancry - 75010 Paris - Tél. 01 40 03 90 66.

(3) Contact : Hélène Baudry (Association des médecins référents) - h.baudry@free.fr.

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