Saisie par le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI), la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) estime, dans une délibération du 17 décembre 2007 - qui vient seulement d'être rendue publique -, que plusieurs dispositions de la loi « Hortefeux » du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile sont « discriminatoires » et méconnaissent « des directives européennes ou des conventions internationales auxquelles la France est partie » (1).
Dans le collimateur de l'instance, en particulier : l'article 2 du texte, relatif à la condition de ressources imposée aux étrangers handicapés qui demandent le regroupement familial. Dans une précédente délibération, datant d'avant la loi (2), la Haute Autorité dénonçait déjà la législation en vigueur, discriminatoire selon elle à l'égard de cette catégorie de personnes. Il était alors exigé d'elles qu'à l'instar des autres catégories d'étrangers, elles justifient de ressources atteignant un montant au moins égal au SMIC mensuel. Selon l'instance, cette condition portait atteinte au droit des personnes handicapées de mener une vie familiale normale, car elle interdisait de facto la jouissance de ce droit aux intéressés, dans l'impossibilité de justifier de ressources suffisantes. Au cours de l'examen du projet de loi Hortefeux au Parlement, députés et sénateurs ont cherché à rendre la législation compatible avec les recommandations de la HALDE (3). C'est ainsi qu'au final, la loi prévoit que la condition de ressources ne s'applique pas si le demandeur est titulaire de l'allocation supplémentaire invalidité ou de « l'allocation aux adultes handicapés [AAH] mentionnée à l'article L. 428-1 du code de la sécurité sociale », c'est à dire celle versée à la personne atteinte d'un taux d'incapacité au moins égal à 80 %. « Malgré l'avancée qu'elle constitue, cette nouvelle disposition comporte tout de même des éléments discriminatoires », juge aujourd'hui la Haute Autorité, qui invoque deux raisons principales.
En premier lieu, elle estime que la nouvelle législation « impose aux étrangers souhaitant faire venir leurs proches des conditions de ressources qui écartent, de fait, les populations les plus vulnérables, telles que les malades et les personnes âgées, aux revenus souvent faibles ». Ces personnes « ne pourront faire valoir leur droit de mener une vie familiale normale puisque le regroupement familial, particulièrement crucial dans leur situation, ne leur sera pas ouvert », explique l'instance. Il en va ainsi notamment des personnes bénéficiaires de l'AAH ne justifiant pas d'un taux d'incapacité au moins égal à 80 % ou encore des nombreuses personnes qui bénéficient de revenus à la fois trop importants pour percevoir l'AAH ou l'allocation supplémentaire d'invalidité mais cependant inférieurs au SMIC et donc, a fortiori, à 1,2 fois le SMIC (quantum pouvant dorénavant être fixé par décret en fonction de la taille de la famille du demandeur).
Par ailleurs et plus généralement, « dans la mesure où le montant du SMIC est considéré comme suffisant pour que les Français puissent vivre dans des conditions acceptables, il est cohérent de considérer qu'il en est de même pour les étrangers », insiste la Haute Autorité. « En conséquence, il n'y a pas lieu d'établir une distinction fondée sur la nationalité, critère de distinction sans lien avec l'objet de la mesure : disposer de revenus suffisants pour vivre dans des conditions acceptables. »
Pour la HALDE, il conviendrait donc de ne plus rendre opposable la condition de ressources pour toute personne qui, à raison de son handicap ou de son état de santé, est dans l'incapacité de percevoir des revenus équivalents au SMIC et, a fortiori, à 1,2 fois le SMIC.
Dans les autres dispositions présentant selon elle un caractère discriminatoire, la Haute Autorité cite aussi la suspension des prestations familiales en cas de non-respect du contrat d'accueil et d'intégration, la non-motivation de la décision d'obligation de quitter le territoire français après un refus ou un renouvellement de titre de séjour, ou encore l'identification par les empreintes génétiques des enfants entrant sur le territoire dans le cadre du regroupement familial (4).
(1) Délibération n° 2007-370 du 17 décembre 2007, disponible sur
(4) Signalons que le GISTI et la Ligue des droits de l'Homme demandent la constitution d'un groupe de travail ayant pour mission de « remettre à plat l'ensemble des textes relatifs aux étrangers afin d'en éliminer les dispositions qui ont un caractère discriminatoire, y compris celles qui leur refusent des droits ou des emplois ».