Dans le cadre du « Grenelle de l'insertion », le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté a organisé, le 17 janvier, un débat - sans vote - au Sénat puis à l'Assemblée nationale autour des enjeux de l'insertion. Objectif : associer les parlementaires en amont de la réflexion sur la refonte des politiques d'insertion plutôt que de leur demander simplement « de ratifier ce qui aurait été élaboré dans d'autres enceintes ». Martin Hirsch en a profité pour présenter « dix principes d'action » susceptibles de guider les travaux du « Grenelle » et les propositions de réforme qui pourront y être discutées. Dix pistes « pour réorienter les politiques d'insertion » que l'ancien président d'Emmaüs France juge « à bout de souffle ».
L'une d'elles consiste à « simplifier de façon drastique les dispositifs, aussi bien pour les minima sociaux, les aides de retour à l'emploi que les contrats aidés ». Stigmatisant la complexité des mécanismes existants, Martin Hirsch a défendu la mise en place du revenu de solidarité active (RSA), du contrat unique d'insertion et plaidé à nouveau pour l'instauration du « bouclier sanitaire ». En lien avec ce premier principe, il s'agit aussi d'« assurer des revenus du travail supérieurs [à ceux] de la solidarité ». Pour y parvenir, a été créé le RSA, qui doit permettre de supprimer les effets de seuil pour les allocataires de minima sociaux qui reprennent un travail et de lutter contre la pauvreté au travail. Reste que ce nouveau dispositif, pour l'heure, est seulement expérimenté dans certains départements volontaires, et encore « sous une forme très incomplète », a reconnu le Haut Commissaire (1). Des mesures, tant en milieu urbain qu'en zone rurale, doivent en outre être prises pour lever les freins à l'accès à la mobilité et à la garde d'enfants.
Martin Hirsch a également plaidé pour « une conception plus souple, plus large et plus réaliste de la notion d'employabilité ». Aucune personne « ne peut se voir refuser de manière irréversible la dignité par le travail, quitte à ce que les exigences du travail puissent être considérablement adaptées à [ses] difficultés », a-t-il déclaré. Pour certains, bien sûr, « l'emploi ne pourra pas prendre une forme classique mais nécessitera d'être durablement soutenu ou prendre la forme d'une activité adaptée ». Mais « travailler dans un chantier d'insertion, ce n'est pas être inemployé et donc ce n'est pas être inemployable », a-t-il insisté.
Autre piste lancée : « passer d'un système de contrats aidés à une logique de contrats aidants, fondée sur la notion de parcours ». L'ancien président d'Emmaüs France a notamment proposé, outre le contrat unique d'insertion, une aide des pouvoirs publics « qui ne soit pas principalement ou exclusivement une subvention qui abaisse parfois artificiellement les coûts du travail » mais qui puisse « financer du tutorat, de l'accompagnement social et professionnel, des besoins spécifiques de formation ou d'adaptation à l'emploi, modulée au cas par cas en fonction des besoins des salariés et des employeurs ». Autre axe évoqué par le Haut Commissaire : « une réorientation vers des contrats qualifiants, reposant sur le principe de l'alternance, en accélérant la montée en charge des contrats de professionnalisation et d'apprentissage ».
La mise en place d'« une universalité effective de l'accès au service public de l'emploi, de l'insertion et de la formation » est une autre priorité pour Martin Hirsch. L'enjeu : mobiliser à la fois le service public de l'emploi et les régions pour que chaque personne privée d'emploi puisse se réinsérer. Il importe aussi d'« organiser une logique de responsabilité pour les pouvoirs publics, laissant une large place à l'initiative locale ». Les collectivités territoriales sont les plus habilitées à poser un diagnostic précis sur leur bassin d'emploi. Partant, elles pourraient élaborer un « pacte territorial d'insertion » dans lequel seraient définis les rôles et les responsabilités de chacune. L'Etat pourrait y être partie prenante.
Autre impératif : « clarifier la notion de droits et devoirs pour les publics d'insertion ». Le retour au travail doit assurer aux publics en insertion un statut, une reconnaissance et des droits à la retraite, a insisté Martin Hirsch. Par ailleurs, pour les jeunes sans allocation, sans formation et sans travail, un contrat allouant des revenus réguliers pourrait être proposé en contrepartie d'un engagement d'accepter formations et emplois. Symétriquement, il faut « faire entrer dans une logique de droits et devoirs les employeurs ». Trois critères permettraient d'évaluer l'effort des entreprises : l'embauche de personnes en difficulté, la contribution à leur formation et la politique d'achat ou de sous-traitance avec des acteurs de l'insertion.
L'ancien président d'Emmaüs France souhaite enfin « que les réformes réservent systématiquement une part de financement à l'évaluation » et soient expérimentées, comme cela est fait pour le RSA.
(1) Dans le quotidien Libération du 21 janvier, Martin Hirsch et Etienne Grass, rapporteur de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », annoncent qu'ils proposeront « le mois prochain » un « Livre vert » qui « présentera de façon transparente le dispositif ».