Dans son rapport remis à Nicolas Sarkozy le 23 janvier au terme de cinq mois de travaux, la « commission pour la libération de la croissance » présidée par Jacques Attali a livré au président de la République 316 propositions censées permettre à la France de « retrouver la voie d'une croissance forte, financièrement saine » et « socialement juste » (1). La recette miracle imaginée par les 43 membres de la commission aura été du goût du chef de l'Etat. Il s'est dit en effet « d'accord pour l'essentiel » avec les réformes préconisées, les trouvant « dans l'ensemble raisonnables » et n'en repoussant d'emblée que quelques-unes, la suppression des départements ou du principe de précaution par exemple. Une position guère étonnante dans la mesure où plusieurs des propositions du rapport sont en passe d'être réalisées ou constituent des pistes de travail d'ores et déjà explorées par le gouvernement, notamment dans les domaines de la santé (développement de l'hospitalisation à domicile ou des maisons médicales...), de l'éducation (abandon du redoublement à l'école primaire, possibilité pour les parents de « choisir librement le lieu de scolarisation de leurs enfants »...) ou des retraites. D'autres constituent de nouveaux points de polémique propres à cristalliser les débats dans les prochaines semaines. Rien ne dit que le pensionnaire de l'Elysée les assumera toutes. Un séminaire gouvernemental se tiendra début février pour « lancer et coordonner les priorités », a-t-il indiqué, promettant par ailleurs de consulter les parlementaires et de recevoir en juin les membres de la commission pour faire le point sur la mise en oeuvre de leurs préconisations.
Nombre de propositions ont trait à l'emploi. Deux cibles en particulier sont privilégiées : les jeunes et les « seniors », l'idée étant de « permettre à chacun de travailler aussi tôt et aussi longtemps qu'il le souhaite ». Les membres de la commission sont ainsi convaincus que le taux de chômage des jeunes peut être divisé par trois d'ici à 2012. Il suffirait pour cela, notamment, d'étendre le modèle de l'alternance à tous les niveaux de formation, de développer les formations professionnalisantes à l'université, d'inciter les partenaires sociaux à revaloriser la rémunération des apprentis (qui varie actuellement de 25 % du SMIC pour les 16-18 ans à 78 % pour les apprentis de troisième année âgés de plus de 20 ans), de relever d'ici à 2012 la taxe d'apprentissage effectivement réservée à la formation par alternance de 52 % à 70 % ou encore d'échanger les bonnes pratiques entre entreprises, par exemple les stages professionnalisants encadrés par un tuteur et devant déboucher sur un contrat à durée indéterminée. S'agissant des « seniors », le rapport propose notamment de « permettre à chacun de retarder, s'il le désire, son départ à la retraite » une fois la durée minimale de cotisation acquise, de lever toutes les interdictions de cumul emploi-retraite ou encore de limiter la possibilité de recours aux dispositifs de préretraite aux seules restructurations économiques. Autant de mesures qui devraient être discutées dans le cadre du « rendez-vous 2008 » sur les retraites.
Plus généralement, la commission Attali préconise de sécuriser les parcours professionnels, en attachant au salarié le droit individuel à la formation ou encore en accompagnant mieux la recherche d'emploi. Elle propose à cet égard d'intéresser les agents du service public de l'emploi à leurs performances en matière de reclassement ou encore de « considérer la situation des chercheurs d'emploi comme une activité rémunérée sous forme d'un contrat d'évolution avec un accompagnement renforcé ». « Une fois assurée la sécurisation des parcours, une rupture à l'amiable du contrat de travail devient possible », écrivent les membres de la commission, allant dans le sens de l'accord sur la modernisation du marché du travail conclu par les partenaires sociaux (2). Le rapport préconise, au surplus, d'« aménager des indemnités chômage généreuses, mais plafonnées, pour bénéficier surtout aux salariés les plus modestes ». Il suggère également de mettre en place un système de bonus/malus afin d'encourager les entreprises à engager des jeunes et des chômeurs. Il reviendrait aux partenaires sociaux d'en définir les modalités.
Dans le domaine du logement, la commission Attali identifie, entre autres objectifs prioritaires, celui de « faciliter la mobilité dans le logement social » et propose, dans cette optique, la création sur Internet d'une bourse du logement social qui recenserait à l'échelle nationale à la fois les logements vacants et ceux disponibles pour un échange. Elle ferait intervenir les bailleurs publics et privés, les communes, les maisons de l'emploi et l'Agence nationale pour l'emploi.
Par ailleurs, afin d'« encourager les propriétaires à louer en établissant des rapports plus équilibrés avec les locataires », le document propose de raccourcir les délais légaux encadrant le régime des expulsions, de limiter le pouvoir discrétionnaire du juge en matière de délais de grâce et de paiement aux cas les plus précaires ou encore d'« encadrer plus strictement le pouvoir d'appréciation discrétionnaire du préfet, notamment par une compétence liée dans la décision d'accorder le concours de la force publique ». A l'inverse, afin de « mieux protéger les locataires », la commission suggère - comme le prévoit le projet de loi sur le pouvoir d'achat - de réduire le dépôt de garantie à un mois de loyer, mais aussi de raccourcir son délai de restitution à huit jours et d'en confier la garde à une partie tierce au contrat de bail.
Afin de réduire le coût du travail, la commission Attali préconise de réduire de 3 points les cotisations sociales salariales et parallèlement de relever de 0,6 point la CSG et de 1,2 point la TVA. Par ailleurs, pour donner un coup de frein à la dépense publique, elle recommande notamment de conditionner les prestations familiales aux revenus des ménages. Cette dernière mesure rendrait « la politique familiale plus redistributive et [permettrait] de réduire le coût des politiques familiales de 2 milliards d'euros », assure le rapport (sur la réaction de l'Union nationale des associations familiales, voir ce numéro page 45).
Dans un tout autre domaine, on retiendra encore la proposition de la commission visant à mettre en place un « service civique hebdomadaire » au collège afin d'« éveiller les élèves au travail associatif ». Ou encore celle d'élargir et de favoriser la venue de travailleurs étrangers, l'immigration pouvant être en effet, pour l'avenir et comme par le passé, un « puissant facteur de croissance ».
(1) Rapport disponible sur